Voici une façon singulière de se présenter qui inciterait la plupart des adultes inconsciemment drillé-e-s à la reconnaissance sexuée, à demander : « Oui mais… es-tu une fille ou un garçon ? » Et l’enfant de répondre : « Mon sexe n’est pas mon genre, mon intimité ne regarde que moi ! » Alors que la cour constitutionnelle envisageait ce 19 juin 2019 de revoir la « loi transgenre » [1] (afin de permettre à l’adulte de se faire inscrire ni homme, ni femme sur les actes de l’état civil et dans le registre de la population), plongeons-nous dans le droit à l’autodétermination en matière de genres chez les plus jeunes.

Au sens des articles 6 et 12 du Décret Missions (qui définit les principes de l’enseignement fondamental), l’enseignement maternel doit permettre à l’enfant de prendre conscience de sa propre identité de genre et favoriser l’expression de celle-ci. Pour cela, l’enfant doit oser exprimer ses gouts, ses besoins, se révéler aux autres dans le respect mutuel et sans injonction liée à son « sexe ». Quels sont les outils censés lui permettre de prendre conscience de sa propre identité de genre, son unicité ? Que faut-il attendre des albums de jeunesse qui ont pour ambition de déconstruire des stéréotypes sans même oser aborder le thème des genres autrement qu’en faisant référence à l’assignation sexuée garçon/ fille ? Même s’il est répété que le rose et le bleu, c’est chou vert et vert chou, que tout le monde peut faire du repassage ou du foot, entre « pouvoir jouer à » et « exprimer qui je suis vraiment », il reste un fossé ! Si l’on convient que tout enfant peut porter un pantalon, en est-il de même pour le maquillage, la jupe ou la robe ? Pas si sûre… Tou-te-s les enseignant-e-s le diront  : les enfants devraient pouvoir émettre leurs ressentis, aussi particuliers soient-ils. Or, elles/ils ne peuvent utiliser que les moyens mis à leur disposition  : le féminin et le masculin, la sexuation garçon/fille. Sans même leur proposer de nuances, sans oser imaginer le monde des genres au-delà de la binarité, non seulement nous entravons leur développement personnel mais nous privons notre société d’idées créatrices et enrichissantes.

NI FILLES, NI GARÇONS

L’assignation à un genre fait de plus en plus débat, notamment chez les jeunes. Un article dans le Nouvel Obs du 27 mars 2019 titrait : « Ni fille, ni garçon, la révolution du genre ». Sur les réseaux sociaux, des adolescent[1]e-s se regroupent, élaborent de nouveaux codes vestimentaires et expérimentent de nouveaux pronoms : iel, ul… Certain-e-s envisagent la transidentité, d’autres cherchent juste une forme d’émancipation face à ce qu’elles/ils considèrent n’être que des convenances obsolètes. Revendications, révoltes, fiertés contre étonnements, méconnaissances et dénis. Le déterminisme des un-e-s contre celui des autres mène souvent à des situations dramatiques. Alors, faut-il attendre que l’enfant apprenne le mot « transgenre » pour pouvoir prétendre à l’autodétermination et l’émancipation ? Est-il besoin de changer de sexe sur sa carte d’identité pour avoir le droit de porter une jupe ou une robe lorsque l’on n’a pas été assigné-e fille à la naissance ? Autrement dit, notre enseignement est-il capable de faire fi des convenances pour répondre à une demande grandissante ? La Charte de la Ligue des Droits de l’Enfant, qui vient d’être publiée sur son site , nous propose de nous engager, parents, enseignant-e-s et enfants à respecter la diversité LGBTQI+ au sein des écoles maternelles et primaires. Elle fait suite à l’appel du délégué aux droits de l’enfant du 21 novembre 2018, à tous les établissements scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tous réseaux confondus. Le thème de la transidentité chez l’enfant, encore souvent vu comme un tabou, s’invite également dans les nouveaux programmes de maternelle  : les activités à visée philosophique et citoyenne comprennent désormais la distinction entre notion d’identité de genre et d’identité sexuée. Tous ces outils devraient permettre à tous les enfants bientôt d’exprimer :

MON SEXE N’EST PAS MON GENRE, MON INTIMITÉ NE REGARDE QUE MOI.

[1] Une personne transgenre est une personne qui a une identité de genre différente de celle qu’on lui a assignée à la naissance. La loi transgenre du 25 juin 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, prévoit que les personnes transgenres ne sont plus obligées de subir un changement de sexe médical pour pouvoir adapter leurs papiers d’identité.

Emmanuelle CloquetteAutrice