En Belgique, le taux d’activité des femmes sur le marché de l’emploi était de 64,4 % en 2021 alors qu’il s’élevait à 73,6 % pour les hommes. Cela signifie qu’environ deux tiers des femmes en âge de travailler (20-65 ans) avaient un emploi en 2021. Comment expliquer un tel écart? Panorama des différents obstacles affrontés par les femmes sur le marché du travail.

Alors que les femmes ont toujours travaillé, la participation de celles-ci au marché du travail rémunéré n’a pas toujours été valorisée socialement ni souhaitée politiquement. En effet, sous le poids du patriarcat et des mouvements sociaux, le rôle assigné aux femmes par la société se réduisait au travail de reproduction : enfanter, éduquer, faire le ménage, faire à manger…

Même si le combat pour le droit à l’emploi est porté par le mouvement féministe depuis les années 1840, il faudra attendre les années 1960 pour que l’on constate une augmentation de la participation des femmes dans le monde professionnel.

Aujourd’hui, des décennies après cette arrivée massive sur le marché de l’emploi, quel∙le∙s sont les obstacles et discriminations que les femmes y subissent ? Dans quelle mesure la structure du marché du travail est-elle encore imprégnée d’injonctions genrées ?

« Aux hommes le bois et les métaux, aux femmes les tissus » ?

Tout droit sorti d’une autre époque, ce vieil adage sexiste nous fait bondir aujourd’hui. Si celui-ci nous paraît choquant à la lecture, pouvons-nous affirmer que la réalité de la division du travail est radicalement différente aujourd’hui ?

Malheureusement, nous sommes forcé∙e∙s de constater que le marché du travail reste construit sur une forte ségrégation horizontale. Autrement dit, certains métiers sont occupés très majoritairement par les femmes et d’autres par les hommes.

D’une certaine manière, la participation des femmes au marché du travail s’est réalisée, en partie, par l’intégration progressive des rôles de genre dans le marché du travail.

Sans surprise, les femmes se retrouvent surreprésentées dans le secteur du care (aide-soignante, infirmière, accompagnatrice à la mobilité, titres-services…) et de l’éducation. Aujourd’hui encore, nos savoirs ainsi que nos compétences sont sexuées. Ainsi, 99 % des sages-femmes, 93,2 % des secrétaires et 84,4 % des institutrices∙teurs primaires sont des femmes alors que les métiers de technicien∙ne∙s, d’ingénieur∙e∙s civil∙e∙s ou encore de conductrices∙teurs d’autobus et de tramway sont à plus de 83 % occupés par des hommes.

Vous avez dit plafond de verre ?

À cette ségrégation horizontale s’ajoute une ségrégation verticale : le plafond de verre ! À travers ce concept, on exprime le fait que les femmes auront plus de difficultés que les hommes à obtenir un poste à responsabilités et mieux rémunéré.

En effet, « en 2012, les femmes ne représentaient que 12,7 % des membres des conseils d’administration des entreprises cotées en bourse et 7,1 % des entreprises non cotées » . Cependant, grâce « à l’adoption de la loi du 28 juillet 2011 relative aux quotas dans les entreprises cotées, le taux de présence de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du BEL20 est passé à 26,8 % en 2017 ». Plus étonnant encore, elles n’étaient que « 11,6 % des directrices∙teurs générales∙aux des services publics fédéraux et 23 % des membres des autorités académiques, ce qui contraste fortement avec le pourcentage de femmes dans ces deux domaines ».

Temps partiel : la triple peine

Une grande partie des travailleuses occupe des emplois à temps partiel. Elles seraient 43,5 % à travailler à temps partiel contre 11 % d’hommes. De manière générale, on constate que 78 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes.

Il est important de noter que la très grande majorité des femmes ne travaille pas à temps partiel par choix. Seuls 10 % des temps partiels sont librement choisis par les femmes, 50 % des temps partiels sont contraints et 27 % seraient des temps partiels « de compromis ».

En effet, les femmes se retrouvent bien souvent contraintes d’exercer à temps partiel, car les secteurs fortement féminisés sont également ceux où ce type d’emploi est plus fréquemment proposé et où les conditions de travail ne permettent pas non plus de le faire en temps plein (charges émotionnelles importantes, pénibilité physique,…). De plus, ce sont majoritairement les femmes qui acceptent de réduire leur temps de travail. Parmi les personnes travaillant à temps partiel, 45 % des femmes disent le faire pour assurer la combinaison avec leur vie de famille.

Travailler à temps partiel est l’une des raisons expliquant l’écart salarial entre les hommes et les femmes et les grandes difficultés qu’ont les femmes à briser le plafond de verre. En effet, la plupart des postes à responsabilités sont aujourd’hui des emplois à temps plein. Les temps partiels imposés aux femmes sont une triple peine : faible rémunération, renforcement du plafond de verre et renforcement des stéréotypes de genre. Ainsi, l’assignation aux rôles de genre emprisonne les femmes dans une division sexuée des tâches domestiques et du marché de l’emploi où les femmes sont contraintes de travailler à temps partiel avec de faibles rémunérations et d’en plus assumer la charge du care[1] dans la sphère familiale. Cette répartition inégalitaire et sexiste réduit leur capacité à obtenir des postes à responsabilités et essentialise le rôle des femmes en les cloisonnant à leur rôle de reproduction sociale.

Travail gratuit : le hold-up

En guise de conclusion, comment ne pas évoquer les centaines d’heures de travail gratuites que les femmes exercent quotidiennement ?

Du fait de l’écart salarial d’environ 9 % (à travail égal), les femmes travaillent gratuitement pendant presque 10 % de leur temps de travail. Ceci est sans compter les 11 heures en moyenne par semaine que les femmes consacrent de plus que les hommes aux tâches de soin, d’éducation et domestiques. Si l’on additionne les heures de travail prestées gratuitement par les femmes du monde entier, le rapport d’Oxfam évalue le total qui leur serait dû à 10.800 milliers de milliards de dollars par an.

Derrière l’ampleur du travail gratuit et de l’écart salarial se cache en fait un système inégalitaire et sexiste où les femmes sont contraintes de travailler dans des secteurs mal rémunérés et à temps partiel tout en continuant d’assumer les tâches liées à la reproduction sociale. Ce vieux monde se meurt petit à petit sous les coups des mouvements féministes qui s’organisent pour rebattre les cartes vers une société plus égalitaire et émancipatrice.

[1] Le care recouvre à la fois l’attention portée aux besoins des autres, mais aussi l’action de prendre en charge une personne qui n’est pas en mesure de répondre à ses besoins de manière autonome.

Joachim Wathelet Auteur
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