On pourrait penser que le sport de haut niveau éloigne de l’incertitude économique et de la précarité. Ce n’est pourtant pas garanti, en particulier pour les femmes. L’argent se fait plus rare pour les sportives que pour les sportifs. Comment expliquer cette situation ? Quelles conséquences pour les sportives et leur parcours ?

Une rémunération à deux vitesses

En 2017, le marathon de Bruxelles avait défrayé la chronique en attribuant initialement 1000 euros de récompense au vainqueur masculin et 300 euros à la gagnante. Quatre ans plus tard se déroulait la première course cycliste « Paris-Roubaix » pour les femmes. À l’issue de celle-ci, la gagnante remportait la somme de 1535 euros. De son côté, le gagnant de la course masculine empochait 30 000 euros… soit un différentiel de 28 465 euros ! En football, les primes individuelles versées lors des « Euro » de 2021 pour les hommes et 2022 pour les femmes affichaient une différence flagrante. Chaque Diable rouge (équipe masculine) a touché un montant estimé à 170 000 euros tandis que chaque Red Flames (équipe féminine) aurait touché entre 20 000 et 30 000 euros. Les montants ne sont pas non plus les mêmes concernant les primes de participation, les primes de victoire ou de qualification octroyées à la fédération belge de football en fonction des prestations des deux équipes.

Le football, comme la plupart des sports d’équipe, est un domaine où les inégalités financières sont les plus marquées. Le tennis, le surf, l’athlétisme ou encore le patinage font partie des disciplines qui offrent les récompenses les plus équitables aux athlètes.

Quand les sponsors font la loi

Outre les primes, une importante source de moyens financiers pour les sportives·ifs, les équipes, les clubs et les fédérations réside dans le sponsoring. En échange de l’apposition de leur logo et de la mention de leur nom sur divers supports, certaines entités telles que des marques de vêtement, de boisson, de téléphonie, de voiture, des banques ou des sociétés d’assurance, sont prêtes à investir des sommes plus ou moins conséquentes dans le sport. Au plus un sport sera médiatisé, au plus il attirera l’argent des sponsors qui auront ainsi la garantie que leur nom et leur image seront vues par le public, donc par de potentiel·le·s acheteuses·eurs. En retour, l’argent du sponsoring permettra aux athlètes de bénéficier de meilleurs équipements, meilleures installations, meilleures rémunérations, meilleurs transports, meilleur encadrement (coaching, suivi médical, arbitrage), etc. Autrement dit, la possibilité d’exercer leur discipline dans des conditions favorables à la progression et aux victoires. Le cercle vicieux est bien rodé : les sportives, moins médiatisées que les hommes, récoltent moins de sponsors. La pratique féminine peine à se développer, à progresser et à gagner en notoriété… auprès du tout public et des sponsors.

Sportives à temps partiel

En l’absence de financements corrects, de nombreuses sportives de haut niveau doivent occuper un emploi sur le côté. Beaucoup jonglent aussi avec des études et formations pour préparer la fin de leur carrière sportive. Certaines ne peuvent s’en sortir sans aides publiques, par exemple une aide au logement. Elles ne peuvent dès lors se consacrer pleinement à la pratique sportive. Leur quotidien est morcelé par d’autres obligations liées à leur job « d’à-côté », aux démarches administratives, à la famille, à la recherche de sponsors à convaincre, à la négociation de meilleures conditions pour le sport féminin. Dans quelle mesure la charge mentale, bien connue des femmes, impacte-t-elle la concentration et la performance des sportives ? En outre, comment progresser quand on a un temps restreint à dédier aux entrainements individuels et collectifs, mais aussi à s’alimenter, se reposer et prendre soin de sa santé physique et mentale ? Autant de facteurs indispensables à toute pratique sportive intense et régulière.

Les mauvaises langues diront que le sport féminin est moins « intéressant », moins « spectaculaire » que le sport masculin. Seront-elles toujours du même avis lorsque des moyens financiers et matériels similaires seront octroyés aux sportives, leur permettant de briller sur les pistes et d’être enfin vues ? Que le spectacle commence !

Autrice
AutriceLaudine Lahaye