Dès ses débuts dans les années 1920, notre Mouvement s’est préoccupé des familles ouvrières touchées par la précarité. De la prime de naissance à l’accès aux soins de santé en passant par le prêt aux jeunes ménages et la lutte contre les taudis, les combats de notre structure visaient déjà le bien-être et l’épanouissement de ces familles. Cette volonté n’a pas changé au fil du temps, élargissant même le champ d’action à l’ensemble des familles, dans la diversité de leur composition et caractéristiques socio-économiques.

De l’égalité entre les familles à l’égalité dans les familles [1]

La sphère familiale est un lieu où de nombreuses inégalités femmes-hommes naissent et se perpétuent. Les entraves à l’émancipation des femmes prennent parfois des formes subtiles telles que le manque de places en crèche ou la trop courte durée du congé de paternité. Sur le plan économique, l’arrivée d’un enfant pénalise davantage les femmes, car le congé de maternité, le congé parental, les congés sans solde ou la réduction du temps de travail impliquent une diminution considérable de leurs propres ressources financières.

Par ailleurs, sur le plan des représentations et de la répartition des tâches, le déséquilibre reste marquant. La société attend encore des femmes qu’elles soient (de bonnes) mères et qu’elles aiment ça, tandis que l’épanouissement et la réussite masculines sont valorisées dans la sphère professionnelle. De ces attentes et représentations différenciées découle un investissement inégal dans les tâches domestiques et familiales : sur une semaine, les femmes y consacrent 26h17, les hommes 15h27. Dans ce contexte, la charge mentale est aussi bien plus présente chez ces dernières.

En outre, 1 famille sur 10 est monoparentale en Belgique. C’est à Bruxelles, Charleroi et Liège qu’elles sont les plus nombreuses. Dans 8 cas sur 10, le parent solo est une femme. La plupart du temps, monoparentalité rime avec précarité et règne de la débrouille. S’acquitter des frais de chauffage, de transport, de vacances, ou épargner peut être compliqué, un constat qui risque de ne pas aller en s’améliorant vu le contexte économique et énergétique actuel.

[1] Les chiffres mentionnés dans cette partie proviennent de cette  étude FPS de Laudine Lahaye.

NOTRE VISION À LA LOUPE

Le privé est politique. Parler de parentalité et de famille en tant que Mouvement féministe s’avère fondamental. Notre Mouvement promeut l’égalité au sein des familles  : mères, pères et co-parents ont les mêmes droits et compétences, en tant que caractéristiques de tout être humain, indépendamment de leur genre. Pour parvenir à l’égalité femmes-hommes, les politiques familiales (pensions alimentaires, crèches, congés parentaux, etc.) doivent intégrer, dans leur forme et leur mise en application, ces principes égalitaristes. Dans le cas contraire, les politiques et dispositifs pour les familles ne feraient qu’aggraver les inégalités préexistantes.

Pour sensibiliser à l’importance d’analyser et soutenir les familles avec une approche féministe, notre association produit régulièrement des campagnes, études et animations sur ce thème. Par des interpellations politiques et institutionnelles, nous veillons à la prise en compte des enjeux de genre dans les matières familiales. À l’échelle locale, des groupes de citoyen·ne·s peuvent se constituer, avec l’accompagnement de nos animatrices·teurs et dans un esprit de solidarité, pour mettre en place des projets visant à répondre aux besoins des familles de la région.

LE PROJET KANGOUROU

Depuis 2017, nos collègues de la province de Namur vont à la rencontre des familles les plus précaires de la région. Derrière les termes de familles « pauvres » ou « défavorisées », une variété de profils peut se retrouver  : familles belges ou d’origine étrangère, mamans seules, familles sans papiers, familles marquées par les violences intrafamiliales… Amandine Dewez, l’animatrice-référente, souligne que « le point commun entre ces familles est qu’elles ont toutes une vie affectée par plusieurs difficultés. Elles sont pour la plupart concernées par des problèmes financiers, mais elles cumulent également d’autres formes de précarité comme l’absence d’emploi, un logement de mauvaise qualité, des soucis de santé, des difficultés scolaires ». Pour répondre aux besoins de ces familles, le projet Kangourou revêt plusieurs dimensions  : donneries, cafés des parents, boîte à livres, visites de lieux spécifiques à la parentalité, activités parents-enfants, etc. Ces activités permettent de créer du lien, de l’entraide, du temps pour souffler, mais aussi pour réfléchir ensemble aux questions qui préoccupent les familles. Amandine ajoute  : « toutes ces familles ont la même envie  : continuer à se voir! Elles nous disent que c’est important de discuter avec d’autres parents et que leurs enfants puissent voir autre chose que leur propre bulle familiale ».

