En Belgique, plusieurs types d’enseignement coexistent. Parmi eux, on trouve l’enseignement spécialisé, divisé en 8 types et proposant différentes pédagogies selon le handicap de l’enfant, qu’il soit physique ou mental. Parmi ces types, le huitième est destiné aux enfants souvent diagnostiqués par les centres PMS (Psycho-Médico-Sociaux) comme ayant des troubles de l’apprentissage [1] . Dans un enseignement spécialisé particulièrement engorgé, ne doit-on pas réfléchir à un système plus inclusif ?

L’enseignement de type 8 n’existe qu’au niveau primaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il y a pourtant des alternatives à l’enseignement spécialisé (l’enseignement en intégration, les pédagogies alternatives, etc.) mais, souvent, les informations relatives à ces options ne sont pas fournies aux parents. Nombre d’entre eux s’en remettent alors aux avis des spécialistes des centres PMS et du corps professoral, qui orientent parfois les enfants vers l’enseignement spécialisé, faute de meilleures options pour eux. Par la suite, les élèves continuent leur scolarité en secondaire spécialisé, souvent de type 1 (troubles mentaux légers). L’objectif initial de l’enseignement de type 8, qui est d’inclure l’élève dans l’enseignement ordinaire au plus tard en secondaire, n’est donc pas forcément atteint [2].

UNE CHARGE IMPORTANTE POUR LES FEMMES

Les élèves qui composent l’enseignement de type 8 sont nombreuses/eux à être issu-e-s de l’immigration et/ou à appartenir à un milieu social défavorisé. La complexité du système scolaire a un impact plus marqué sur les femmes, à qui incombe majoritairement la charge de leur enfant ayant des troubles de l’apprentissage. Elles sont d’ailleurs nombreuses à devoir renoncer à un emploi stable pour assurer un suivi adapté à leur enfant, alors que les dépenses en temps et en argent de leur accompagnement médical et scolaire sont importantes. Cette situation se retrouve exacerbée lorsque ces femmes proviennent d’un milieu précaire, ne bénéficient pas d’un réseau social large, ne maîtrisent pas le français et/ou ne possèdent pas une compréhension totale des mécanismes scolaires. Elles s’en réfèrent donc aux corps professoral et professionnel. Il semble donc qu’il existe un lien entre l’enseignement spécialisé, du type  8 à tout le moins, et l’origine socioéconomique des familles. Les élèves issu-e-s des quartiers les moins favorisés sont d’ailleurs trois fois plus représenté-e-s dans l’enseignement spécialisé de type 8 que les élèves issu-e-s de quartiers plus favorisés. Pourtant, cette orientation est souvent vécue comme un échec pour les parents. Ils y voient une relégation dans le parcours scolaire de l’enfant, mais tous ne possèdent pas les moyens d’aller à l’encontre des avis des spécialistes.

POURQUOI UN ENSEIGNEMENT INCLUSIF PLUTÔT QU’UN ENSEIGNEMENT SÉGRÉGATIF ?

Ce manque d’informations claires et précises sur les possibilités d’orientation scolaire, lié à un système scolaire fortement morcelé, fait naître un sentiment de solitude chez les parents. Par exemple, elles/ils sont nombreuses/eux à ne pas connaitre le système d’enseignement en intégration [3] avant qu’un-e proche ou un-e professionnel-le de soin ne leur en parle. Pourtant, celui-ci permet à l’enfant d’évoluer dans l’enseignement ordinaire avec la possibilité d’acquérir des compétences sur le plan social mais aussi scolaire et comportemental (confiance en soi et estime de soi) tout en étant inscrit-e dans une école de l’enseignement spécialisé. Tout-e élève devrait, indépendamment de sa situation et dans la mesure du possible, être scolarisé-e dans une structure ouverte aux différences. Un enseignement inclusif dès le plus jeune âge est vecteur d’une vie sociale ouverte à la différence et d’un environnement professionnel plus enclin à accepter la diversité. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour l’instant  : les élèves en situation de handicap ainsi que celles et ceux provenant d’un milieu social défavorisé sont encore trop souvent touché-e-s par les préjugés, la stigmatisation provenant de leur environnement social. De même, ces élèves font toujours face à des attitudes, sanctions et propos inadéquats et déplacés de la part de certain-e-s professeur-e-s.

DES PERSPECTIVES PLURIELLES

Aujourd’hui la formation des enseignant-e-s de l’enseignement spécialisé est identique au cursus de l’enseignement général. Dans l’école de demain, la prise en charge des enfants en situation de handicap devrait être facilitée par une formation adéquate du corps professoral en matière de handicap au sein du système scolaire. D’ailleurs, le Pacte pour un Enseignement d’Excellence vise une réforme de la formation initiale des professeurs, complétée par des stages et exercices pratiques liés aux élèves en situation de handicap. Il conviendra de suivre ces avancées. En effet, un enseignement inclusif basé sur des pédagogies actives, différenciées et adaptées systématiquement aux besoins des élèves doit être prôné, car tou-te-s, finalement, présentent des besoins spécifiques. Le Pacte propose donc un modèle d’école inclusive «  tout en permettant aux équipes éducatives d’affronter une plus grande hétérogénéité des classes» et une réduction du nombre d’élèves dans l’enseignement spécialisé au bénéfice de l’enseignement ordinaire. Ce n’est plus l’enfant dans son individualité qui porte la différence, c’est le système global qui doit partir de l’idée que tous les individus sont différents et qu’ils nécessitent une pédagogie différenciée.

[1] Il peut s’agir de dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysphasie, dysorthographie, dysgraphie, haut potentiel et trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H).

[2] L’enseignement spécialisé de type 8 se divise en 4 degrés de maturité. L’insertion des élèves dans l’enseignement ordinaire concerne surtout le 4e degré de maturité, mais, comme nous le soulignons, ce n’est pas toujours le cas.

[3] L’enseignement en intégration est l’insertion temporaire ou permanente d’un-e élève inscrit-e en enseignement spécialisé au sein d’une école ordinaire. Il existe 4 types d’intégration : l’intégration permanente totale, permanente partielle, temporaire totale et temporaire partielle.

Maï PaulusAutrice