1er épisode : 1922 à 1947

Cet épisode s’attache plus particulièrement à la naissance de notre association et ses premières années d’existence. La naissance des FPS est fortement reliée à l’histoire des mutualités qui débute en Belgique au 19e siècle.

Au début du 20eme siècle, la protection sociale des enfants et des épouses du « chef de famille » n’était pas assurée, les ouvrières vont alors s’organiser pour remédier à ce problème. C’est dans ce contexte que les caisses d’entraide mutuelle féminines voient le jour. La première à porter le nom de La Femme Prévoyante est créée en 1913, au sein d’une mutualité social­iste locale. Ces structures visent à ré­pondre aux besoins spécifiques relatifs à la santé des femmes ouvrières, alors particulièrement mise à l’épreuve lors de grossesses peu suivies médicalement ou d’accouchements dans des conditions d’hygiène minimalistes. Pourtant, à l’époque, seule une minorité de femmes était affiliée à une mutualité. Or, pour Arthur Jauniaux et Émile Vandervelde, figures du socialisme belge de l’époque, l’émancipation de la classe ouvrière n’était possible que si les femmes par­ticipaient elles aussi à l’effort collectif de solidarité.

C’est pourquoi, en 1922, l’Union na­tionale des fédérations mutualistes so­cialistes décide de créer un secrétariat spécifiquement chargé de promouvoir le concept de mutualité auprès des femmes belges. Claire Baril en prend la tête. Ce secrétariat national s’inspire des expériences de terrain des caisses locales de La Femme Prévoyante et en reprend le nom. Il a pour mission première de défendre le droit à la santé des femmes et d’assurer la protection des mères et de leurs enfants via un système de couverture sociale efficace. Avec l’appui de fortes personnalités socialistes telles que Marie Spaak, Isabelle Blume, Lucie Dejardin et Denise Durant, Soralia promeuvent la participation des femmes en politique, un levier d’action pour obtenir des avancées en faveur des droits des femmes. Ensemble, elles revendiquent le droit de vote aux élections législatives et provinciales, la protec­tion de la mère isolée, la protection lors de l’accouchement, la lutte contre les taudis et la protection de la santé des écoliers.

Copyright : Coll. IHOES (Seraing)

Du combat pour l’accessibilité à la contraception à la défense du droit à l’avortement, les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) et leurs Centres de Planning familial ont été pionnières·ers en matière de lutte pour l’accès aux droits sexuels et reproductifs en Belgique.

En 1956, la pilule contraceptive, mise au point par le docteur Pincus, voit le jour aux États-Unis. Véritable révolution, la pilule deviendra le symbole de la libération sexuelle des femmes. Malgré sa commercialisation en Belgique, l’information et la publicité de toute forme de contraception sont interdites par la loi du Premier ministre Carton de Wiart depuis 1923, et ce, pour des raisons natalistes. Cette loi a complété celle de 1897 interdisant totalement l’interruption volontaire de grossesse (IVG). À ce moment-là, au vu des législations restrictives en matière de droit à disposer de son corps et du manque d’informations relatives à la contraception, les femmes se retrouvaient dans l’obligation de se tourner vers l’avortement clandestin malgré les risques d’un tel acte pour leur santé et leur vie. À ce propos, rappelons qu’interdire l’avortement n’en diminuera jamais le nombre, mais le rendra clandestin et risqué. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 25 millions d’avortements non sécurisés sont pratiqués chaque année dans le monde[1].

En Belgique francophone, le premier Centre de Planning familial est constitué par un groupe de personnes laïques en 1962, il s’agit de « La Famille heureuse »[2]. Le premier Centre de Planning familial des FPS est créé, quant à lui, à Bruxelles, en 1965. Il s’agit plus précisément du Centre Rosa des FPS du Brabant. À l’origine, les Centres de Planning familial ont été mis en place afin de permettre aux couples de trouver des conseils pour « planifier » l’agrandissement ou non de leur famille. Les Centres étaient aussi des lieux d’écoute et d’information en matière de sexualité et de contraception où les professionnel·le·s recevaient le grand public sans tabou et en toute confidentialité. Au fil des ans, les Centres ont développé d’autres types de consultations comme des consultations psychologiques, juridiques, sociales, médicales/gynécologiques et des animations en lien avec la vie relationnelle, affective et sexuelle (VRAS).

Willy Peers, figure majeure

« C’est par respect de la vie et de la personne humaine que je suis pour la dépénalisation de l’avortement médical. Ceux qui sont contre semblent être aussi contre la vie et la personne humaine » Willy Peers.

En 1970, le docteur Willy Peers fonde la Société belge pour la légalisation de l’avortement. Le docteur Peers, bien connu dans les années 60, mène alors un triple combat : l’introduction de l’accouchement sans douleur, la diffusion d’une contraception moderne et la modification de la législation réprimant l’avortement[3]. C’est aussi en 1970 que les Centres de Planning familial seront reconnus et subsidiés en Belgique.

