L’endométriose a des impacts bien réels sur tous les aspects du quotidien des filles, des femmes et des personnes menstruées. Cette maladie entraine une qualité de vie sensiblement amoindrie. En avril dernier, nous lancions un appel à témoignages sur les réseaux sociaux. Une trentaine de femmes ont accepté de nous répondre, comme Annie [1] pour «raconter mon histoire, pour que plus personne ne subisse le même parcours du combattant que moi, pour qu’on me reconnaisse.» Premier aperçu de la maladie.

Une prise en charge souvent chaotique

Tout d’abord, il existe plusieurs formes d’endométriose. Les symptômes ne se limitent pas à des règles douloureuses (qui persistent malgré la prise d’un antidouleur) ou de la stérilité dans certains cas. Les troubles digestifs et urinaires, la fatigue chronique accablante, les douleurs durant les rapports sexuels sont autant de symptômes courants de la maladie. On peut aussi avoir de l’endométriose sans avoir de règles douloureuses !

Dès l’apparition de ces symptômes invalidants, le corps devient un champ de bataille involontaire. Certaines personnes se reconnaissent comme des combattantes, d’autres ne veulent pas de ce statut. Mais toutes veulent qu’on leur propose un trajet de soin clair : un diagnostic efficace et une prise en charge multidisciplinaire par du personnel formé en nombre.

Or, le manque d’écoute criant et la méconnaissance des soignant·e·s sont soulignés par la majorité des témoignages : « La première [gynécologue] m’a clairement dit que j’étais une nunuche et que je devais apprendre à mieux encaisser la douleur » (Annie). Édith explique « n’avoir eu un diagnostic d’endométriose et adénomyose que 12 ans après. En gros j’ai passé la moitié de mon existence à souffrir tous les mois sans savoir pourquoi. À en vomir, à en tomber dans les pommes. Mais c’est “normal” il parait ». Erin se rappelle : « Il n’y a pas de traitement, il faudra vous habituer à avoir mal, madame ». Soline fait les comptes : « Prise en charge aléatoire. Opérée deux fois. Beaucoup de violence institutionnelle et psychologique. Quasi impossible d’avoir une info fiable et une prise en charge digne de ce nom ». Nina partage son dépit : « Je suis suivie par plusieurs médecins, mais j’ai l’impression que le seul moyen de contrôler est la contraception et donc, on se limite à m’en faire essayer plusieurs sans vraiment me proposer d’autres alternatives ».

Ces multiples échanges insatisfaisants avec les médecins poussent les patientes à se former elles-mêmes, à combler les lacunes du secteur, à s’essayer à des alternatives multiples, non sans risques. Ces situations creusent toujours un peu plus leur portefeuille tout en augmentant leur charge mentale. Pour certaines d’entre elles, la recherche d’un traitement pouvant les soulager prend beaucoup de place dans leur vie quotidienne.

Une vie quotidienne impactée

Elles sont finalement seules à « gérer » cette maladie chronique en fonction des ressources dont elles disposent. Leur santé mentale, physique, sexuelle et reproductive est mise à rude épreuve. Cette situation impacte durablement leur vie sociale, familiale et amoureuse : « Les douleurs sont compliquées à gérer, la fatigue lors des périodes de crise est aussi difficile. Les crises ne se prévoient pas et on se retrouve souvent dans l’obligation d’annuler notre planning » (Katarina). Annie explique : « Ma vie est un enfer, ma sexualité l’est d’autant plus. La souffrance qui est la mienne m’empêche d’avoir des relations sans douleur avec mon compagnon, ce qui fait que j’évite cela au possible. J’ai déjà perdu un amoureux à cause de cela ». Assia confirme : « ça crée des tensions dans le couple et malheureusement, à cause de la maladie, ça peut briser une relation ». Yoke ajoute : « Je reste donc sans certaines réponses à mes questions et avec la peur d’avoir une crise qui surgit n’importe quand, m’empêchant de vivre normalement et de me rendre sur mon lieu de travail ou autres rendez-vous ». Les perspectives de vie ne sont pas toujours meilleures. Certaines femmes attendent la ménopause pour espérer enfin vivre normalement. D’autres se confient sur le projet d’être parent, mis à mal par des incertitudes sur leur fertilité, par des parcours PMA éreintants, parfois par un abandon du projet.

Et le travail ?

Le bien-être au travail n’est pas en reste et dépend fortement de la reconnaissance de la maladie et du sentiment de soutien par l’employeur·e : « Je me suis déjà fait opérer 5 fois et on m’a refusé un mi-temps médical. Le médecin-conseil m’a dit que ce n’était pas une maladie valable… donc, on fait avec les médicaments pour tenir au travail quand ça ne va pas » (Christine). Annie souligne : « Le pire, c’est de devoir gérer le mal, les nausées, les céphalées violentes (et je passe le reste des symptômes) lorsque je suis au travail. Cacher la douleur est plus difficile que de la laisser s’exprimer. Seulement, je ne peux pas faire autrement, je ne peux pas m’absenter à chaque fois que j’ai mes règles, ce n’est pas sérieux ». Leila affirme : « Je n’ai pas envie d’en parler au travail, je ne pense pas de toute façon pouvoir être soutenue dans ma maladie… ». Finalement, Sacha déclare : « J’ai été licenciée, car j’étais souvent opérée et donc absente et quand je recherche un emploi, je ne suis pas engagée à cause de cette maladie ».

« L’ombre de cette maladie me poursuivra encore longtemps », confirme Fabiola. La santé mentale est dégradée. Le sentiment de solitude est renforcé par une méconnaissance généralisée de l’endométriose. De plus, les trajets de soin se multiplient et s’additionnent : parcours endo classique (errance médicale), rendez-vous avez des spécialistes divers (kiné, diététicien·ne, etc.), tests d’alternatives, suivi psy, parcours PMA…

« C’est tout de même scandaleux qu’en 2023, cette maladie soit encore si difficile à endurer, ou même à diagnostiquer, alors qu’on est censée être entendue par les médecins  ! » résume Annie. Dans ce contexte, comment peut-on mieux comprendre l’endométriose et agir en faveur d’un meilleur trajet de soins ? Venez en discuter avec nous le samedi 18 novembre 2023 à Ath ! Les infos suivront sur www.soralia.be.

Développons ensemble des bonnes pratiques et recommandations pour une meilleure prise en compte de la maladie au niveau politique et médical !

[1] Il s’agit d’un prénom d’emprunt visant à préserver l’anonymat. Tous les témoignages récoltés ont été anonymisés.

Autrice
AutriceAnissa D'Ortenzio