Des bénéficiaires du projet Kangourou en vadrouille !

LES CONSULTATIONS ONE

Dès sa création et au fil du temps, notre Mouvement s’est ardemment investi dans la création de consultations prénatales et pour enfants, soutenues par l’ONE — l’Œuvre nationale de l’enfance, aujourd’hui appelée Office de la naissance et de l’enfance. Certaines de ces consultations continuent à être gérées par notre structure. C’est le cas par exemple à Tubize dans le Brabant wallon.

Michèle Legrand, investie à titre bénévole, explique  : «Les consultations prénatales s’adressent aux femmes enceintes et à leur partenaire tandis que les consultations pour enfants s’adressent aux parents et aux enfants de 0 à 6 ans. Toutes les familles peuvent s’y présenter, sans condition. Le but est d’y effectuer, avec des professionnel·le·s de la santé, un suivi de la grossesse ou de la croissance des enfants. Mon rôle consiste à accueillir les familles, mesurer la taille et le poids des enfants, gérer la partie administrative de la consultation. Ce suivi s’effectue à titre préventif pour s’assurer du bon développement et du bien-être général de l’enfant. S’il est malade, il devra être examiné et soigné en d’autres lieux». Pour les familles, de tels points de contact réguliers, proches et gratuits sont essentiels. Encore faut-il pouvoir les maintenir! Ce serait impossible sans l’énergie de personnes bénévoles comme Michèle.

Pour devenir volontaire dans une consultation ONE, contactez-nous via soralia@solidaris.be ou via le 02/515.17.67

LATITUDE JEUNES

Attaché à la santé, au bien-être et à l’éducation des enfants, notre Mouvement s’est grandement impliqué dans l’organisation de « vacances enfantines » pour tous les enfants des familles ouvrières. Dans cette optique, Denise Durant — secrétaire générale des FPS du Borinage — fondait en 1927, le home de vacances le « Lys Rouge » à Coxyde. Durant l’été 1929, quelque 426 femmes et enfants y étaient accueilli·e·s. Ce domaine d’activité, autrefois pris en charge par notre structure, a en partie donné naissance à l’actuelle ASBL Latitude Jeunes, membre du réseau associatif de la mutualité Solidaris. L’équipe du secrétariat général de Latitude Jeunes précise  : « en tant qu’Organisation de Jeunesse (OJ), nous accompagnons les jeunes de 3 à 25  ans dans leur cheminement vers une citoyenneté responsable, active, critique et solidaire, tout en réalisant avec eux·elles de la promotion de la santé. Nous formons des jeunes à être animateurs·trices et coordinateurs·trices de centres de vacances, nous informons nos publics et les sensibilisons sur des sujets de société, nous réalisons des animations tant à l’école que dans le milieu associatif et nous organisons des centres de vacances (séjours, plaines, stages). Chez Latitude Jeunes, l’égalité des genres est un principe appliqué au quotidien et cela se marque dans les choix que nous opérons : grimage non stéréotypé, langage inclusif, personnages non binaires représenté·e·s dans nos projets ». Outre une lutte commune pour l’égalité femmes-hommes, Soralia et Latitude Jeunes pourraient, à l’avenir, renforcer leur collaboration autour de la parentalité puisque ce thème touche leurs publics respectifs. La réflexion sur l’engagement et le militantisme, qui occupe les deux associations, pourrait également faire l’objet de travaux communs.

Portrait de groupe devant le home Le lys rouge, deux ans après son inauguration, photographie [vers 1929] FPS Mons (Frameries).

Autrice
AutriceLaudine Lahaye