Etude réalisée par Françoise Claude
Le contexte politique
Au cours de ces dix années, certains progrès ont été accomplis dans le sens de l’égalité, mais la situation socio-économique s’est dégradée, et les discriminations sociales ont crû. C’est pourquoi nous affirmons plus que jamais qu’une conception égalitaire et laïque doit (enfin) devenir une priorité, dans les politiques touchant les familles comme dans toutes les autres : les mutations de l’économie, la dégradation des conditions de travail, la vigueur croissante des idéologies traditionnalistes (d’inspiration religieuse ou non), imposent une forte vigilance à l’encontre des retours en arrière toujours en embuscade. Et les familles en sont trop souvent le terrain d’élection… L’élargissement de l’Union européenne à des pays dans lesquels la laïcité et les droits des femmes sont encore à conquérir, et d’autres phénomènes tels que les réactions virulentes qui se produisent ne France pour maintenir l’interdiction du mariage aux couples homosexuels, ne sont pas de nature à nous rassurer.
Mais revenons en Belgique. En 2010/2011, la réforme de l’État nous a tenu-es en haleine, de JT en JT, de réunion de la dernière chance en semaine de tous les dangers, de drapeaux flottant mollement aux fenêtres en lassitude résignée… Aujourd’hui, on en parle moins, mais les changements se dessinent, les plans se débattent, les cabinets, ministères et partenaires sociaux tiennent le cap. Tout ce travail, qui découle de l’accord « historique » du 1er décembre 2011, même s’il paraît abstrait et lointain à la majorité de la population, aura pourtant des conséquences importantes sur la vie quotidienne et même sur les droits des citoyens, et pas seulement pour ceux qui habitent Hal ou Vilvorde !
Et ces bouleversements institutionnels et politiques ne sont pas les derniers. D’autres changements interviendront encore dans les prochaines années, on peut le parier. Quoi qu’il en soit, toutes ces réformes peuvent aussi être l’occasion de réfléchir aux politiques à mener dans un nouveau cadre, avec de nouveaux acteurs et de nouvelles compétences. En tant que Mouvement de femmes et mouvement mutualiste, nous sommes directement concernées par la plupart des réformes qui pourraient intervenir : politique de l’Emploi, de la Santé et bien sûr politiques sociales, puisque les allocations familiales sont appelées à être scindées, leur budget représentant à lui seul près de 6 milliards d’euros. Une part de la politique en direction des familles relève déjà des compétences des Communautés depuis le début des années ’80. Suite aux accords de la Saint-Quentin intervenus en 1992, la plupart d’entre eux ont été transférés à la Région wallonne et à la COCOF pour Bruxelles. La Communauté française – aujourd’hui appelée Fédération Wallonie-Bruxelles – a essentiellement gardé la tutelle de l’ONE, c’est-à-dire les consultations prénatales et de nourrissons et le très important secteur de l’accueil des enfants.
Mais le transfert des allocations familiales constitue sans nul doute un événement capital dans l’histoire de la fédéralisation de la Belgique. C’est aussi une brèche importante dans notre système de Sécurité sociale, puisque les allocations familiales sont considérées en Belgique (jusqu’à quand ?) comme une des sept branches de celle-ci. Or, la solidarité entre les cotisants est à la base de la Sécurité sociale. L’origine des dotations attribuées aux Communautés et à la COCOM restera-t-elle liée à des cotisations sociales ? Même si de cette façon une certaine solidarité nationale est maintenue entre le Nord et le Sud du pays, on verra sans aucun doute se développer des politiques d’allocations différentes selon les Communautés et les Régions. De plus, bien que l’accord de gouvernement prévoie leur transfert aux Communautés (et la COCOM à Bruxelles), beaucoup envisagent cependant une sorte de «Saint-Quentin bis» pour ces importants milliards, qui seraient dès lors gérés par les Régions wallonne et bruxelloise.
Lire l’analyse complète publiée en 2012: Etude2012-Familles