C’EST FAUX. C’est l’heure de sortir les violons, parce qu’il y a du drama dans l’air. Ou plutôt des particules fines meurtrières. Rien qu’en les respirant en petites quantités, on perdrait presque 9 mois dans notre vie en moyenne en Europe. Certaines personnes, déjà victimes de discriminations dans notre société, voient leur santé d’autant plus menacée par la dégradation de l’environnement. Les femmes, majoritaires dans les luttes écologiques, ne sont pas en reste. C’est l’heure du bilan de santé !

Tout d’abord, la santé des femmes est plus impactée par les changements climatiques et les catastrophes naturelles que celle des hommes. Cela s’explique à la fois par leur genre (les rôles attendus en tant que femme) et par leur sexe (des mécanismes biologiques différents face à certaines maladies et médicaments).

Les femmes sont généralement plus pauvres et consomment donc moins de soins de santé, car elles ont davantage tendance à reporter leurs soins. Cette situation plus précaire peut aggraver certaines maladies qui touchent déjà plus les femmes que les hommes. Certaines de ces maladies sont aussi en augmentation à cause de la dégradation généralisée de la nature. Une double peine pour les femmes.

Quand Mère Nature tousse, toi, tu craches tes poumons

Prenons le cas de l’asthme qui a doublé en quinze ans dans les pays européens. Cette augmentation s’explique par la pollution de l’air provoquée par les particules fines et la fumée, phénomènes exacerbés par les nombreux feux de forêt, les canicules et la circulation automobile. Ces conditions peuvent déclencher des crises d’asthme chez les personnes les plus fragiles. L’asthme est une maladie chronique 2 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes et généralement plus sévère chez ces dernières.

Tout comme l’asthme, les femmes sont plus touchées par les maladies cardio-vasculaires que les hommes en Belgique. Or, la pollution de l’air et les températures extrêmes favorisent aussi des problèmes au niveau du cœur et des vaisseaux selon Wallonie-Environnement ! Le bruit, pollution auditive des grandes villes et axes routiers, favoriserait également l’hypertension artérielle et donc, certaines maladies du cœur. Selon l’OMS, l’exposition régulière au bruit serait responsable de 3 % des décès…

Non seulement le trafic automobile et les industries encrassent (un peu plus) les poumons et le cœur des femmes, mais aussi leurs os ! Une étude américaine met en évidence que les oxydes d’azote (un agent chimique dont une très forte concentration produit un gaz toxique) dégraderaient la masse osseuse des femmes ménopausées plus rapidement que les effets naturels de l’âge, particulièrement chez celles ayant de plus faibles revenus.

Quand Mère Nature tombe malade, toi, tu prends cher

Enfin, 70 % des maladies infectieuses (comme le COVID-19) de ces 40 dernières années sont des virus que les animaux ont transmis à l’être humain (décimant tant les humains que les animaux). Cette situation tragique s’explique, d’une part, par l’intensification de l’agriculture et l’élevage, la destruction des habitats naturels des animaux et la globalisation de « ces échanges » et, d’autre part, par l’augmentation des maladies chroniques fragilisant durablement la santé humaine. Nous l’avons vu durant la pandémie : les personnes qui avaient déjà une ou plusieurs maladies chroniques étaient plus vulnérables au virus. Elles étaient susceptibles d’avoir des symptômes plus graves dus au COVID-19 que le reste de la population. Depuis 1997, les maladies chroniques ne cessent de croitre en Belgique. Les profils les plus touchés ? Les femmes et les personnes ayant un plus faible revenu. Pourtant plus vulnérables, n’étaient-ce pas les femmes qui ont continué à travailler durant toute la pandémie ? Ces femmes aux métiers de vendeuses, de soignantes, du nettoyage… Aux faibles revenus, déjà malades et pourtant toujours en train de travailler.

Une liste un peu (trop) longue

Et quid des effets des perturbateurs endocriniens qui dérèglent les hormones ? Des liens entre pesticides et obésité ? Des conséquences méconnues du microplastique dans le sang humain ? Finalement, quels que soient les impacts négatifs de l’environnement sur la santé humaine, les personnes qui seront les plus touchées ne sont pas forcément celles qui polluent le plus : les femmes sont majoritaires dans les luttes écologiques au sein du foyer et dans l’espace public… Et pourtant, quelle santé ! Le 21e siècle ne déroge pas à la règle : les personnes victimes d’injustices seront plus malades que les autres. La seule chose qui change, c’est qu’on peut ajouter l’injustice environnementale à la liste.

Notre meilleur ennemi ?

Ces immenses dégradations de l’environnement sont la menace n°1  [1] de notre santé au 21e siècle. Mais, agir pour l’environnement est notre plus grande opportunité pour améliorer notre santé. Par exemple, des mesures visant à diminuer les gaz à effet de serre peuvent améliorer la qualité de l’air. Développer les mobilités douces (vélos, marche, etc.) améliore la santé physique et mentale de la population. Diminuer la consommation de viande améliore le bien-être des animaux et la santé des humains… Selon le 6e rapport du GIEC, intervenir favorablement sur l’environnement sauverait des millions de vies. À titre d’estimation, plus de 1,2 million de personnes survivraient en 2040 si on améliorait la qualité de l’air [2]. Une 2e révolution de santé publique est possible, à condition que les actions pour l’environnement et la santé tiennent compte en priorité des publics plus vulnérables au risque, sinon, de perpétuer voire d’aggraver des inégalités dont celles entre les femmes et les hommes.

Et si vous n’êtes pas sensibles à sauver votre prochain, pensez au portefeuille : moins de maladies signifient moins de coûts en soins de santé sachant qu’en Belgique, les coûts des maladies longue durée sont supérieurs à ceux du chômage. Logique, quand on n’investit pas suffisamment dans la prévention des maladies.

[titre] : Attention, le sarcasme nuit gravement à la santé.

[1] CAMPBELL-LENDRUM Diarmid, « Quels sont les principaux enseignements du 6e rapport du GIEC concernant la santé ? », Actes de colloque 2022, Santé Publique France, pp.10-11

[2] TIRADO Cristina, « Quels sont les co-bénéfices pour la santé de l’action climatique ? », Actes de colloque 2022, Santé Publique France, pp.26

Autrice
AutriceAnissa D'Ortenzio