Au détour de la série POSE, nous ouvrons une porte sur des éléments de la culture de la communauté LGBTQIA+ latino et afro-américaine : les ballrooms, les houses ou encore la danse voguing. Touchées par des discriminations multiples, les personnes transgenres se battent encore aujourd’hui pour leurs droits ; être représentées dans les médias, exercer le métier de leur choix ou le droit le plus vital : vivre sans être menacées.

La culture des ballrooms

POSE est une série télévisée américaine diffusée depuis 2018 sur FX. Elle relate l’univers new-yorkais des années ‘80. Blanca Rodriguez, femme transgenre, est membre d’une maison de perfomeuses·eurs : la maison Abundance. Les maisons (ou houses en anglais) sont des familles alternatives où des jeunes, rejeté·e·s par leur famille en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, peuvent trouver refuge et soutien. Actuellement, les LGBTQIA+ représentent 40% des jeunes sans-abris aux États-Unis et ce, à cause du rejet familial ou d’autres discriminations subies. Les maisons ont à leur tête une mère ou un père de substitution qui adopte le rôle de mentor·e. La raison d’être des houses est de concourir lors d’évènements, appelés ball, rassemblant plusieurs maisons autour de différentes catégories de compétition. La maison gagnante remporte un trophée et un prix, mais surtout gagne en notoriété dans le milieu. La scène des ball est très riche artistiquement. Voici deux exemples emblématiques de catégories dans lesquelles les performeuses·eurs peuvent concourir :

Femme Queen Realness

Les participantes sont jugées sur leur capacité à se fondre dans la masse féminine cisgenre [1] hétérosexuelle. S’identifier au maximum aux critères de féminité cisgenre peut être perçu comme un enjeu pour certaines femmes transgenres dans un contexte sociétal de discriminations et de violences à l’égard de cette communauté.

Le voguing

Danse apparue dans les années ‘60-‘70 dans la communauté LGBTQIA+ afro et latino-américaine, le voguing est basé sur les poses de mannequins. Il s’agit de proposer une chorégraphie qui lie mouvement de danses fluides avec des poses angulaires et linéaires. En 1990, Madonna diffuse sa chanson Vogue accompagnée d’un clip vidéo mettant en scène quelques mouvements de voguing. Une belle publicité de la culture des ballroom pour certain·e·s, une appropriation culturelle déplacée pour d’autres.

Ballrooms, empowerment et militance

Les ballrooms se sont développés en réaction à l’hégémonie des bals de travesti·e·s [2] blanc·he·s aux États-Unis, au Publication des Femmes Prévoyantes Socialistes 26. 27. Publication des Femmes Prévoyantes Socialistes sein desquels les personnes racisées ne remportaient jamais les compétitions. Petit à petit s’est construite une réelle communauté proposant un environnement bienveillant où les participant·e·s sont encouragé·e·s à développer leurs compétences et leurs talents. Un espace d’empowerment (ou d’empouvoirement [3]) où les aspirations d’ascension sociale et de succès artistiques sont cultivées et nourries. Un espace où les jeunes noir·e·s et latino-américain·e·s queer peuvent s’exprimer librement sans crainte de discriminations racistes ou LGBTphobes.

Par ailleurs, dans les années ‘60-‘70, les mouvements militants américains gays et lesbiens opèrent une hiérarchisation des luttes  : les intérêts des gays et lesbiennes passant avant ceux des transgenres. Dans cet environnement LGBTQIA+ morcelé et hiérarchisé, les scènes des ballrooms ont offert et offrent encore à la communauté transgenre latino et afro-américaine un espace d’empowerment, de résilience et de militance. Selon Tsione Wolde-Michael, historienne spécialiste de la culture afro-américaine, «  le voguing offre [aux communautés LGBTQIA+ noire et latino] un sens d’identité, d’appartenance et de dignité dans un monde qui n’apprécie pas la valeur de leurs vies ».

POSE, un merveilleux casting

La série nous propose un beau panel d’actrices, elles-mêmes transgenres  ; une évidence qui ne l’est toujours pas dans le monde du cinéma. Dans POSE, nous découvrons MJ Rodriguez («  Blanca Rodriguez-Evangelista  »), Dominique Jackson («  Elektra Abundance  »), Indya Moore («  Angel Evangelista  ») ou encore Angelica Ross (« Candy Johnson-Ferocity ») ; une représentation cruciale pour faire bouger les lignes sociétales vers l’égalité. Ces actrices partagent des éléments communs avec les personnages qu’elles incarnent à l’écran dans POSE. Elles ont connu les discriminations qui pèsent injustement sur les femmes trans et le lot de violences qui s’y rattache. Alors que le taux de suicide chez les jeunes transgenres et les crimes de haine à leur encontre sont encore d’actualité aux États-Unis, cette série permet de visibiliser ces sujets d’importance cruciale dans la lutte contre la transphobie.

[titre] Mot anglais signifiant « bizarre » qui était utilisé initialement comme insulte envers les personnes LGBTQIA+ mais récupéré ensuite comme symbole d’autodétermination par cette communauté. Le terme regroupe les identités non conventionnelles, non hétéronormées.

[1] Si l’on se sent en accord avec le genre assigné (par ex. une personne femelle, assignée fille à la naissance, qui se sent femme), on est alors cisgenre. Si l’on n’est pas en accord avec le genre assigné à la naissance, on est transgenre.

[2] Personne exprimant un genre opposé à son identité, mais de manière occasionnelle.

[3] Développement de l’émancipation et de la capacité d’actions des individus.

Eléonore StultjensAutrice