
On entend de plus en plus parler, dans les milieux féministes, du masculinisme. Mais, au fond, qu’est-ce que c’est ? Qui sont les personnes qui composent ce mouvement ? Pourquoi est-il important de s’y intéresser ? Cet article va tenter de répondre à ces questions.
Un concept ancien
Il n’existe pas de définition unique du masculinisme, car il peut prendre de nombreuses formes et varier selon les époques et les régions du monde. Leur point commun est de s’accorder sur l’idée que la masculinité serait en crise, principalement à cause du féminisme qui va « trop loin ». De fait, chaque avancée féministe connait un « backlash », un retour de bâton. Par exemple, depuis l’émergence du mouvement mondial #MeToo, un antiféminisme décomplexé s’est imposé, notamment dans l’espace médiatique. En effet, un rapport démontre que 37 % des hommes interrogés considèrent que le féminisme menace la place et le rôle des hommes dans la société.
Les idées véhiculées par le masculinisme ne sont pas du tout nouvelles, mais il est intéressant de constater que leur expansion va de pair avec celle d’Internet. En effet, l’influence du masculinisme est croissante depuis les années 2010, via l’essor du web, mais aussi des réseaux sociaux. Ce qui est d’autant plus inquiétant puisqu’Instagram, TikTok ou encore Snapchat ciblent un public parfois très jeune.
Autrefois cantonnées à des forums obscurs, ces pensées se trouvent désormais très facilement sur les réseaux sociaux, dans des podcasts ou via de simples recherches Google. Ces échanges génèrent beaucoup de commentaires, ce qui leur permet d’arriver dans les fils d’actualité de tout le monde.
Des masculinistes aux profils variés
Ce qu’on voit le plus en ligne, c’est avant tout les autoproclamés coachs en séduction. Ceux-ci [1] vont prétendre aider les hommes en perte de repères sur le plan affectif et donner tout un tas d’astuces pour « séduire ». Plus on plonge dans ces coachings, plus on tombe sur des conseils dangereux. Par exemple : « comment altérer le consentement d’une femme », « comment rendre follement amoureuse une femme en étant violent avec », etc. Ces contenus et la manière de les présenter attirent les jeunes et constituent dès lors un business particulièrement lucratif.
Enfin, au-delà des personnalités médiatiques et influenceurs, la majorité de la manosphère [2] est constituée d’utilisateurs lambda. De fait, il a été observé que des communautés en ligne n’hésitaient pas à perpétrer des mécanismes masculinistes : harcèlement en meute, propos dégradants, sexistes, menaces de mort, de viol, etc.
C’est l’aspect le plus dangereux des idées masculinistes : elles traversent toutes les classes sociales, toutes les tranches d’âges, tous les milieux sociaux. Comme l’explique l’anthropologue Mélanie Gourarier, « le risque serait d’appréhender le phénomène comme limité à certains milieux, alors qu’il représente une pensée majoritaire et que ses valeurs restent très présentes dans la société ».
Des solutions pour lutter contre
Le masculinisme est donc une réelle problématique sociétale sur laquelle il est important de se pencher. Ce mouvement peut avoir des conséquences profondément néfastes sur les femmes, tant dans la « vraie » vie qu’en ligne.
D’où l’importance de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Elle a comme objectif d’informer sur les stéréotypes de genre, la lutte contre les violences, le respect de soi et des autres, etc. Ces thématiques doivent être une priorité d’apprentissage dès le plus jeune âge. Parallèlement à l’éducation aux médias, il s’agit d’un levier pour développer son esprit critique, identifier et se prémunir des discours sexistes et antiféministes omniprésents sur les réseaux sociaux. Enfin, certain·e·s influenceuses·eurs utilisent leur notoriété pour déconstruire le discours masculiniste, tout n’est donc pas à jeter sur Internet.
Cet article est extrait de l’analyse Soralia 2024 « Pourquoi le masculinisme devrait tou·te·s nous inquiéter », rédigée par Margot Foubert et disponible sur notre site : www.soralia.be/accueil/ analyse-2024-pourqoi-les-masculinistes-devraientnous- inquieter
[1] Dans cet article, le parti pris est de genrer au masculin les masculinistes. Il est cependant intéressant de noter que certaines femmes s’approprient également ces discours (par exemple, le mouvement des TradWives). Cependant, bien que ces femmes prônent des valeurs particulièrement rétrogrades et une division genrée des rôles, elles n’appellent pas à la violence ou à la haine comme peuvent le faire les masculinistes.
[2] Selon le Musée canadien pour les droits des personnes, « La « manosphère » désigne une grande variété de groupes d’hommes actifs sur Internet et hors ligne. Nombre d’entre eux se décrivent comme luttant contre les idées progressistes (ou « woke ») sur l’égalité des sexes et des genres. » Pour en savoir plus.