On a posé la question aux actrices du secteur qui ont accepté de nous rencontrer pour élaborer ce numéro! Morceaux choisis.
Aurore Van Dam :
« En Wallonie, il y a beaucoup de méconnaissances et d’incompréhensions entre les différents acteurs du secteur culturel. Entre les étudiants, les artistes travailleurs, ceux qui ont des relations continues avec des structures et les structures elles-mêmes, ce sont des réalités très différentes. Je pense qu’il est important de créer des lieux d’échanges entre ces différents niveaux et c’est un travail que j’ai déjà commencé. Je pense qu’il est important de se mobiliser ensemble. Il faut travailler à une reconnaissance professionnalisante du travailleur culturel, notamment via la reconnaissance du diplôme, en Belgique et au niveau international. Il faudrait aussi offrir une bourse d’aide au départ pour se lancer dans la création. Cette aide pourrait être perdue si l’on ne crée pas. Quand on est étudiant et qu’on sort de l’école, il faut des années pour pouvoir faire fonctionner son business. »
Frédérique * :
« La vigilance est de mise. Il faut rester à l’affût : même si on ne peut pas se projeter, on peut réagir. Il faut garder ce circuit d’électrons libres qui s’est mis en place pour pouvoir réagir au moment opportun. Pour moi la culture n’existe pas, c’est ce que cette crise nous a prouvé. Un mot qui doit rester dans nos têtes c’est ‘’populaire’’. Nos actions Still Standing du 20 février et du 13 mars ont été très populaires. Comment faire la juste balance entre la culture néolibérale mainstream (comme Netflix) qui est confortable et « facile » et les autres formes de culture qui nécessitent de « prendre un risque » en se croisant dans des petites salles, en revenant à quelque chose d’humain, de tactile, de charnel ? Il y a une peur de l’entre-soi, dès que ça devient un peu élitiste. Mais qu’est-ce qu’attendent les gens ? »
Brune* :
« J’ai l’impression qu’on a un avenir à court terme autour des questions du statut d’artiste. J’espère qu’un jour on aura de vrais changements au niveau du secteur culturel. On associe souvent la culture à quelque chose de léger. Au-delà de ça, on est des travailleuses et travailleurs reconnu·e·s ou pas. Il ne suffit pas de nous dire « merci de nous faire rêver » ou « on comprend que vous avez besoin de vous exprimer » comme Sophie Wilmès. À force de nous voir comme des cigales, on oublie qu’on doit bouffer nous aussi. Non seulement on a du mal à manger, mais aussi à être reconnus et considérés.
On va avoir besoin du soutien des syndicats qui se sont réveillés pendant la crise. Au niveau administratif, on risque d’être noyé sous la paperasse avec des bureaux qui ne peuvent plus nous recevoir à cause du télétravail. Pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs il y a un risque d’être éloigné·e·s des structures qui sont censées défendre leurs droits. »
Charlène Sauldé :
« J’envisage une culture mieux financée mais aussi plus solidaire. On est très cloisonnés dans nos domaines respectifs et on n’aura jamais accès à certains réseaux. En tant qu’artiste, j’aimerais avoir accès à des auditions, à des formations en gestion, diffusion… Bref, une meilleure entraide dans le secteur. J’ai l’impression que ça arrive justement grâce à plein de plateformes qui sont apparues durant le confinement mais j’aimerais qu’on continue de développer cela. Il y a aussi des enjeux de décentralisation. Le théâtre est partout, dans chaque coin de rue, dans une école, une association, un centre de formation… Il doit y être ! Alors pourquoi on cloisonne ? »
Vicky * :
« On souhaite une forme de décloisonnement dans les corps, les secteurs et au niveau administratif. Il y a cette peur que tout ce qui s’est passé depuis un an, des choses éphémères et circonstancielles, devienne la norme. On est tous dans une forme de dépression et d’effondrement général. J’espère qu’il y a quand même une lueur au bout du tunnel. Aujourd’hui il est très difficile d’avoir un contact avec un conseiller pour nos démarches. Une distance encore plus grande s’est creusée. »
*À la demande des personnes concernées, le nom de famille n’a pas été mentionné.