Il nous semble loin le temps des publicités où la ménagère saute de joie à l’achat d’un nouvel aspirateur, celui où un mari bat son épouse car son café favori n’est pas servi. Pourtant aujourd’hui, photos, vidéos et slogans publicitaires continuent régulièrement d’envahir l’espace public, dans notre monde réel mais aussi virtuel. Parallèlement à cela, petit à petit, le marketing féministe fait son nid. Mais à quel prix ?

LA PUBLICITÉ SEXISTE, ENCORE À LA MODE

Pour parler à une large audience et faire passer son message de manière plus percutante, la communication marketing prend des raccourcis et recourt à l’utilisation de stéréotypes qui ne seraient que « la mise-en-scène sur-stylisée de comportements acceptés par la société», d’après Frédérique Matonti, spécialiste en études de genre. Ainsi, les messages à caractère sexiste qui s’y glissent ne seraient que le reflet de la réalité. Ces quelques exemples correspondent au concept de « publisexisme » comme le décortiquent la publication de Be Cause Toujours «  Cause toujours sale pub  !  » et l’analyse FPS sur le sujet, c’est-à-dire une pub qui « met en scène l’inégalité entre les sexes et les représentations stéréotypées du féminin et du masculin (…) qui utilise les stéréotypes sexuels, le corps des femmes, la nudité et la sexualité, sinon la culture porno ».

LE « MARKETING GENRÉ », OU COMMENT CIBLER LES FEMMES

Pour parler à son public cible, une marque doit, comme le terme le laisse entendre,  «  cibler  »  son produit et sa publicité. Le «  marketing genré  », adapté aux femmes et aux hommes, pose souvent question, notamment lorsque l’on met sur le marché des produits d’usage identique sous des design différents ou avec des accessoires qui varient, pour démultiplier les intentions d’achats. Par exemple, pour se raser ou se brosser les dents, les femmes sont contraintes de payer plus que les hommes pour le même produit ou service, c’est la taxe rose. Les statistiques montrent que les décisions d’achats sont encore très majoritairement aux mains des femmes : dans près de 85 % des cas, ce sont elles qui prennent en charge les courses quotidiennes de la maison. Miser sur ce public devient une stratégie à côté de laquelle il serait insensé de passer. Afin que les femmes consomment, on ne leur vend plus seulement un  produit mais une «  expérience  positive  » (par exemple en proposant un packaging particulièrement esthétique pour des serviettes hygiéniques). Par ailleurs, pour que les femmes achètent des produits de soin et cosmétiques, elles «  sont maintenues dans l’état d’insécurité sexuelle, de haine de soi et de constant échec qu’accompagne inévitablement l’aspiration permanente à devenir belle. Le tout afin de dépenser toujours plus ».

LE FEMINISM WASHING, UN FÉMINISME DE FAÇADE

De plus en plus de femmes ne se reconnaissent plus dans les produits et les marques qui véhiculent du contenu sexiste. Le « marketing genré » est en train de se métamorphoser et laisse parfois la place au «  marketing féministe » et au femvertising, pratiques qui visent à porter un message féministe dans une publicité. Par exemple cette marque qui, pour vendre des rasoirs, a récemment sorti une pub qui met en scène la masculinité non toxique. Mais cela n’est pas toujours aussi « louable ». Comment une grande chaîne du prêt-à-porter peut-elle d’un côté commercialiser des t-shirts imprimés Feminist et de l’autre licencier les ouvrières enceintes de ses usines ? Quelle est encore la valeur d’un  t-shirt We should all be feminist vendu à 550 €  ? Ces exemples, parmi tant d’autres, relèvent du feminism washing qui, à l’instar du green washing, consiste, pour une entreprise, à revendiquer des valeurs féministes dans son discours alors que ses actes ne le sont pas.

Comment agir ?

  • Refusons l’application de la taxe rose et l’achat de produits féminisés plus chers. Préférons sa version standard.
  • Interpellons directement une marque qui a un comportement sexiste.
  • Reportons les cas de publicités sexistes sous forme de plaintes auprès du Jury d’Éthique Publicitaire ou auprès du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
  • Gardons un esprit critique face au « marketing féministe  » et assurons-nous de l’éthique qui se trouve derrière la production des articles que l’on souhaite nous vendre. Veillons à faire correspondre nos actes avec nos pensées.
  • Boycottons les marques sexistes ou qui font du feminism washing.
  • Participons à des actions anti-pub dans l’espace public (ex. : Collectif Liège sans pub)

Cause toujours sale pub est une brochure qui analyse la place des femmes dans les publicités et les médias. Elle a été créée par Be Cause Toujours !, le groupe militant féministe liégeois des FPS, notre mouvement féministe. Depuis sa création en 2013, le groupe Be Cause Toujours ! se réunit environ une fois par mois sous forme d’apéros-débats et organise diverses activités. Ouvert à toutes et à tous ! Plus d’infos ? Contactez Alice (alice.croibien@solidaris.be, 043/422.422.) ou retrouvez Be Cause Toujours ! sur Facebook.

Mathilde LargepretAutrice