Alors que la Belgique fait toujours face à des blocages politiques sur la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), que la Pologne rend son accès très difficile et que l’Argentine vient de la légaliser, les anti-IVG continuent à propager leur idéologie. Mais quelles sont ces méthodes de communication qui investissent de plus en plus les réseaux sociaux et internet pour toucher un plus large public ?
Déjà en 2017, nous parlions, dans l’une de nos analyses , du site français www.ivg.net. Ce dernier et sa page Facebook proposent une prétendue « écoute strictement gratuite et anonyme pour vous apporter un soutien dans le cadre d’un projet d’IVG ». Ils présentent également de nombreux témoignages de femmes ayant avorté ou qui y ont finalement renoncé. Avec un tel nom, l’internaute s’attend à trouver des informations neutres quant au déroulement d’une IVG. Mais il n’en est rien. Il suffit de lire quelques témoignages pour le comprendre : ils sont très souvent négatifs, stigmatisants et reprennent un discours bien précis : souffrance, douleur, regrets, etc. De son côté, la Belgique n’est pas en reste. Grâce à son nom standard qui laisse imaginer une certaine objectivité, le site www.abortus-avortement.be permet d’être bien référencé sur Google alors qu’il relate ouvertement des propos contre les réformes des lois entourant l’IVG, comme l’allongement du délai légal pour avorter.
Des stratégies de communication bien maîtrisées
Récemment encore, la journaliste Laurène Gris a appelé la ligne d’écoute de www.ivg.net, en faisant croire qu’elle souhaitait avorter . En enregistrant cet appel, elle démontre que le discours derrière cette structure est clairement anti-IVG. La standardiste de l’autre côté du fil insinue que la journaliste changera d’avis quand elle verra l’échographie. Cette approche, semblant d’abord neutre et à l’écoute des femmes souhaitant avorter pour ensuite les dissuader en tentant de les faire culpabiliser, existe partout. En Belgique, une association chrétienne anti-IVG se faisant passer pour un planning familial ou encore des publicités dans les transports en commun pour une ligne d’écoute qui propage de fausses informations : les exemples ne manquent pas . Des stratégies qui frôlent l’illégalité selon une loi française de 2017 . En Belgique, cependant, il est important de noter que le délit d’entrave à l’IVG n’existe pas encore. Cela permet à ces différents sites de cacher leurs réelles intentions de prime abord, pour ensuite promouvoir une idéologie anti-choix.
Ce n’est pas forcément le cas des Survivants, groupe anti-IVG actif en France, dont les positions sont bien moins masquées. Cependant, ce qui frappe le plus, c’est avant tout le ton, la façon de communiquer. En effet, ce mouvement a pour particularité d’être composé de jeunes adultes, voire d’adolescent·e·s, au discours déjà radical sur l’IVG . Ces jeunes connaissent et utilisent les codes de communication qui fonctionnent : les montages de leurs vidéos sont très bien réalisés, le site web est intuitif, il est même possible d’acheter du merchandising comme des t-shirts ou des bracelets floqués de leur logo, etc. Plus récemment encore, les anti-choix se sont emparés de nouveaux moyens de communication, notamment des réseaux sociaux employés par les jeunes, comme TikTok ou Instagram. L’organisation américaine Live Action, très suivie avec presque 350.000 followers sur TikTok et presque 250.000 sur Instagram, publie régulièrement des courtes vidéos et des publications dans le but d’informer sur les supposées conséquences d’une IVG, sur le déroulement de celle-ci [1], tout en propageant des idées fausses et particulièrement hostiles envers l’avortement. C’est donc grâce à ces plateformes que « l’idéologie anti-avortement trouve dans les réseaux sociaux un nouveau souffle, mais aussi un nouveau public » , en reprenant les codes des jeunes, afin de les toucher plus facilement. Nous sommes bien loin des militant·e·s anti-IVG qui viennent empêcher les femmes d’avorter en barricadant les portes de Centres de Planning familial [2] ou qui font des manifestations, comme l’on peut s’imaginer lorsque l’on parle des anti-IVG. C’est là toute l’importance de l’éducation aux médias, face à une présence en ligne accrue des anti-choix qui maîtrisent les codes de communication propres aux réseaux sociaux. Comme le préconise l’ABSL Média Animation, il est capital de procéder à une vérification des sources proposées dans les infographies pop et colorées des Survivants ou dans les pourcentages supposés de femmes devenant suicidaires après une IVG . Cependant, tout n’est pas perdu en matière de communication et de combats. De nombreuses ASBL féministes ou Centres de Planning familial luttent contre la désinformation en matière d’IVG. En 2014, nous avions mis en ligne le site internet www.jeveuxavorter.be, fournissant des informations fiables et pratiques comme le déroulement d’une IVG, les différentes méthodes, le cadre légal belge ou encore des adresses d’endroits pratiquant l’IVG. Face à la multiplication des attaques directes et indirectes au droit des femmes à disposer librement de leur corps partout dans le monde, restons vigilant·e·s, mais ne perdons pas espoir !
[1] Notamment une vidéo YouTube, remplie de fausses informations, qui montre comment se déroulerait un avortement ayant lieu au deuxième trimestre de grossesse.
[2] Bien que ces derniers existent toujours, notamment aux États-Unis.