Magali Moyart est présidente de la régionale de Bruxelles au sein de l’organisation syndicale CGSP enseignement. Elle s’occupe des écoles du territoire bruxellois, répertoriées dans le réseau Wallonie-Bruxelles Enseignement[1] (WBE). Au quotidien, elle accompagne sur le plan syndical des enseignant·e·s de la maternelle au secondaire supérieur. Avec elle, nous tentons de comprendre pourquoi l’enseignement, métier essentiel du care, ne fait plus rêver les jeunes.

Un pacte d’excellence imparfait

Depuis septembre 2017, le pacte pour un enseignement d’excellence est instauré dans les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Il a pour objectif de favoriser la réussite des élèves à long terme. Mais, pour Magali, malgré quelques petites avancées, ce pacte pose globalement problème : « Depuis que le pacte a été mis en place, les gouvernements successifs adoptent des décrets sans les avoir réellement réfléchis. On sort un texte légal et on se rend compte a posteriori que certains aspects n’avaient pas été identifiés et que ça ne donne pas de résultats concluants sur le terrain. Ces décrets ne sont pas forcément mauvais pour les élèves, mais augmentent lourdement la charge de travail pour les enseignant·e·s ». Par exemple, l’un des aspects importants du pacte est la question de l’inclusivité. La volonté est de proposer aux enfants avec des besoins spécifiques un accompagnement individualisé, mais comme l’explique Magali, « les instits sont à bout parce qu’elles·ils doivent faire face à un ou plusieurs élèves en inclusion dans de grandes classes. Elles·ils n’ont pas, dans leur formation initiale, les moyens pour venir en aide à ces enfants. Accompagner seul·e un enfant avec des besoins, c’est parfois mettre de côté le reste de la classe et a contrario si elles·ils privilégient leur classe elles·ils ne peuvent pas accompagner les besoins spécifiques. On ne s’est pas posé la question de comment une personne seule allait accompagner les besoins spécifiques des enfants. On est dans un secteur où l’on minimise la charge humaine. On est face à des professionnel·le·s surchargé·e·s. »

Des journées de travail à rallonge

À la base, les profs ne sont rémunéré·e·s que pour transmettre et évaluer une matière à leurs élèves. Pourtant, le métier ne s’arrête pas là. Comme l’explique Magali « Il y a les corrections, les préparations seul·e·s ou avec les collègues, le travail transversal pour recouper les matières, les projets, les réunions de parents, la paperasse administrative qui découle du pacte… » À cela s’ajoute, pour un·e jeune prof, la nécessité de créer ses cours. « Quand j’étais jeune enseignante, je passais mes vacances à préparer mes cours. Et encore, si je savais à l’avance quelle classe j’allais avoir à la rentrée […], car les attributions en fin d’année scolaire pour l’année suivante sont provisoires », confesse Magali. « Quand on est célibataire, il est plus facile de travailler pendant les vacances. Mais certains parents commencent à bosser sur leurs préparations quand leurs enfants sont au lit. Il peut vite y avoir un surmenage. »

Un système de classement complexe

Pour être nommé·e·s et stabiliser leur emploi, les profs s’inscrivent dans un système de classement qui diffère selon les réseaux d’enseignement. Au plus la position est haute dans ce classement, au plus l’emploi est stable. Comme l’explique Magali, « Les jeunes enseignant·e·s qui postulent n’ont pas un temps plein du début à la fin de l’année. Elles·ils se retrouvent bien souvent dans des situations précaires, car elles·ils vont surtout exercer des remplacements entre les périodes de congés scolaires. Un·e enseignant·e qui prend sa fonction au retour d’un congé et qui serait en remplacement jusqu’après d’autres congés sera payé·e durant les congés scolaires. Mais beaucoup de jeunes travaillent seulement en remplacement entre les congés scolaires. À chaque fois ces personnes devront être reprises en charge par le chômage si elles y ont droit et ont engendré suffisamment de jours de travail. Ce système précarise fortement les jeunes profs. »

[1] En FWB, l’enseignement est divisé en différents réseaux. On distingue généralement l’enseignement officiel (dont le pouvoir organisateur est une autorité publique) et l’enseignement libre (dont le pouvoir organisateur n’est pas une autorité publique). Pour en savoir plus : http://tinyurl.com/ypye895x.

Autrice
AutriceMargot Foubert