Analyse réalisée par Françoise Claude
Aux yeux de certains, il pèse toujours sur les femmes au chômage une lourde suspicion : celle de ne pas désirer travailler, d’être en réalité des femmes au foyer déguisées qui arrondissent leurs fins de mois sur le dos de la collectivité.
Cette image sexiste reprend tous les clichés qui entretiennent la pauvreté et le manque d’autonomie financière des femmes, comme si leur droit à l’emploi et au revenu n’était tout simplement pas (vraiment) reconnu. Car être sous la dépendance financière d’autrui (le mari, généralement), ce n’est pas de la paresse, pas plus d’ailleurs que de s’occuper de la bonne marche de la maison familiale.
Changements de façade
Il faut dire que l’on revient de loin : il n’y a pas si longtemps que cette dépendance des femmes n’était même pas mise en débat. Une femme n’avait pas besoin d’avoir des revenus propres, puisque tout le monde (ou presque) trouvait normal qu’un homme l’entretienne… Dès avant 1940, puis dans la Sécurité sociale telle qu’elle a été mise sur pied à l’issue de la guerre, les femmes ont été traitées différemment des hommes, y compris dans le chômage. Jusqu’aux années 1960, on ne s’embarrassait pas d’y mettre les formes, les réglementations affichaient en toutes lettres les différences de traitement entre femmes et hommes (discrimination directe).
Ce n’est qu’en 1971 que la façon de procéder a changé : la mentalité générale ayant évolué et les règlements européens imposant l’égalité des sexes, on n’a plus fait de différences formelles dans la loi. Symboliquement, c’était évidemment très important, et les femmes se sont battues pour en arriver là. Malheureusement, les pratiques et donc la réalité ont peu changé : sans plus prononcer les mots « femmes » et « hommes », on a habillé les discriminations sous des termes tels que chômeur cohabitant, travailleur à temps partiel (in)volontaire, chômeur dispensé de recherche d’emploi pour raisons sociales et familiales etc.
Statistiquement, pas la peine d’être grand clerc pour savoir que l’instauration de ces catégories au sein des assurés sociaux et de différences dans leurs droits entraîne des conséquences négatives sur le revenu des femmes, et souvent des conséquences positives sur celui des hommes (la catégorie « chef de famille », aujourd’hui appelée « cohabitant avec charge de famille », par exemple). On est donc toujours devant des discriminations de sexe, mais indirectes cette fois (une forme de discrimination qui est pourtant elle aussi formellement interdite en Europe). Ce qui explique que quarante ans plus tard, on baigne encore dans de multiples et profondes inégalités de fait, qui résistent et parfois même s’amplifient.
Lire l’analyse complète publiée en 2014 : Analyse2014-chomage-des-femmes