Sélectionnée notamment pour ses promesses de Jeux olympiques inclusifs, populaires et durables, la ville de Paris accueillera cette année l’un des plus grands événements de son histoire. Si certains engagements semblent être tenus, le vernis de la médaille s’écaille. Les plus précaires, eux, se retrouvent sur le banc de touche.

Des JO verts ?!

L’un des principaux arguments en faveur de la candidature de Paris était la mise en place des jeux « les plus verts de l’histoire ». Il était ainsi annoncé que le bilan carbone des JO serait positif [1] et que les émissions de CO2 seraient drastiquement réduites par rapport aux éditions précédentes. Globalement, de nombreuses initiatives sont à saluer. Citons notamment la mise en place de menus locaux et végétaux, la construction limitée de nouvelles infrastructures dans le cadre de l’organisation des JO, la réutilisation et le recyclage des matériaux, ou encore l’exploitation d’énergies renouvelables pour alimenter l’ensemble des sites de compétitions.

Pourtant, les expert·e·s préfèrent rester prudent·e·s. Les engagements pris restent à ce jour très opaques. Si Paris 2024 s’était fixé un objectif d’émission carbone à ne pas dépasser pour la préparation et les jeux, il n’existe pas à ce jour de données concrètes concernant le « budget carbone » déjà utilisé [2]. Pour Frédéric Viale, du collectif « Non aux JO 2024 », « l’effort porte essentiellement sur les promesses et la communication ».

Si le comité s’engage à ce que tou·te·s les spectatrices·teurs se déplacent en vélo, en transports en commun et que les athlètes réaliseront un maximum de déplacement en trains et en transports électriques, la question de la mobilité est un grand sujet de tension. Les touristes et sportives·ifs, venus du monde entier n’auront d’autres choix qu’utiliser l’avion pour se rendre en France. Certaines lignes de métros et de RER prévues pour fluidifier le trafic lors des JO ne seront pas prêtes à temps. Par ailleurs, alors que le dossier de candidatures des JO prévoyait une offre de transport gratuite pour les spectatrices·teurs afin de désengorger les routes et parking, il n’en est rien. Pire encore, le prix du ticket de métro se verra presque doubler (passant de 2,10 euros à 4 euros) pendant la durée des jeux [3].

La notion de neutralité carbone est quant à elle très critiquée, car elle donne l’impression que ce type d’événement est « indolore » pour l’environnement. Suite aux nombreuses controverses, la communication de Paris 2024 a été discrètement ajustée pour effacer cet argument.

Face aux soutiens de nombreux sponsors controversés (AirBnB, LVMH, Coca-Cola…) et à la destruction d’espaces verts, difficile de ne pas associer ces jeux à une pure et simple tentative de greenwashing.Comme l’explique Antoinette Guhl, élue écologiste à la Mairie de Paris : « Il n’y aura pas de Jeux olympiques 2024 écolos […] c’est le système même des JO qui n’est pas conçu pour être écologique, puisqu’il repose sur la société de consommation ».

Un événement « populaire » pour les ultrariches

Les populations les plus fragilisées vont être particulièrement pénalisées avec l’arrivée des JO. Outre le prix conséquent des billets pour assister aux différentes compétitions, le coût de la vie va drastiquement augmenter. En plus du prix de certains produits, l’explosion des coûts de logements et les baux de location de très courte durée (pour maximiser les profits durant les jeux) pénalisent particulièrement les locataires les plus précaires. Plusieurs hôtels disposant d’un accord pour accueillir des sans-abris [4] ont également rompu leurs conventions avec l’État pour favoriser la venue des touristes. Des familles se retrouvent expulsées, parfois sans solution de logement alternatif et contraintes de s’éloigner de leurs écoles, lieux de travail ou structure de soins.

Certaines associations dénoncent également un nettoyage social afin de « mettre la poussière de la pauvreté sous le tapis ». Des migrants et SDF se retrouvent ainsi délocalisés dans des « SAS » d’accueil temporaires régionaux. Des camps de fortune et des squats sont démantelés et les contrôles de police sont renforcés. Comme l’explique Yann Manzi, délégué général de l’association Utopia 56, « la police ne laisse plus poser une seule tente, même pour la nuit. Les gens sont chassés sans être hébergés. Et quand ils sont ainsi invisibilisés, on ne peut pas les aider. » Ce phénomène est hélas monnaie courante dans le cadre des JO.
Cette délocalisation se dessine parfois à long terme. En Seine Saint-Denis, département « populaire » proche de Paris, le village olympique construit pour l’occasion se transformera par la suite en quartier d’habitation, riche de nombreuses infrastructures. Problème ? Les coûts exorbitants des logements sont en totale déconnexion avec les autres biens immobiliers sur le marché. Cela risque de créer une gentrification, c’est-à-dire une réappropriation de quartiers populaires par des classes plus aisées, contraignant ainsi les plus précaires à se reloger ailleurs11.

Et les gagnant·e·s sont…

Outre le prestige culturel international lié à l’accueil des Jeux olympiques, les États organisateurs espèrent surtout un important rebond économique local, notamment grâce à la mise en place et la rénovation d’infrastructures, la création d’emplois et le tourisme. Pourtant, les retombées ne sont pas assurées et sont très variables d’une édition à l’autre. Parmi le peu de bons élèves (Los Angeles en 1984 et Barcelone en 1992) se trouvent surtout des gouffres financiers comme les JO de Montréal, Moscou, Athènes, Sotchi, Rio…

Il est à noter que les retombées économiques positives annoncées par des « cabinets d’expertise prestigieux » sont souvent sujettes à caution. Les chiffres semblent en effet manipulés pour flatter les bilans nationaux, comme pour les JO de Londres dont le bilan économique reste controversé.
Les Jeux olympiques, à l’instar de nombreux autres événements internationaux, illustrent et renforcent donc les inégalités de notre société. Ces compétitions ne favorisent finalement qu’une poignée de privilégiés mais pénalisent les autres à plus ou moins long terme.

Si les populations locales et les plus précaires risquent de repartir bredouilles, les grand·e·s gagnant·e·s de ce capitalisme outrancier sont les entreprises du secteur privé et les propriétaires fonciers. Du pain et des jeux pour certain·e·s, mais que d’Or pour d’autres…

[1] C’est-à-dire que les émissions de CO2 (principales causes du réchauffement climatique) seraient totalement compensées.[2] A ce jour, nous ne disposons pas de données (hormis pour l’empreinte écologique de la flamme olympique).

[3] À noter que les Franciliens disposant d’un abonnement ne seront pas concernés et qu’il est possible d’anticiper l’achat des billets pour économiser. Pour en savoir plus : https://tinyurl.com/yrmvndpw.

[4] En île de France, face à la saturation des hébergements classiques pour les sans-abris, des conventions sont signées avec des hôtel partiellement vides pour les accueillir.

Autrice
AutriceElise Voillot