D’un système éducatif performant à un « scolasticide »

Malgré des décennies d’occupation et 17 ans de blocus de la bande de Gaza, la population palestinienne, tant à Gaza qu’en Cisjordanie, possède l’un des niveaux d’alphabétisation les plus élevés du monde arabe. Selon le Bureau central palestinien des statistiques, les niveaux d’alphabétisation étaient proches de 98 % en septembre 2023, similaires à ceux des pays riches du Golfe. Compte tenu du taux de chômage très élevé des jeunes, en particulier dans la bande de Gaza, les Palestinien·ne·s ont toujours investi massivement dans l’éducation de leurs enfants.
Avant la guerre, on dénombrait plus de 800 écoles et 17 établissements d’enseignement supérieur à Gaza, dont au moins 6 universités. Aujourd’hui, au moins 88 % d’entre eux ont été endommagés ou complètement détruits. Les bâtiments restants abritent des milliers de personnes déplacées en quête de refuge. Dans les écoles encore debout, des réfugié·e·s désespéré·e·s utilisent les chaises et les bancs en bois pour allumer des feux pour cuisiner.
Selon un rapport de l’UNESCO, l’infrastructure éducative de Gaza était déjà sous pression avant la guerre. Les écoles limitaient déjà l’accès des élèves aux classes à 4 heures par jour seulement afin de les répartir en deux groupes (matin et après-midi) pour pouvoir répondre à la demande. On comprend facilement que même dans l’espoir d’un cessez-le-feu, la tâche de reconstruction du système éducatif de Gaza, base de tout développement futur, est gigantesque.
Alors qu’Israël cherche à faire croire qu’il ne cible que les bâtiments qui abriteraient des membres du Hamas, de nombreuses∙eux observatrices∙teurs dénoncent le démantèlement systémique du système éducatif gazaoui comme étant une politique israélienne délibérée qui conduira au « dé-développement » du territoire. L’ONU parle même de « scolasticide». Ce terme fait référence à l’anéantissement systémique de l’éducation par l’arrestation, la détention ou l’assassinat d’enseignant∙e∙s, d’étudiant∙e∙s et de membres du personnel éducatif, ainsi que par la destruction des infrastructures éducatives.

Des conséquences psychosociales dramatiques pour les jeunes

Pour les quelque 625.000 enfants de la bande de Gaza dont l’éducation a été interrompue, il n’y a aucun espoir réaliste que l’école reprenne bientôt. Pour les survivant·e·s, cette interruption dans leur formation scolaire jettera une ombre sur leur avenir, s’ajoutant aux nombreux traumatismes de la guerre. Pour les jeunes de Gaza (environ 65 % de la population a moins de 24 ans), le retour à l’école sera l’un des plus grands défis auxquels elles∙ils seront confronté∙e∙s dès la fin de l’offensive israélienne.

La société civile palestinienne se mobilise

Sur place, en particulier à Gaza, la société civile ne reste pas passive, mais s’organise pour restaurer un peu de dignité à sa jeunesse. Solsoc, notamment, collabore avec deux organisations palestiniennes actives en Cisjordanie et à Gaza : MA’AN Development Center et le Popular Art Center (PAC). En plus des activités d’aide humanitaire (fourniture de kit d’hygiène, de repas, aménagement de sanitaires, etc.), ces organisations travaillent avec une centaine d’animatrices et d’animateurs communautaires qui se mobilisent pour organiser des activités psychosociales à destination des enfants et des jeunes dans les camps de réfugié∙e∙s à Gaza.

Une mobilisation internationale des étudiant·e·s, de New York à Paris

Dans l’Université de Columbia, comme à Sciences Po Paris, de nombreuses∙eux étudiant·e·s dénoncent le scolasticide en cours à Gaza, et en particulier la destruction de toutes les universités. Elles∙ils exigent de leurs universités qu’elles rompent leurs liens avec leurs homologues israéliennes et avec tout financement israélien.

Ce mouvement a pris de l’ampleur, on répertorie plus de 300 mouvements étudiants de soutien à la Palestine à travers le monde, y compris dans les universités belges. Ces mobilisations ont été violemment réprimées à New York comme à Paris. Pourtant, elles nous rappellent que nos États occidentaux ont regardé passivement pendant des dizaines d’années Israël bafouer allègrement le droit international en toute impunité, ce qui nous rend complices de ce qui se passe actuellement. Il est de notre responsabilité collective de tout faire pour arrêter le gouvernement israélien et d’ensuite soutenir la société palestinienne et gazaouie pour reconstruire une société démocratique et leur système éducatif.

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AutriceSolsoc