Le capitalisme est un système socio-économique particulièrement résistant et profiteur. Rien ne lui échappe. Son fondement s’inscrit dans l’exploitation et la domination pour créer ce qu’il considère comme de la richesse : le capital financier. Vu sa configuration, nul doute que le patriarcat est l’un de ses plus grands alliés et vice-versa. Une fois de plus, ce sont les femmes qui en paient le prix…
Travail productif vs travail reproductif
Le travail du care, comme nous l’avons vu dans les articles précédents, s’enracine dans des stéréotypes de genre. Les femmes sont affectées à ces tâches en raison de leur soi-disant propension naturelle à s’occuper des enfants, à administrer des médicaments, à nettoyer les bureaux ou encore à vendre des produits de première nécessité.
Si ces stéréotypes ne datent pas d’hier, la condition des femmes tend néanmoins à se dégrader à partir de l’entrée progressive du capitalisme dans nos sociétés, suite à la révolution industrielle. Avec lui s’instaure une marchandisation extrême, où le travail est considéré comme la source principale de la production de la richesse. Ainsi, seul ce qui rapporte de l’argent, et donc le travail productif, a de la valeur.
Le travail reproductif, c’est-à-dire, en grande partie, le travail de soin et le travail domestique, est, quant à lui, relégué en bas de l’échelle sociale. Pire, toute une partie de ce travail va officiellement être considérée comme relevant de la sphère « privée » et donc dépourvue de toute forme de rémunération et de reconnaissance sociale. Les femmes vont donc accomplir toute une série de tâches indispensables au bon fonctionnement de la société (et donc du capitalisme) gratuitement (ou presque gratuitement…) ! Quelle aubaine !
Alors que ce travail est celui même qui produit la main-d’oeuvre nécessaire au maintien de la force de travail productive4. Parce que oui, il en faut, des femmes, pour donner naissance aux futurs travailleurs (spécifiquement des garçons) et les éduquer pour devenir de bons petits soldats capitalistes !
Le patriarcat est donc indispensable au capitalisme, puisqu’il lui fournit une population déjà dévalorisée (les femmes), dont il se sert pour prospérer. Tandis que le capitalisme, lui, exacerbe l’enfermement des hommes et des femmes dans des rôles préétablis : les premiers sont en charge de faire fructifier l’argent, pendant que les secondes organisent, souvent sans aucune rémunération, les conditions nécessaires pour que les premiers se concentrent essentiellement sur leur travail productif. Cette binarité est d’ailleurs à l’origine de nombreuses discriminations dans notre société dès lors que les personnes s’en écartent.
Quelques chiffres à l’échelle mondiale, publiés par Oxfam en 2020, illustrent avec effroi cette réalité :
- Les femmes effectuent 12,5 milliards d’heures de travail de soin non rémunéré par jour. À un salaire minimum, cela représenterait une contribution à l’économie mondiale d’au moins 10 800 milliards de dollars par an, soit plus de trois fois la valeur du secteur mondial de la technologie ;
- Dans le monde, 42 % des femmes ne peuvent accéder à un emploi rémunéré du fait de leurs responsabilités en matière de travail de soin non rémunéré.
Défendre un autre modèle de société
L’exploitation du travail du care est donc structurellement élaborée pour remplir des objectifs précis, selon une vision unilatérale et stratégique. Ainsi, la revalorisation et la répartition plus égalitaire de ce type de tâches, qu’elles soient rémunérées ou non, doivent nécessairement s’intégrer dans une perspective de changement de paradigme. Car le modèle actuel n’est pas viable ! Rappelons-nous que le jour où les femmes décideront de s’arrêter, le monde s’arrêtera. En cela, comprenons bien le capitalisme (et ses partisan·e·s) qui peinent à se rendre compte que l’essentiel n’a pas de prix. Que leur programme mortifère repose sur des secteurs, des personnes, des femmes à bout de souffle, méprisé·e·s, précarisé·e·s et isolé·e·s, qui finiront/finissent par s’écrouler. À l’heure de la prise de conscience, pour laquelle nous nous battons chaque jour, peut-être qu’enfin, un modèle basé sur la vraie valeur de l’humanité, le soin aux autres, pourra émerger.