Évaluation de la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique par la Belgique.
Rapport alternatif rédigé par la coalition « Ensemble contre les violences » dont les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) et la Fédération des Centres de Planning familial des FPS sont membres.
Février 2019
Les organisations de terrain constatent à travers leur pratique que, malgré la ratification de la Convention d’Istanbul en 2016, la Belgique ne respecte pas de manière optimale ses obligations en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et ne semble pas dégager l’ensemble des mesures nécessaires pour y parvenir.
Même s’il existe plusieurs instruments légaux et politiques dédiés à la lutte contre les violences en Belgique, les organisations féministes s’inquiètent de certaines dérives dans l’appréhension de la problématique des violences faites aux femmes. Elles constatent un recul d’une lecture systématique sous l’angle des rapports sociaux de sexe et le développement d’un discours tendant à co-responsabiliser les protagonistes, ayant pour effet d’évincer la responsabilité de la société et des pouvoirs publics.
Les associations et les services spécialisés sont très peu consultés dans l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des Plans d’Action Nationaux (PAN). Il est très difficile d’obtenir des informations claires et transparentes sur les moyens financiers consacrés à cette fin, dans un contexte où les données disponibles sur les violences de genre restent lacunaires, les systèmes d’encodage étant peu cohérents et les chiffres souvent morcelés et limités.
Les campagnes d’information, bien que plus nombreuses, restent peu évaluées, trop ponctuelles, et peu représentatives de la diversité du public touché par les violences alors que les formations destinées aux professionnel.le.s sont insuffisantes, peu cohérentes, trop ponctuelles et non-obligatoires. La prévention primaire est largement délaissée, et les initiatives visant le renforcement des femmes ne sont pas assez soutenues.
Il est difficile pour les victimes de violences d’obtenir un accueil, des informations et un accompagnement adéquats auprès des services de soutien généralistes, peu ou mal informés sur les violences. Les services spécialisés restent peu nombreux et les lieux d’hébergement sont insuffisants et inégalement répartis sur le territoire. De plus, un accompagnement spécifique y est trop rarement offert aux enfants.
La législation consacrée aux violences faites aux femmes est éparse, peu lisible et pas toujours mise en oeuvre. Les procédures judiciaires sont longues, coûteuses et souvent inabouties et la politique de classement sans suite reste élevée. L’attribution des droits de garde et de visite des enfants ne tient pas toujours compte des contextes de violences conjugales et contribuent à perpétuer les violences en maintenant le lien avec l’agresseur.
Quant aux services de police, la prise en charge des victimes y est souvent aléatoire et se fait dans des conditions peu adaptées. Certains bureaux n’enregistrent pas les plaintes, n’informent pas adéquatement les victimes sur les mesures de protection et/ou n’assurent pas une intervention suffisamment rapide et le suivi nécessaire, même après le dépôt de plainte.
En matière de migration, les femmes venues dans le cadre d’un regroupement familial, qui sont victimes de violences au sein du couple, ont des possibilités de protection très restreintes. Pour les demandes d’asile fondées sur une crainte de persécution liée au genre, les critères d’évaluation des demandes sont de plus en plus stricts en ce qui concerne la preuve et l’évaluation de la crédibilité. Enfin, les femmes en situation de séjour irrégulier renoncent souvent à demander une protection de crainte d’être expulsées.