Dans la rue, au sein du noyau familial, dans le monde professionnel… partout, depuis la nuit des temps, les femmes sont victimes de discriminations, de harcèlement, d’agressions misogynes, sexistes, ou encore de violences sexuelles. Mais qu’en est-il du milieu sportif ?
Ces dernières années, plusieurs scandales de violences sexuelles dans le sport ont vu le jour. En 2017, Sarah Abitbol, championne française de patinage, a brisé son silence après 30 ans : elle a subi des viols de la part de son entraîneur pendant plusieurs années alors qu’elle était mineure. La même année, aux États-Unis, Larry Nassar, le médecin de l’équipe nationale de gymnastique féminine, est accusé d’abus sexuels sur mineures. Ses victimes sont au nombre de 265… Plus récemment, le 27 juillet 2020, au journal télévisé de la RTBF, Aagje Vanwallenghem, gymnaste belge dans les années 2000, explique avoir été victime de violences psychologiques de la part de son coach de l’époque. Une autre gymnaste déclare avoir subi du harcèlement et des actes d’intimidation de la part de la Fédération flamande. Mais ces comportements se produisent-ils surtout dans le sport de haut niveau ? Loin de là…
L’histoire de Lisa [1]
Lisa est joueuse de basket dans un club amateur en Belgique. À son arrivée dans l’équipe, elle a été approché par le Président du club qui lui a proposé de la rajouter sur la page Facebook du club. Ne se doutant de rien, elle a accepté. Il s’en est suivi deux semaines de harcèlement en ligne. Tous les jours, il lui envoyait des messages déplacés. Il était également présent à tous les entraînements. « J’étais paniquée, angoissée. J’avais peur de dire quelque chose qui allait le fâcher et qui aurait pu rayer mon inscription au club », témoigne-t-elle. Deux semaines plus tard, et après avoir envoyé plusieurs signaux afin qu’il arrête, Lisa l’a bloqué. Il a continué à lui envoyer des messages pendant un mois, sans qu’elle ne réponde.
Quelques mois après les faits, une coéquipière de Lisa lui confie avoir été approchée par le Président. Lisa lui raconte son histoire… Une réunion d’équipe a lieu. En réalité et à la stupéfaction de certain·e·s, elles sont six à avoir été abordées ! Il aurait été jusqu’à demander à l’une des joueuses de prendre des photos dans les vestiaires et de les lui envoyer…
Le sport est-il un milieu qui favorise ce genre de comportements ?
Une étude réalisée en Belgique et aux Pays-Bas avec un échantillon de 4.000 sportives.ifs a démontré qu’avant ses 18 ans, un.e sportive·if sur sept subit des agressions sexuelles ou des viols. Les filles sont majoritaires (17% contre 10% pour les garçons) . Plusieurs facteurs favorisent les actes criminels dans le milieu sportif : les positions hiérarchiques entre les joueuses·eurs et d’autres membres du club (instances, personnel médical, entraineuses·eurs…), l’habitude de la souffrance, la culture de l’obéissance et de la soumission, la pression des membres de la famille, le rêve de gloire à laquelle s’ajoute la honte des actes subis… Comme nous pouvons le constater dans les affaires qui ont vu le jour, la grande majorité des agresseurs [2] sont plus âgés que leurs victimes et bénéficient d’un statut ; ils sont leur supérieur hiérarchique dans une structure. Ils sont parfois également des personnages sympathiques, des pères de famille, qui n’éveillent aucun soupçon. Les victimes ont peur de les freiner ou de les dénoncer par crainte de ne pas être crues ou qu’ils ne leur mettent des bâtons dans les roues. Le silence ne se brise parfois jamais et les agresseurs continuent d’opérer en toute impunité. « Je remettais la responsabilité sur mes épaules, me disant que s’il avait ce comportement avec moi, c’est que j’étais trop sympathique avec lui. Je me disais que ce n’était pas si grave que ça, mais en réalité cette histoire m’a mise à rude épreuve émotionnellement et j’en ai souffert », nous confie Lisa.
