Si le montant moyen de la pension des hommes n’est guère élevé, celui des femmes est plus bas encore. En effet, en Belgique, la pension moyenne des femmes est de 882€ par mois et celle des hommes de 1 181€ par mois, celle-ci dépassant le seuil de pauvreté (1157€). À la pension, nous conservons en moyenne à peine 66% de notre salaire net.

Pourquoi de telles inégalités de genre ? Parce que les pensions sont étroitement liées aux salaires qui sont également déséquilibrés, les femmes gagnant en moyenne 20  % de moins que les hommes. Par ailleurs, la carrière des femmes est ponctuée de pauses, généralement pour s’occuper des enfants ou de la famille. Enfin, près de 44 % des femmes travaillent à temps partiel (contre 11  % des hommes). 17 % d’entre elles préféreraient un temps plein.

L’objet de cet article n’est pas de décrire dans le détail la réforme des pensions menée par le ministre MR Daniel Bacquelaine, mais d’aborder les mesures qui vont aggraver le plus fortement les inégalités de genre. Précisons que les hommes sont également touchés par ces nouvelles mesures et que leur niveau de vie va également baisser. C’est toute la population, en particulier les classes moyennes et populaires, qui va pâtir.

Deux réformes vont en particulier affecter les pensionnées  : le relèvement de l’âge de départ à la pension et la réforme des périodes dites « assimilées ».

Le relèvement de l’âge de départ à la retraite

L’âge légal de départ à la pension va être relevé de 65 à 67 ans. Pour bénéficier d’une pension à taux plein, il faut dorénavant avoir travaillé 45 ans et être âgé d’au moins 67 ans. Rappelons que l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans.

La durée de carrière moyenne des travailleuses belges est de 36,6 ans (contre 42,2 ans pour les hommes). Ainsi, seules 28% des pensionnées avaient droit à une pension complète en 2014. Parallèlement, le gouvernement a réformé la pension minimum dont le montant dépend dorénavant de la durée de carrière. En contrepartie, le gouvernement n’a pas garanti l’accès des femmes au travail rémunéré. Il est donc à craindre que ces réformes débouchent sur un appauvrissement des pensionnées.

La réforme des périodes assimilées

Les périodes assimilées sont des périodes de chômage, mais aussi les congés maternité, de maladie, d’invalidité, les périodes de grève ou les crédits-temps motivés ainsi que la prépension. Ces périodes de « non-activité » sont dites « assimilées » car elles sont prises en compte dans le calcul de la pension légale sur base du dernier salaire perçu. Or, le gouvernement Michel a modifié les règles d’assimilation puisqu’on calculera désormais les droits à la pension sur base d’un salaire minimum fictif de 24 731 € par an. Cette mesure concerne les périodes de chômage de plus d’un an, la prépension et les crédits-temps de fin de carrière. Par ailleurs, certaines périodes d’inactivité ne sont désormais plus assimilées.

Sur ce point, les femmes sont désavantagées car elles connaissent 37  % de périodes assimilées au cours de leur carrière (contre 30  % chez les hommes). Plus de la moitié des pensionnées (régime des salariés) ont une carrière composée à plus de 50 % de périodes assimilées et 42  % des périodes assimilées des femmes sont du chômage . Cette réforme se soldera par une perte de pouvoir d’achat importante : environ 5000 € brut par an pour les personnes ayant connu cinq années de chômage.

Les fonds de pension : une solution ?

La solution que propose le gouvernement pour contrer le bas niveau des pensions est d’investir dans les pensions privées (fonds de pension, assurance-vie, etc). On cherche donc à renforcer les pensions par répartition à l’aide des pensions par capitalisation [1]. Or, ce système est dangereux, coûteux et très inégalitaire. Dans les pays où la sécurité sociale est affaiblie, la crise financière de 2008 a laissé de nombreuses/eux pensionné-e-s sur le carreau. Par ailleurs, ce système coûte cher à la société car les sommes DOSSIER épargnées sont défiscalisées. Enfin, les mères isolées sont, parmi la population belge, les plus à risque de tomber dans la pauvreté. On imagine aisément qu’il est difficile, pour beaucoup de femmes, d’épargner pour leurs vieux jours. Ce phénomène explique que la pension complémentaire des femmes leur rapporte 47  % en moins qu’aux hommes. Il est donc urgent de réinvestir la pension légale, qui est un dispositif solidaire et relativement égalitaire. Ainsi, le relèvement de l’âge de départ à la retraite, la réforme des périodes assimilées et l’investissement massif dans les dispositifs privés de pension vont fortement aggraver les inégalités de genre et appauvrir la population dans son ensemble.

Espace Seniors et les Femmes Prévoyantes Socialistes revendiquent :

  • de réinvestir la pension légale qui doit garantir 75 % du salaire des dix dernières années de carrière ;
  • la réduction collective du temps de travail ;
  • une pension légale forte de 1 500 € net minimum à un âge décent (60 ans) ;
  • la prise en compte des inégalités sociales comme le décalage d’espérance de vie entre une cadre et une ouvrière/ ier, la pénibilité au travail (dont la charge émotionnelle et psychosociale des emplois féminins) et les inégalités de genre ;
  • une pension légale qui ne pénalise pas les petits revenus au profit des hauts revenus ;
  • des aménagements de fin de carrière qui encouragent la solidarité entre les aîné-e-s et les jeunes sur le marché du travail ;
  • la prise en compte de la réalité des carrières féminines dans la réforme des périodes assimilées ;
  • l’individualisation des droits dérivés de retraite sans pour autant pénaliser ceux et celles qui en bénéficient actuellement ;
  • et enfin une réforme des pensions qui ne soit pas déconnectée de la politique de l’emploi et de la politique fiscale.

Pour aller plus loin, consultez l ’analyse d’Eléonore Stultjens : « Nos pensions, leurs réformes : répercussions sur les femmes ».

[1] Les pensions légales sont des pensions par répartition. Elles relèvent de la sécurité sociale et sont payées par les cotisations sociales des travailleuses/eurs. Il s’agit d’un salaire socialisé puisque nous n’épargnons pas pour notre pension future, mais nous payons les pensions de ceux et celles qui sont actuellement à la retraite. Ce mécanisme repose donc sur la solidarité intra et intergénérationnelle. Les pensions par capitalisation sont une épargne privée, qui ne repose sur aucun mécanisme redistributif.

Ermelinde MalcotteAutrice