En mars 2020, Amnesty International et SOS Viol publiaient les résultats de leur sondage sur les violences sexuelles en Belgique [1] . Le constat est accablant : il révèle qu’1 femme sur 5 a déjà été victime d’un viol ! Les deux organisations exhortent les autorités à une meilleure sensibilisation, prévention et protection de la population, et des femmes en priorité, pour lutter contre les violences sexuelles.

Des constats qui contrastent avec la Convention d’Istanbul

1 personne sur 2 a déjà été victime de violences sexuelles, 1 femme sur 5 victime d’un viol, et près de la moitié des jeunes exposé·e·s à des violences sexuelles l’ont été pour la première fois avant l’âge de 19 ans. Il s’agit de constats inquiétants quand on sait qu’en 2016, la Belgique a ratifié la Convention d’Istanbul. Celle-ci prévoit des principes essentiels à la lutte contre les violences de genre et la mise en place de moyens pour soutenir les victimes et garantir des poursuites judiciaires. Malheureusement, de trop nombreuses dispositions sont encore bafouées en Belgique à l’heure actuelle, comme l’indique le rapport alternatif. Par ailleurs, certains stéréotypes qui banalisent le viol ont toujours la vie dure : près de la moitié des hommes considèrent qu’une victime de viol est en partie responsable et plus d’1 homme sur 5 pense que la violence est sexuellement excitante pour les femmes ! Or, la victime n’est jamais responsable d’une quelconque violence sexuelle vécue. En parallèle, il y a peu de dépôts de plaintes de la part des victimes et plus de la moitié sont classées sans suite. Par conséquent, les violeurs restent trop souvent  impunis. Cette réalité peut entraîner de la souffrance chez les victimes et ne les encourage nullement à entamer des démarches en ce sens.

Quels mécanismes en cause ?

Ces clichés banalisant le viol et ce manque de prise de conscience de l’ampleur du phénomène perpétuent la culture du viol. Ils sont en grande partie liés au manque d’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS). Nous ne pouvons que constater les manquements de nos autorités en la matière. Il est pourtant urgent de généraliser celle-ci de manière effective. Ce sondage témoigne d’une méconnaissance alarmante du consentement et des réalités des violences sexuelles chez les jeunes hommes de 15 à 25 ans. En outre, la loi relative au viol en Belgique peut porter à confusion, contrairement à celle d’autres États européens [2]: en définissant le viol comme «  tout acte de pénétration commis en l’absence de consentement  », on pourrait penser – comme c’est le cas pour 1 homme sur 5 – qu’imposer une fellation ne relève pas d’un viol et que, par conséquent, il ne peut en être accusé. Or, il s’agit bel et bien d’un viol.

Le temps d’agir

Il semble que la généralisation de l’EVRAS n’ait jamais été si nécessaire car elle sous-tend les notions de rapport au corps, de consentement et de respect de soi et des autres. Par ailleurs, la formation des policières·iers et des juges reste un enjeu primordial dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Ces dernières sont exposées à la victimisation secondaire tout au long de leur parcours au travers de commentaires culpabilisants ou en les rendant responsables de ce qui leur arrive… Cela constitue un réel frein pour les victimes. Il est urgent de renforcer la formation de base et continuée des actrices·teurs de première ligne pour en finir avec l’impunité des auteurs et surtout pour que les femmes n’aient plus peur de témoigner ou de porter plainte.

Victimes de violences sexuelles : à qui s’adresser ?

Depuis 2017, vous pouvez faire appel aux Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS). Ces centres offrent une prise en charge multidisciplinaire aux victimes de violences sexuelles : médicale, psychologique, juridique, sociale, médico-légale ou encore la possibilité de déposer plainte. Tout se fait en un seul lieu grâce notamment aux infirmières·iers légistes spécialement formé·e·s qui assurent aussi un suivi pendant plusieurs semaines. Actuellement, ils existent dans 3 hôpitaux [3] en Belgique : l’hôpital universitaire de Gand, le CHU Saint-Pierre de Bruxelles et le CHU de Liège. Ils sont accessibles à toutes et tous 24h/24 et 7j/7.

Plus d’info : www.violencessexuelles.be (rubrique « Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles »).

[1] Sondage réalisé auprès de 2.300 Belges âgé·e·s de 15 à 85 ans, avec suréchantillonnage des 15-25 ans dans le but de traiter des thématiques liées à la jeunesse.

[2] En Suède par exemple, le viol est considéré comme « tout acte sexuel sans accord explicite, même en l’absence de menace ou de violence ».

[3] 7 nouveaux centres doivent voir le jour en Belgique d’ici 2023.

Elena DioufAutrice