Nombre de projets féministes spécifiques aux femmes visent à renforcer leurs capacités à agir et à faire face au quotidien teinté de sexisme. Bien que ces interventions soient primordiales, pourquoi les femmes seraient-elles les seules à devoir changer et s’armer contre le patriarcat ? En effet, il semble ambitieux de penser que l’égalité des genres peut être atteinte en tenant les hommes en dehors de la lutte pour l’égalité. Mais alors, comment encourager les hommes à questionner leurs privilèges liés à l’expression de leur masculinité et adopter en conséquence des pratiques égalitaires ?
Qu’est-ce que les masculinités ?
L’étude des masculinités apparait dans les années ‘70 durant la seconde vague du féminisme lorsqu’émergent les théories critiques féministes dénonçant le patriarcat comme un système autonome d’exploitation et de domination des femmes . Les masculinités sont alors identifiées comme des ensembles de représentations émanant de l’idée que chacun·e se fait de ce qui caractérise un homme et sont traduites en pratiques quotidiennes. Les formes d’expression de la masculinité sont donc multiples et propres à chaque homme. Néanmoins, certaines s’avèrent être plus discriminantes que d’autres. Notamment celles qui visent à mettre en avant un idéal viril.
À ce titre, Raewyn Connell nous explique que la masculinité hégémonique participe au maintien du système patriarcal. Elle constitue la norme dominante de l’idéal à incarner par les hommes. Cette masculinité compose un ensemble de pratiques et stéréotypes discriminants à l’égard des femmes, mais aussi de certains hommes minoritaires (homosexuels, issus de minorités ethniques et raciales, etc.). Par exemple, au travers des publicités pour les produits cosmétiques, l’homme y est présenté comme fort, déterminé et ne cédant devant aucun obstacle ; tandis que la femme y est vue comme douce, coquette et passive. Toutefois, peu d’hommes correspondent à l’idéal type de la masculinité hégémonique. D’une part, ceux qui détiennent certaines des caractéristiques de l’hégémonie virile en tirent des privilèges. D’une autre, ceux qui ne correspondent pas à la norme subissent les discriminations qui en découlent.Par ailleurs, les caractéristiques de la masculinité hégémonique ne sont pas figées, mais se reconfigurent au fil des années, des endroits et des milieux socio-économiques. Nous pouvons illustrer cela par le glissement qui s’est opéré ces dernières années concernant la figure virile du leader politique. Aujourd’hui, celui-ci n’hésite plus à laisser transparaitre certaines émotions comme de l’empathie, ce qui aurait été autrefois qualifié « d’efféminé ». Or, sous cette apparente neutralisation trompeuse, les discriminations prennent d’autres formes qu’il faut prendre soin de déceler .
Et si on parlait de l’empowerment des hommes ?
L’empowerment est un processus qui vise à renforcer le pouvoir, la capacité d’agir des individus afin qu’ils deviennent actrices·teurs du changement au sein de leur propre vie et de leur environnement. Sa promotion se fait actuellement au travers de nombreux projets spécifiques aux femmes. Par exemple, dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes. L’empowerment des hommes est quant à lui moins connu. Contrairement à celui des femmes, il aspire à favoriser leur compréhension des rapports de genre [1] , des privilèges et des inégalités liés à l’exercice d’une masculinité virile et patriarcale. L’objectif de l’empowerment des hommes est donc de déconstruire cette masculinité hégémonique, de la comprendre comme une construction sociale pour pouvoir encourager les hommes à développer l’expression d’autres formes de masculinités égalitaires.
Des hommes alliés du féminisme ?
Un homme allié du féminisme est donc un homme qui observe le monde avec les lunettes du genre, remet en question l’expression de sa masculinité et questionne ses privilèges pour adopter des pratiques quotidiennes plus égalitaires. La littérature parle notamment de masculinités du care qui consistent à être à l’écoute de soi, des autres et de son environnement. Concrètement, cela passe notamment par un partage équitable des tâches ménagères et relatives à l’éducation des enfants. Malgré la perte des privilèges liés à l’expression d’une masculinité hégémonique, les hommes ont à gagner à se diriger vers ces pratiques égalitaires : meilleure expression des émotions, paternité renforcée, meilleure santé par l’abandon de certaines injonctions de performance, etc. En tant qu’alliés du féminisme, c’est aussi aux hommes de s’encourager mutuellement vers l’expression de masculinités positives tout en soutenant le discours critique des féministes.
[1] Les rapports de genre sont des rapports de pouvoir perpétués par la socialisation. En effet, « le genre conditionne les rapports de pouvoir qui existent entre les sexes, les classes sociales, les races, l’ethnicité ».