Depuis quelques années, l’extrême droite gagne du terrain en Europe. Cela se traduit par l’élargissement tant de sa base électorale que de sa présence médiatique. Ce phénomène est lié à une stratégie efficace de lissage de son discours, qui s’illustre, notamment, par son instrumentalisation de certaines luttes sociales. Mais ne nous laissons par berner, ces partis n’ont rien de solidaire ni de féministe…

Des méthodes douteuses pour capter un électorat féminin

La modification progressive de l’image de l’extrême droite auprès du public est le fruit de plusieurs méthodes, dont le rajeunissement et la féminisation de leurs figures politiques. Leur cible : un électorat masculin, jeune et peu diplômé, mais pas que… Pour ces partis rêvant de gouverner, la conquête de l’électorat féminin, qui pendant longtemps ne leur a pas accordé ses faveurs, est pratiquement indispensable.

Et quoi de mieux que de surfer sur la vague du mouvement #MeToo pour tenter de grappiller un maximum de votes ? Pour s’insérer dans le débat, ces mouvements vont fonder leur argumentaire autour d’une idée centrale, défendre la « femme blanche européenne » de l’ennemi numéro 1 de la nation : « l’immigré violeur », très souvent musulman, qui symbolise, à lui seul, les violences perpétrées à l’égard des femmes. De ce raisonnement émane un discours plus global, opposant la civilisation occidentale, laïque et émancipée au monde arabo-musulman patriarcal, intégriste et archaïque. La supériorité du peuple blanc et européen est revendiquée face à des hommes étrangers nécessairement fanatiques et violents qui ne partagent pas « nos » valeurs et dont les femmes sont des victimes. Comme si l’égalité était atteinte « chez nous »…

Ce « fémonationalisme » [1], comme le nomme la sociologue anglaise Sara R. Farris, n’est donc qu’un prétexte idéal pour jouer sur le sentiment d’insécurité de la population, rejeter l’islam et alimenter/renforcer cet antagonisme entre le « nous », le bien, l’acceptable, le modèle à suivre et les « autres » . Si ces partis adoptent de tels discours, c’est évidemment qu’ils ont quelque chose à y gagner, et cela n’a rien de réjouissant…

Leur vrai visage

Dans les faits, l’extrême droite n’a jamais défendu les droits des femmes. Au contraire, ces partis fondent leur argumentaire sur l’inégalité immuable entre les peuples, les cultures, les races[2], les civilisations… et entre les femmes et les hommes. Leur projet politique est clair : revenir au modèle traditionnel de la famille nucléaire hétérosexuelle. Dans ce cadre, chacun·e a un rôle bien établi à jouer. Les femmes sont uniquement perçues comme complémentaires et dépendantes des hommes. Leur devoir premier est de procréer pour assurer le maintien de la nation. Celles-ci doivent donc se conformer à un modèle unique où elles agissent uniquement dans la sphère privée en tant qu’épouse et mère de famille et sont en charge de l’éducation, de la transmission des valeurs. La famille, elle, est considérée comme valeur de base de la nation placée sous l’autorité, soi-disant « naturelle », du père. Cette famille doit être nombreuse, blanche et organisée autour d’un couple composé d’une femme et d’un homme, idéalement uni·e·s par les liens du mariage. Pour l’extrême droite, le féminisme, qui prône l’émancipation des femmes face à tous ces carcans, représente donc plutôt un danger. C’est d’ailleurs pour cette raison que les figures principales de ces mouvements accusent aujourd’hui les militant·e·s progressistes de « wokisme », l’objectif étant de les discréditer et de polariser davantage l’opinion publique en leur faveur.

Les mouvements féministes, porteurs d’espoir face aux extrémismes

Les droits des femmes ne seront jamais acquis et ça, les mouvements féministes en sont bien conscients. L’extrême droite a toujours représenté une menace. Elle met en péril l’ensemble de la démocratie, et d’autant plus les avancées obtenues par les femmes et les minorités de genre. Mais aujourd’hui, pour contrer ce conservatisme, les femmes du monde entier parviennent à se soutenir, à s’entraider, la lutte est mondiale. On pensera, par exemple, au mouvement « Ni Una Menos », en Argentine, qui a commencé par lutter contre les féminicides et les violences faites aux femmes et qui, progressivement, est devenu un mouvement de masse dans les pays d’Amérique du Sud et centrale et même en Europe.

Ces militant·e·s ont conscience qu’il faut inclure toutes les femmes – dont les femmes les plus impactées par les violences patriarcales ( Femmes « racisées », femmes migrantes, femmes transgenres…) – dans leur lutte. Mais aussi que leur argumentaire doit lier antiracisme, antifascisme et anticapitalisme afin de proposer de véritables alternatives dans la façon de faire société. C’est en cela que ces mouvements agissent en tant que remparts face aux discours de l’extrême droite. Ce sont eux qui nous montrent qu’un monde meilleur et égalitaire est envisageable. Et cette lueur d’espoir est une arme redoutable face à l’obscurantisme des extrémismes.

[1] Ensemble des discours qui appellent à des mesures xénophobes et/ou islamophobes pour garantir l’égalité de genre, dans une société occidentale où l’état est présenté comme irréprochable sur la question.

[2] Aujourd’hui, certains milieux militants se revendiquent en tant que « groupe racisé » (réappropriation du terme) afi n de visibiliser les discriminations dont elles·ils sont victimes dans la société sur base de cette supposée « race », qui, elles, sont bien réelles et ne peuvent être passées sous silence.

Auteur
AuteurFlorence Vierendeel