Avec la pandémie du coronavirus, le secteur minier fonctionne au ralenti ces dernières semaines en République Démocratique du Congo (RDC), provoquant une perte de revenu non négligeable pour beaucoup de travailleuses·eurs des entreprises concernées. Parallèlement, de nombreux creuseurs artisanaux poursuivent leurs activités dans des conditions qui étaient déjà difficiles mais qui aujourd’hui les exposent particulièrement à la contamination.

Le secteur minier est un des secteurs productifs les plus représenté au monde dans l’économie informelle : en effet, 83% des exploitant·e·s travaillent dans des mines artisanales à petite échelle, ce qui représenterait, selon la Banque mondiale, pas moins de 41 millions de personnes dont 30% de femmes. Parmi ces individus, L’Organisation Internationale du Travail dénombre plus d’un million d’enfants. La nature même des minerais extraits joue un rôle prépondérant dans la grande vulnérabilité des travailleuses·eurs. Il s’agit en effet de matériaux indispensables à nombre d’outils et biens de consommation répandus dans le monde : téléphones portables, batteries rechargeables, énergie solaire, équipements médicaux… Le tantale, l’étain, le tungstène, le cobalt ou encore le coltan et le mica sont autant de minerais convoités par de grandes multinationales. Sans oublier l’or, dont on estime que l’exploitation ferait vivre 180 millions de personnes dans 80 pays différents. Ainsi, ces matières premières attirent les protagonistes du commerce illicite qui imposent des prix particulièrement bas ou tout simplement falsifiés à des exploitant·e·s contraint·e·s à l’inacceptable, du fait de leur vulnérabilité, d’une absence de contrats ou de protection sociale. Le caractère précieux des minerais est en outre étroitement lié à des conflits qui se greffent sur les zones d’extraction. Les groupes armés privés ou les forces de sécurité publique représentent des prédateurs supplémentaires pour les hommes et les femmes évoluant dans et autour des sites miniers. La crise du Covid-19, avec la fermeture des frontières et les mesures sanitaires prises par les gouvernements pour endiguer l’épidémie, a rompu les chaînes d’approvisionnement et aggravé la précarité des exploitant·e·s artisanales·aux.

La situation en RDC est de plus en plus inquiétante

En RDC, peut-être plus qu’ailleurs, cette situation touche un secteur clé de l’économie du pays et un nombre d’individus très important dans certaines régions comme à Kolwesi, ville minière de la province du Lualaba sur le territoire de l’ancienne province du Katanga, où 80% de l’activité économique est liée à l’extraction de minerais précieux comme le cuivre et le cobalt. Dans l’ensemble du pays, c’est près d’un million de travailleuses·eurs qui tirent leurs revenus de cette activité. Solsoc travaille depuis plusieurs années, avec des organisations de la société civile congolaise, à alerter l’opinion publique sur les conditions de travail déplorables des creuseurs artisanaux mais aussi des femmes gravitant autour des mines. La majorité travaillant sans aucune protection sociale, leurs revenus dépendent de leur « récolte » et du prix que les intermédiaires fixent dans des centres de négoce où les balances sont souvent truquées. Creusant des puits de 20 à 30 mètres de profondeur, sans aucune sécurité ou matériel approprié, ils sont chaque jour exposés à des accidents souvent mortels, et se retrouvent sans couverture pour payer leurs soins. Les femmes, elles, sont assignées au lavage des minerais : pieds dans l’eau, dos courbés, elles passent de longues heures sous le soleil à faire tourner la terre et l’eau dans les bassines. Suite à la rupture des chaînes d’approvisionnement, les exploitant·e·s se retrouvent contraint·e·s d’accepter des prix au rabais, et là encore, les femmes qui déjà se voyaient moins bien payées que leurs homologues masculins avant la crise, sont d’autant plus précarisées. Additionnée à la hausse du prix des denrées alimentaires, cette chute des revenus signifie une pauvreté souvent extrême qui offre un terreau fertile à l’exploitation sexuelle et aux violences que ne connaissaient déjà que trop bien les femmes et les enfants de ce secteur ! Bien entendu, le commerce illicite connaît un regain de vigueur dans ce contexte, favorisant également le banditisme sur des sites délaissés des autorités. De plus, les conditions de travail dans les puits sont particulièrement propices à la contamination et pourtant, selon des organisations actives sur place, les mines semblent être les oubliées des stratégies de riposte mise en place par les autorités, alors qu’elles demandent des mesures sanitaires ciblées ! Au-delà donc des effets immédiats du Covid-19, cette épidémie est l’éclatant révélateur des failles profondes de ce secteur d’exploitation dans le domaine des droits des travailleuses·eurs et de la justice sociale. Sur place, des organisations de creuseurs et de la société civile s’activent à mener des actions de prévention et de sensibilisation aux mesures d’hygiène mais réclament également que les autorités à tous les niveaux assurent la sécurité du secteur.

Solsoc est une organisation non gouvernementale (ONG) de coopération au développement. Avec des organisations du Sud, elle combat l’exclusion et les inégalités en Bolivie, au Burkina Faso, au Burundi, en Colombie, au Maroc, en Palestine, au Sénégal et en République Démocratique du Congo, ainsi qu’en Belgique. Leur objectif commun est de contribuer à la construction d’un monde plus juste et plus démocratique.

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