La politique est conçue par et pour les hommes. Ce constat n’a rien de surprenant : dans une société patriarcale, où les femmes tendent à être reléguées à la sphère familiale, les domaines de pouvoir et de représentation publique sont le lieu privilégié de l’expression masculine. Encore aujourd’hui, les partis politiques francophones belges ne parviennent pas à atteindre la parité (pourtant obligatoire) sur leurs listes électorales. Mais pourquoi ?

L’impact des stéréotypes de genre

Dès le plus jeune âge, certaines caractéristiques sont attribuées à un sexe/genre [1]. Ainsi, à l’école, les filles apprennent davantage à rester dans l’ombre, à ne pas se faire remarquer, à se comporter comme de bonnes élèves qui suivent les règles et à occuper des rôles secondaires. Les garçons, à l’inverse, sont invités à faire preuve d’audace, à développer leur aptitude à entreprendre, à devenir des leaders. Ces caractéristiques, à force d’être favorisées, sont intégrées et entraînent des rôles sociaux différenciés entre les femmes et les hommes. Cette éducation genrée a un impact dans tous les domaines de notre vie, et notamment sur nos choix et nos aspirations professionnelles.
Par exemple, plusieurs études démontrent que les filles sont moins stimulées que les garçons à prendre position et à tenir des débats, ce qui, plus tard, refrène leur intérêt et leur ambition en la matière. Pas étonnant donc que les hommes soient plus enclins à se lancer en politique alors que les femmes ressentent moins l’envie de convaincre les autres de leurs opinions…
De plus, si les hommes sont identifiés et reconnus comme des « meneurs naturels », les femmes, elles, vont devoir redoubler d’efforts pour acquérir une légitimité et une crédibilité en tant que figure politique. Sans oublier la charge domestique qui continue à peser davantage sur leurs épaules… Or, en politique, la disponibilité est un enjeu central : participer aux événements, multiplier les apparitions, être autour de la table lors des décisions importantes sont des facteurs de réussite, favorisés par les partis.

La responsabilité des partis politiques

Les président·e·s de parti disposent d’un pouvoir considérable : visages d’un groupe politique, négociatrices·teurs dans le cadre des accords de gouvernements, distributrices·teurs des portefeuilles ministériels, chef·fe·s de file des grandes lignes stratégiques, elles·ils se chargent aussi de sélectionner les candidat·e·s à recruter. Mais, en Belgique, ce poste au plus haut niveau de la hiérarchie demeure majoritairement masculin. Or, les dirigeant·e·s, tous domaines confondus, ont tendance à privilégier celles·ceux qui leur ressemblent. Ce qui peut expliquer pourquoi les hommes sont plus souvent soutenus par les membres d’un parti politique et accèdent plus facilement à des fonctions clés. Alors que les femmes manquent de modèles auxquels s’identifier, ce qui ne les aide pas non plus à se projeter dans ce type de fonctions.
Enfin, si celles-ci parviennent à se frayer un chemin au sein d’un parti, se pose alors la question de la place qui leur y est accordée. Le nombre de femmes qui se présentent n’est qu’une première étape, encore faut-il les soutenir pour qu’elles soient effectivement élues et ensuite qu’elles puissent rester en fonction.

Des violences sexistes particulièrement anxiogènes

Ce soutien doit donc aussi s’exprimer face au sexisme qui règne dans le milieu. Comme toutes les autres femmes, les politiciennes sont loin d’être épargnées par les violences fondées sur le genre. Mais celles-ci présentent des spécificités. La politique, rappelons-le, est un domaine où les hommes qui ont de l’argent, des contacts, de l’influence, ont plus de chances d’accéder à des fonctions de pouvoir. Cet environnement élitiste est le reflet par excellence des rapports de domination, tant fondés sur le genre que sur la classe sociale ou sur la race. En découlent des privilèges et des situations de toute-puissance, où impunité, laissez-faire, excès et abus en tous genres sont légion.
Remarques quotidiennes, attouchements, harcèlement, viols, etc. les faits sont fréquents, multiples et concernent toutes les personnes sexisées [2]. Les politiciennes sont également les cibles privilégiées de la cyberviolence. Ces femmes sont attaquées, souvent à répétition et via des « raids » [3], parce qu’elles osent s’exprimer, prendre de la place, donner leur opinion, bref exister à un endroit où la société patriarcale ne les attend pas et ne veut pas les entendre.
Pour se protéger et/ou protéger leur entourage, de nombreuses femmes mettent en place des stratégies d’évitement, à défaut de bénéficier d’autres solutions plus efficaces. Elles se censurent, diminuent leur temps d’utilisation, voire parfois se retirent totalement des réseaux sociaux. Or, avoir accès à ces espaces de parole est aujourd’hui, au moins en partie, un gage de réussite en politique. Ce phénomène entraîne donc en lui-même la disparition de certains profils, déjà en sous-nombre, alors que d’autres femmes, potentiellement intéressées, redoutent tellement ce type de violences qu’elles refusent d’adopter un rôle public, ce qui compromet l’apparition de nouvelles figures politiques.

Les femmes en politique : une question de démocratie

L’intégration des femmes dans les processus politiques est une question fondamentale. Car notre santé démocratique repose sur la représentation de l’ensemble des citoyen·ne·s. C’est pourquoi rendre ces espaces plus accessibles et plus inclusifs est un combat majeur.
De nombreux leviers existent comme adapter les conditions de travail et éviter les réunions en soirée et les week-ends, mettre un nombre plus important de femmes en têtes de liste, soutenir les femmes dans leurs campagnes électorales, notamment financièrement, établir un code de conduite et d’éthique au sein de chaque parti, etc.
La participation des femmes en politique est indispensable : c’est un enjeu à la fois en termes d’égalité, de mise à l’agenda de nouvelles thématiques et de relais des réalités des personnes discriminées. Aujourd’hui, le monde politique ne peut plus tergiverser. Dans un contexte où les idées d’extrême droite gagnent de plus en plus en popularité, un autre monde, marqué par l’exemplarité et l’inclusivité, doit se dessiner de toute urgence.

[1] Dans notre société, le genre (femme/homme) est, à tort, automatiquement assimilé au sexe (femelle/mâle) à la naissance, sans tenir compte des variations possibles (ex. : personnes intersexes)

[2] Les femmes et personnes s’identifiant comme telles, les personnes transgenres, non-binaires, LGBTQIA+, etc

[3] Harcèlement réalisé en ligne et surtout en meute ciblant une (un groupe de) personne(s)

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AuteurFlorence Vierendeel