Au lieu d’être célébrée comme un allongement de la vie, la vieillesse est décrite comme un déclin, une maladie et un poids pour la société. Il faudrait à tout prix lutter contre ses signes et le terme « anti-âge » est devenu un argument marketing. Ce mépris et ce rejet de l’âge, c’est ce qu’on appelle l’âgisme. Les discriminations basées sur l’âge existent au même titre qu’il existe des discriminations raciales (racisme) ou de genre (sexisme).

L’âgisme touche particulièrement les femmes. Alors qu’un homme est valorisé par ce qu’il fait, une femme est jugée pour son apparence : jeune, mince, blanche, valide. Il n’y a pas de « vieille belle » car la femme âgée s’éloigne des rôles qui lui sont imposés par la société patriarcale : plaire et enfanter. À la différence de l’homme « mûr », la vieille est un « objet périmé ». Double peine d’être vieille et femme.

Une possible résistance par l’image

Aujourd’hui, les vieilles femmes s’emparent de réseaux sociaux comme Instagram – le royaume de l’image. Plus question de se retirer du monde et d’être discrète. Sous le hashtag #GreyPride (« fierté grise ») elles affichent leurs cheveux gris, libres et lâchés, comme un drapeau. Rebelles, sorcières qui, même vieilles, jouent de l’érotisme féminin. Les réseaux sociaux peuvent s’avérer libérateurs, bien qu’avec des effets pervers car ils renforcent nos croyances mais aussi et surtout le discours dominant. Or nous vivons dans une société qui valorise les corps jeunes. Celles qui prônent une vision plus réaliste et bienveillante du vieillissement doivent donc nager à la surface d’une mer de publications prescrivant des corps lisses, à tous les âges. Après avoir été, une vie durant, sommées d’être minces, fermes, blanches, jolies mais pas trop voyantes, les femmes doivent « vieillir jeunes », c’est-à-dire en forme. Or ces discours valorisant la « bonne forme » produisent malheureusement de la discrimination. D’abord en renforçant les inégalités sociales et économiques car « être en forme » est plus à la portée des classes aisées. Ensuite parce que ces discours de promotion de la santé ne prennent pas en compte les inégalités sociales face au vieillissement : certains corps sont cassés depuis longtemps par un travail dur et sous-payé. Pénalisés une seconde fois pour ne pas avoir su s’adapter à un discours qui ne prenait pas en compte leurs vécus. Ainsi, l’âgisme vient donc renforcer le sexisme, mais également toutes les inégalités sociales.

#Laisselesrides tranquilles

Instagram et les réseaux sociaux mettent en avant des images et des comportements modèles, qui stigmatisent celles et ceux qui ne s’y conforment pas. Ils peuvent néanmoins devenir libérateurs et produire des collectifs de sororité. Il est possible de renverser l’image par l’image et de faire évoluer les réseaux sociaux comme une galerie publique de la diversité. Cela suppose néanmoins une éducation aux médias. C’est à cette tâche que s’attèle Espace Seniors à travers sa campagne Instagram #laisselesridestranquilles.

Ermelinde MalcotteAutrice
Bénédicte JanssensAutrice