Qu’elles·ils vivent en tiny house (toute petite maison tractable) ou en habitat partagé, 5 personnes nous parlent de leur façon « d’habiter autrement ».
MYRIAM, GENEVIÈVE ET JEAN-LUC, résident∙e∙s du Pass’age, un habitat groupé à Soignies
Myriam : On cherchait à mettre en place avec plusieurs couples un habitat groupé pour nos vieux jours, faire « une coloc de vieux ». Faire un habitat groupé correspondait à nos envies. C’était très dynamisant de se relancer dans un projet à cet âge-là. On a fait une offre d’achat à deux couples sur la maison et puis on a commencé à chercher d’autres personnes pour nous rejoindre dans l’aventure. En mai 2014, on était au complet lorsque l’on a signé l’acte de base de l’habitat groupé et commencé les travaux. Les premiers habitants ont emménagé en 2016. On est toutes et tous propriétaire de notre appartement et co-propriétaire des espaces communs. Il y a une charte à respecter.
Geneviève : L’habitat partagé devait être pratique, pas dans un environnement bucolique mais plutôt en ville avec des magasins. On est aussi près de la gare…On peut presque tout faire à pied.On est très divers au point de vue talents, et le mari de Myriam avait une certaine expertise sur les matières juridiques. Heureusement ! Car pour créer un projet d’habitat groupé il ne faut pas être juste idéaliste, il faut avoir les pieds sur terre. Il faut aussi un projet, un esprit, une philosophie.
Myriam : On doit pouvoir être sensibles aux valeurs de solidarité, d’entraide, de partage. Il faut pas venir dans un habitat groupé si c’est pour rester seul dans son coin. Il faut être prêt à partager car sinon… ça risque d’être compliqué.
Jean-Luc : Il faut être ouvert. Je me souviens que le notaire nous a dit que seulement un projet sur 10 d’habitat groupé finissait par voir le jour. Il y a beaucoup de gens qui se mettent en route mais c’est lourd à mettre en marche.
Myriam : Notre slogan ? « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ! » C’est une aventure humaine avant tout ! On a pleins d’idéaux lorsqu’on se lance dans ce type de projet puis on se confronte à la réalité. Ce qu’on pensait être évident, ne l’est absolument pas pour l’autre ! On a du ajuster nos évidences, apprendre à parler à s’écouter, à décider (car il y a pleins de décisions à prendre). Malgré les difficultés, on tire énormément de richesse de ce lieu de partage. On rencontre des gens, on fait des choses ensemble que l’on ne saurait faire seul. On a par exemple accueilli une famille d’ukrainiens, organisé la fête des voisins…
On fait une activité ensemble tous les 15 jours, une réunion et une journée travaux une fois par mois. Un week-end par an, on part pour aborder des sujets plus complexes. On a aussi d’autres moments plus informels par exemple, lorsque l’on invite nos familles. On n’a pas un vrai projet d’habitat groupé, on fait plutôt des projets ponctuels.
Geneviève : Toutes ces activités représentent un engagement de la part des habitant·e·s. On programme le calendrier ensemble et on s’y tient. Le groupe a déjà construit un rallongement de la serre, un hangar, un abri vélo… ce qui est bien, c’est qu’on ne doit pas s’enfermer dans un rôle, on n’a pas une fonction attitrée au sein de la maison. On peut demander un coup de main à nos voisins. Il y a beaucoup de fluidité entre nous et on peut s’interpeller. C’est notre maison, on en prend soin.
Jean-Luc : Chaque personne emmène des choses différentes.
Geneviève : Il y a quelques années, j’avais demandé une photo avec l’ensemble des habitant·e·s. J’ai cette photo chez moi et souvent le matin, j’ai une pensée pour chacun·e. Je me sens liée à toutes et à tous, même si elles·ils n’ont pas la même place dans mon coeur.
CAROLE, qui vit dans une tiny house
J’ai choisi de vivre en Tiny House car je ne voulais pas louer toute ma vie et que je souhaitais acheter seule mon bien, sans dépendre d’une banque. Ce projet cochait toutes les cases. J’aime l’idée de pouvoir me déplacer avec ma maison car je voyage beaucoup ! C’est aussi un projet cohérent avec mes valeurs écologiques.
Au début, je ne savais pas trop par où commencer. Mon père qui est menuisier m’a beaucoup aidé dans la construction de la Tiny House. Moi j’ai fait les recherches, les plans, l’achat du matériel… Le projet m’a coûté environ 35 000 euros et la construction m’a pris 8 mois. Ma Tiny House fait un peu plus de 12 m². Beaucoup de gens me demandent comment je fais pour vivre dans un espace aussi petit. Ca ne m’a jamais dérangé personnellement ! J’ai une vue sur toutes mes affaires, je me débarrasse donc du superflu pour ne conserver que l’essentiel ! C’est important d’être organisée et que chaque chose soit à sa place. La maison est bien aménagée, il n’y a pas d’espaces perdus. Il y a plein de fenêtres, je ne me sens donc pas étouffée. Je suis au contraire en contact permanent avec la nature. J’ai une qualité de vie incroyable car ma maison est posée dans un très bel environnement !
SALOMÉ, habitante et porte-parole de Pass-ages à Forest*
Pass-ages est un mouvement citoyen, un projet collectif composé d’une maison de naissance et d’une maison de mourance au sein d’un habitat groupé intergénérationnel et socialement mixte. L’idée a commencé à germer en 2008 et après un long processus, Pass-ages a ouvert ses portes en novembre 2021, à Forest, Bruxelles.
Le but est de recréer du lien et de la solidarité entre citoyen·ne·s, entre voisin·e·s. Et en particulier lors de ces deux «passages » : la naissance, et ce qu’on appelle la mourance ; c’est-à-dire ce qu’il y a à vivre avant de mourir, dès lors que la mort est annoncée ou pressentie. On veut ramener ces moments singuliers au coeur de la vie. Que les personnes et les familles ne soient pas au contact seulement de soignant·e·s, mais puissent aussi être entourées de personnes comme vous et moi, à la façon d’un village, d’un cocon.
La maison de naissance comporte trois chambres dont deux sont à ce jour réservées aux accouchements, la maison de mourance peut accueillir deux personnes, et leurs familles. Et autour gravitent les habitant·e·s de dix appartements, de tous âges et toutes origines sociale, qui s’impliquent aussi bien dans les tâches quotidiennes, pour soulager les familles, que dans des moments de présence, de partage. C’est selon les disponibilités, et ça représente entre 5 et 20h de bénévolat par semaine je dirais. Pour moi c’est un projet engagé, ça me permet de me sentir alignée avec mes valeurs. Et puis ça crée de très beaux moments de vie, des rencontres improbables, entre des personnes qui ne se seraient jamais croisées autrement. Ça donne de l’énergie.
Et puis le projet est vraiment ancré dans le quartier, on organise des activités ouvertes à tou·te·s, des ateliers sur la naissance et la mourance bien sûr, mais aussi des moments conviviaux autour d’un repas ou d’un apéro, de la méditation… la vie quoi !
*le porte-parolat est organisé de façon rotative
En savoir + sur le projet collectif Pass-ages (Bruxelles – Forest)