En 1973, c’est le début de l’affaire Peers… Le docteur Peers est arrêté et emprisonné pour avoir pratiqué plus de 300 avortements à la maternité régionale de Namur. Par son acte de désobéissance civile, il contribue à briser le silence entourant la pratique de l’IVG en Belgique. Toujours en 1973, suite à une forte mobilisation des mouvements de femmes et du monde laïque dont Soralia et leurs Centres de Planning familial en soutien au Docteur Peers, la contraception est légalisée en Belgique… En effet, à partir de cette année-là, les contraceptifs seront assimilés aux médicaments, leur diffusion sera partiellement libéralisée et leur publicité autorisée. « L’affaire Peers » lancera le débat et la lutte pour la dépénalisation de l’avortement qui sera principalement portée par les milieux de gauche et laïque…[4]

[1] OMS, « 25 millions d’avortements non sécurisés sont pratiqués dans le monde chaque année », https://bit.ly/3LUp6LZ.
[2] Le planning familial, un champ (dé)pilarisé ?, Espace de libertés, Février 2021, n° 496, https://bit.ly/3v65BcB.
[3] Site internet « Connaitre la Wallonie », Rubrique « Wallons marquants : Willy Peers », https://bit.ly/363ERRG.
[4] Ibid.

Dans ce troisième volet, nous nous penchons sur un tournant indéniable pour Soralia : l’institutionnalisation, en 1976, de l’éducation permanente en Belgique francophone.

Dès la fin du 19ème siècle, le concept « d’éducation populaire » fait son apparition dans les mouvements de lutte ouvrière. Son but ? Valoriser l’émancipation culturelle, économique et sociale des travailleurs et travailleuses. Les conditions de travail ouvrier de l’époque ne laissent ni moment de détente ni d’apprentissage. Les mouvements ouvriers et partis politiques socialistes et catholiques, guidés par des motivations différentes, lancent des prémisses d’initiative d’éducation et d’action culturelle, notamment les « vacances ouvrières », une forme de tourisme social où les congés payés sont encadrés dans une perspective d’émancipation ouvrière.

Au lendemain de la première guerre mondiale, diverses lois sociales sont mises en place et favorisent le développement de l’éducation populaire, notamment la loi de 1921 qui permet aux structures ouvrières de s’organiser en ASBL afin de soutenir et de pérenniser leurs activités d’éducation populaire par des financements de l’État.

Les décennies qui suivent la deuxième guerre mondiales sont marquées par de fortes évolutions de la société : multiplication des associations, développement massif des milieux salariés, augmentation généralisée du niveau de vie et d’instruction des milieux ouvriers, démocratisation de l’accès à la culture, augmentation des congés payés provoquant l’abandon progressif du tourisme « social » au profit d’un tourisme « passif », de loisirs… Autant d’éléments qui font évoluer le concept d’éducation populaire vers l’éducation permanente, visant désormais l’ensemble des adultes. La notion de démocratisation culturelle prend également de l’ampleur, et avec elle l’apparition d’un « nouveau métier » : celui de l’animation socioculturelle. C’est au travers d’un arrêté royal en 1971 puis d’un décret en 1976 que l’éducation permanente s’institutionnalise[1].

Les missions de base des Femmes Prévoyantes Socialistes s’inscrivent depuis toujours dans les fondements de l’éducation populaire. Dès lors que le cadre le permet, elles fondent des ASBL qui consacrent l’ensemble de leurs activités à ce domaine. C’est d’abord le cas de Famille et Culture (FAC), en 1971, qui a pour but « l’animation, la formation et la diffusion culturelle dans tous les domaines, pour les familles mais aussi pour les jeunes et les adultes en général »[2].

Vient ensuite, en 1978, la création de Formation Action Militantisme (FAM), qui est encore aujourd’hui le mouvement de promotion socioculturelle des FPS. Cette ASBL est créée à la suite de deux journées d’études internes sur le thème de l’animation socioculturelle, qui aboutissent à l’établissement de statuts reprenant presqu’à l’identique la définition de l’éducation permanente présente dans le décret de 1976. Au travers de FAM, une meilleure coordination entre les différentes entités FPS régionales en Wallonie et à Bruxelles se met en place et se structure.

En 1990, la loi Busquin précise et redéfinit les missions des mutualités, ce qui implique l’absorption des caisses primaires, dont notamment Soralia. Ce volet-là des activités du Mouvement disparaît donc, entraînant encore un recentrage autour des actions d’éducation permanente. Deux tournants structurels majeurs en terme d’organisation, qui n’éloignent toutefois jamais Soralia de la philosophie d’action de leurs origines, toujours d’application aujourd’hui.

[1] Cet historique se base sur le site internet VERSELE Marie et CARTON Luc, « Éducation populaire, Éducation permanente… tout une histoire ! », 150 ans de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente, https://bit.ly/3Rgj23Q ; CARHOP, Histoire de l’Éducation permanente en Belgique : exposition en ligne, 2011, https://bit.ly/3OMWQgp ; ARCQ Etienne et BLAISE Pierre, « L’éducation permanente en Communauté française », Dossiers du CRISP, n°43, 1996.

[2] « Famille et culture, tout un programme… », La Femme Prévoyante – revue mensuelle des Femmes Prévoyantes Socialistes, mai 1971, p. 4.