Équipe féminine, une approche différente
Billy [3] a entraîné plusieurs équipes sportives, parmi elles, trois équipes féminines. Il nous explique qu’à plusieurs reprises il a reçu des remarques déplacées d’autres entraîneurs : « Dis donc, c’est une équipe harem que tu as là ». Lors d’un match, un arbitre lui a même dit à propos d’une de ses joueuses « C’est une cochonne celle-là ». Il s’en est plaint et a lui-même reçu une sanction. Pour Billy, coacher une équipe de femmes est quelque chose de très différent que de coacher une équipe d’hommes, jeunes ou adultes. Chaque public nécessite une approche différente. « Quand tu montres à tes joueuses.eurs comment jouer en défense, le contact est parfois inévitable. Ce que je faisais, c’est demander au préalable aux filles si elles étaient d’accord et bien évidemment j’évitais de toucher certaines parties du corps ». Être entraîneur d’une équipe de femmes, c’est croire en elles, en leurs capacités et avant tout les respecter.
Une prise de conscience collective
Pour lutter contre ce fléau, la meilleure piste est la prise de conscience collective. Durant toutes les années où il a entraîné, Billy n’a reçu aucune formation à ce sujet. Ses joueuses·eurs non plus n’ont pas été sensibilisé·e·s… La protection des potentielles victimes doit se faire en amont. Il faut prévenir afin d’éviter de réparer des choses qui sont irréparables dans beaucoup de cas. Comment ? Par l’éducation. En sensibilisant et en informant autant les garçons que les jeunes filles, autant les femmes que les hommes, sur les différentes formes de violences et sur la notion de consentement. Et cette éducation doit se faire tant à la maison qu’au niveau institutionnel : dans les écoles, les clubs sportifs, les centres de loisirs. Il faut fournir les outils nécessaires afin qu’on puisse distinguer la drague du harcèlement, les rapports sexuels consensuels des rapports non désirés. Il faut inculquer le respect d’autrui et celui des femmes tant dans la rue qu’au sein du noyau familial, en passant par le monde professionnel ou sportif. Sensibilisons nos filles, éduquons nos frères, nos collègues, nos coéquipières et coéquipiers. La balle est dans notre camp !
Que faire si cela vous arrive ?
Selon une étude menée par Plan International auprès de 700 jeunes âgé.e.s de 15 à 24 ans à Anvers, Bruxelles et Charleroi, il ressort que 91% des filles ont été victimes de harcèlement sexiste. Seulement 6% d’entre elles se confient à un.e enseignant.e ou prennent contact avec la police [4]. Violaine Alonso, avocate au barreau de Bruxelles et membre de Fem&L.A.W., une organisation composée de juristes féministes qui vise à promouvoir les droits des femmes, nous donne quelques conseils dans l’éventualité où vous souhaitez porter plainte :
- En cas de harcèlement, il est important de garder un maximum de preuves, car c’est souvent ce qui manque lorsque l’on souhaite porter plainte : sms, captures d’écran, etc.
- N’hésitez pas à dire à la personne que son comportement est déplacé et lui demander d’arrêter. Si elle continue, vous pouvez en parler à une personne de confiance (cela pourra être le cas échéant utilisé comme une preuve par la suite).
- Vous pouvez également en informer le CA du club et la fédération en récoltant par exemple plusieurs témoignages.
- En cas de violences sexuelles, il est conseillé de vous rendre rapidement chez un médecin (ou à l’hôpital) afin qu’il puisse collecter des preuves matérielles.… Le timing de la réaction est également important. Il ne faut pas prendre trop de temps avant de réagir, certains crimes sont d’ailleurs prescrits après un certain nombre d’années.
POUR ALLER PLUS LOIN :
DÉFENSE DES ENFANTS INTERNATIONAL (DEI) « Pour des Activités Récréatives dans un Cadre Sûr», S.D, https://lstu.fr/yuaz4gv4
RTBF , « Violences sexuelles dans le sport, l’enquête », #Investigation, 13 mai 2020, https://lstu.fr/1H9njqqg.
[1] Nom d’emprunt.
[2] Note de la rédaction : Nous avons fait le choix de ne pas utiliser l’écriture inclusive lorsque nous parlons “d’agresseurs” afin de visibiliser le côté systémique des violences faites aux femmes.
[3] Nom d’emprunt.