Les aidant·e·s proches fournissent plus de 80 % [1] de tous les soins à l’échelle européenne. Cela représenterait entre 21 à 37 % du Produit Intérieur Brut (PIB) européen! Les femmes représentent 85 % des personnes aidantes. Pourtant, lorsqu’on épluche la littérature sur le sujet, peu d’études parlent des femmes et des enjeux spécifiques au genre… Selon les chercheuses Lise Seguin et Bilkis Vissandjee, être UNE aidante proche a «des conséquences spécifiques en ce qui concerne la santé, le bien-être mental, la vie sociale et l’autonomie économique». Un état de faits que la société semble bien souvent oublier… Voici donc 9 raisons (non exhaustives) de prendre en compte le genre des personnes aidantes :

1) L’accompagnement des personnes fragilisées reste l’apanage des femmes en raison, notamment, des stéréotypes de genre. Les attentes envers les femmes à pouvoir « prendre soin » (et dès lors cette non-attente vis-à-vis des hommes) sont forgées dès l’enfance, par la socialisation genrée.

2) Cela se traduit au niveau économique de plusieurs façons : 65 % des femmes déclarent que leur rôle d’aidante a eu des implications sur leur vie professionnelle.

3) 54 % des aidantes proches françaises âgées de 55 à 64 ans réduisent leur temps de travail contre seulement 29 % des aidants. 32 % d’entre elles travaillent à temps partiel contre 7 % d’hommes.

4) Ainsi, à l’échelle mondiale, 42 % des femmes actives n’ont pas la possibilité d’occuper un emploi rémunéré à cause de la prépondérance de leur travail non rémunéré (prendre soin de l’entourage, organisation familiale et domestique, etc.).

5) D’ailleurs en Belgique, sur les 7 premiers mois de l’année 2021, 75,34 % des personnes ayant bénéficié du congé d’aidant·e proche (avec allocation) étaient des femmes. Le montant de cette allocation est de 765,33 € net par mois pour les aidant·e·s salarié·e·s et cohabitant·e·s. Ce faible montant est défavorable à l’égalité femmes-hommes. En effet, de nombreux couples sont poussés à abandonner le salaire de la femme qui est généralement moins élevé que le salaire de l’homme…

6) Ces circonstances contribuent à maintenir les femmes dans le sacrifice de leur carrière et l’appauvrissement économique (temps partiels, pension diminuée, moindre indépendance financière).

7) Au niveau juridique, la loi actuelle sur le statut d’aidant·e proche est trop limitée et passe sous silence les inégalités sociales persistantes entre les femmes et les hommes.

8) Dans ce contexte général, la santé des aidantes proches est souvent mise à mal : renoncement des soins, troubles de santé chroniques (anxiété, dépression, diabète, obésité, maux de tête, etc.)… favorisant notamment les maladies cardio-vasculaires, première cause de mortalité chez les femmes ! La boucle est bouclée…

9) Devenir aidant·e proche devrait pouvoir être un vrai choix et pas la résultante d’une organisation bancale de la société en défaveur des femmes (stéréotypes de genre, inégalités salariales, sous-financement des soins de santé, allocations sociales faibles, etc.).

Cet article s’inspire de l’étude FPS rédigée par Anissa D’Ortenzio, Laudine Lahaye, Eléonore Stultjens et Florence Vierendeel « Aidant·e·s proches : tour d’horizon dans une perspective de genre » 

*C’est quoi un·e aidant·e proche ? Définition

La définition formulée par le monde associatif belge recoupe plusieurs éléments incontournables de ce qu’est, dans les faits, une personne aidante proche. Il s’agit d’une personne qui apporte une aide régulière au quotidien à un·e proche (à l’opposé d’une aide occasionnelle ou exceptionnelle). Ce soutien fourni par l’aidant·e est souvent triple : les tâches quotidiennes (cuisiner, nettoyer, habiller, faire des soins, l’administration, prendre des rendez-vous, etc.), le soutien moral et le soutien psychologique. L’intensité de l’interdépendance entre les deux personnes varie selon le profil (enfant, personne âgée, handicap, etc.) et la situation de la personne aidée (son degré de dépendance). La notion de proximité entre les personnes aidantes et aidées est très importante dans cette définition : des liens familiaux, amoureux, amicaux… poussent les personnes à donner de leur temps et de leur énergie. Il y a un caractère informel à l’aide : ce n’est ni une prestation (pas de contrat de travail ou de volontariat), ni inscrit dans un cadre juridique. L’aide revêt une obligation morale ou une responsabilité individuelle.

[1] L’ensemble des statistiques reprises dans cet article proviennent de publications citées dans notre étude « Aidant·e·s proches : tour d’horizon dans une perspective de genre ».

Autrice
AutriceAnissa D'Ortenzio