Ce n’est un secret pour personne, les femmes sont les grandes oubliées de l’Histoire. C’est en grande partie dû au manque de sources historiques leur accordant la place qu’elles ont de tout temps occupée dans les sociétés. Mais la façon d’appréhender l’Histoire, de l’étudier et de la communiquer contribue aussi fortement à cette invisibilité. Si les choses bougent positivement dans le monde scientifique et universitaire, auprès du grand public, c’est une autre affaire. Pour visibiliser le rôle des femmes dans l’Histoire et le questionner, il faut que cela transparaisse dès le début de l’apprentissage, ce qui est encore loin d’être le cas. Alors, comment donner aux femmes la place qu’elles méritent dans les manuels scolaires d’Histoire ?
À tous les niveaux, la mise en retrait des femmes dans ces manuels est indéniable : elles restent minoritaires dans les illustrations reproduites ou sont cantonnées à des rôles stéréotypés. Par ailleurs, peu de documents ou œuvres cité-e-s sont produit-e-s par des femmes. Si un manuel scolaire a pour rôle de dépeindre la réalité historique, il se doit aussi d’éviter de véhiculer des stéréotypes encore actuels. Il ne faut pas pour autant perdre de vue que l’Histoire enseignée dans les établissements scolaires est essentiellement politique. Or, l’ouverture de ce secteur aux femmes n’est que très récente (et encore loin d’être égalitaire). Dès lors, atteindre un nombre égal de mentions de femmes et d’hommes semble effectivement inaccessible. Il existera toujours des situations qui ne peuvent être illustrées que par des représentations masculines, car elles reflètent des réalités historiques (guerres, investitures d’hommes d’État, travail dans les mines, etc.).
QUESTIONNER LES INÉGALITÉS PASSÉES POUR LES CONTRER AUJOURD’HUI
Il est nécessaire de susciter la réflexion des élèves face à ces images ou événements historiques. S’il n’est pas possible de changer des faits passés, observer l’absence de femmes dans des illustrations ou lors d’événements est une façon pertinente de leur redonner une place ! Il en va de même pour les représentations de femmes dominées par les hommes, par exemple, dans la sphère professionnelle. Si une illustration représente une scène d’usine où un contremaitre supervise le travail d’employées féminines, il faudrait poser la question « existe-t-il des représentations inversées, avec unE contremaitreSSE gérant une équipe masculine ? Si non, pourquoi, selon vous ? » De la même façon, une réflexion doit être suscitée quant aux personnes à l’origine de documents ou d’œuvres reproduit[1]e-s, en s’interrogeant, par exemple, sur l’absence de femmes peintresses à l’époque de la Renaissance. Il s’agit là également de façons d’intégrer les femmes dans tous les aspects historiques, et non plus de les reléguer dans d’éventuels chapitres qui leur sont propres afin de mieux les éclipser de tous les autres. Tout l’enjeu des manuels d’Histoire tient donc à l’acceptation de l’existence de stéréotypes dans le passé, sans chercher à les nier, les gommer ou les amoindrir, tout en les questionnant et en les déconstruisant pour sensibiliser les jeunes (et les moins jeunes, au sein du corps professoral et des parents) à la thématique de l’égalité entre les genres.
AGIR À TOUS LES NIVEAUX, POLITIQUES, MAISONS D’ÉDITION ET CORPS ENSEIGNANT COMPRIS !
Pousser les élèves à s’interroger pour savoir si telle ou telle situation serait encore envisageable de nos jours, si tel ou tel aspect promeut l’égalité et intégrer ces questions tout au long des ouvrages : voilà les pistes qui doivent être envisagées lors de la rédaction et de l’édition de manuels scolaires. Il est également nécessaire de veiller à intégrer des images respectueuses de l’égalité entre les femmes et les hommes dès que cela est possible. Pour cela, il faut veiller à développer des iconothèques plus égalitaires et plus variées. Les politiques jouent un rôle important dans ce phénomène. Bien que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes figure dans les textes législatifs, la réalité du secteur de l’enseignement est toute autre. Pour pallier cela, les notions d’égalité des sexes et de stéréotypes doivent impérativement, d’une part, figurer comme des critères d’agrément de manuels scolaires, ce qui n’est actuellement pas le cas ; d’autre part, être plus (et mieux !) intégrées dans les programmes scolaires. Gardons évidemment à l’esprit que les manuels sont des outils, certes utilisés par les élèves, mais également par les enseignant-e-s. Il est dès lors fondamental que celles/ceux-ci aient à cœur de poser ces questions, de remettre en cause des situations historiques et ce, même si cela fait défaut dans la démarche éditoriale. La bonne volonté ne fait malheureusement pas tout : l’approche genrée de l’enseignement devrait impérativement figurer dans les programmes d’agrégation, afin que les futur-e-s professeur-e-s soient sensibilisé-e-s à cette question au plus tôt et soient donc formé-e-s à la déconstruction des stéréotypes de genre.
CET ARTICLE S’INSPIRE D’UNE ANALYSE PUBLIÉE PAR LES FPS EN 2015. POUR ALLER PLUS LOIN, VOIR COLARD, FANNY. « LA PLACE DES FEMMES DANS LES MANUELS SCOLAIRES D’HISTOIRE : LE CAS DE LA BELGIQUE. » FEMMES PRÉVOYANTES SOCIALISTES. 2015.