La crise mondiale inédite que nous traversons est sanitaire mais aussi économique et sociale : elle a conduit à une aggravation des inégalités structurelles, frappant encore plus durement les femmes. A cela s’ajoute une crise climatique, aux conséquences dramatiques, qui touche surtout les personnes les plus vulnérables. Ce contexte nous offre un momentum pour agir en alliant la justice sociale, fiscale et climatique.
En effet, face aux conséquences inégales de cette crise multidimensionnelle, il est urgent de mobiliser des moyens nécessaires. Or, des milliards d’euros d’impôts disparaissent dans des paradis fiscaux et privent les pays de ressources essentielles. Selon le rapport du Tax Justice Network, sur les 427 milliards de pertes fiscales annuelles, « quelque 245 milliards correspondent à des bénéfices transférés dans des paradis fiscaux par des sociétés multinationales afin d’alléger le montant des bénéfices déclarés dans les pays où elles exercent des activités, et ainsi payer moins d’impôts que ce qu’elles devraient ». Les femmes paient un plus lourd tribut de cette évasion fiscale : elles ont plus de risque de vivre dans la pauvreté que les hommes ; elles sont payées moins et travaillent plus d’heures ; elles souffrent le plus de la crise sanitaire, économique et sociale actuelle (leurs emplois étant plus précaires et dépendant principalement des secteurs les plus touchés).
Agir en faveur des droits des femmes
Or, la lutte contre l’évasion fiscale permettrait de financer, grâce à une mobilisation de ressources domestiques suffisantes, les dépenses nécessaires pour garantir un accès à toutes et tous à des soins de santé de qualité, à l’éducation ou d’autres services essentiels, et renforcer les services publics de soutien aux femmes pour répondre aux besoins de réduire et redistribuer les soins non rémunérés. Comme le souligne la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement , il est nécessaire de s’assurer d’une meilleure reprise à moyen et long terme, afin de « garantir que le fardeau de toute crise future ne continue pas à être supporté de manière disproportionnée par les femmes ». Les phénomènes climatiques extrêmes de l’été 2021 nous rappellent aussi l’urgence de mobiliser ces recettes fiscales afin de garantir les actions nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable.
Une solution : régir la fiscalité des multinationales
Il faut cependant bien le reconnaître : du travail reste encore à faire pour nous doter de tous les outils qui permettent une réelle justice fiscale. Et pourtant, des solutions existent, comme celles liées à la mise en place de règles pour régir la fiscalité des multinationales. C’est au niveau de l’Oranisation de coopération et développement économiques (OCDE) que des négociations sont menées depuis plusieurs années déjà. Un accord a été finalisé début octobre [1] afin de contribuer à mettre fin aux multiples méthodes d’érosion de la base imposable via les transferts de profits [2]. Il devrait maintenant être suivi de la négociation d’un traité international pour aboutir à la mise en place d’une imposition minimale (15%) sur les profits à l’étranger et de la taxation unitaire [3] d’une partie des profits des cent multinationales les plus rentables . Si l’accord est un premier pas dans la bonne direction, il reste bien insuffisant par rapport à ce qui serait nécessaire. Nous vivons un moment charnière : cet accord ainsi que les plans de relance ouvrent la porte pour gérer la crise d’une autre manière qu’il y a dix ans, s’ils aboutissent à la mise en place des transformations structurelles pour un monde juste et durable.
[1] En effet, le 8 octobre 2021, des 140 membres qui constituent le « Cadre inclusif » de l’OCDE/G20, 119 pays et 17 juridictions ont approuvé l’accord. Le 13 octobre, les ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales du G20 ont approuvé cet accord lors d’une réunion à Washington. Finalement, les dirigeants du G20 ont donné leur aval lors de leur rencontre les 30 et 31 octobre à Rome.
[2] BEPS selon l’acronyme en anglais, Base erosion and profit shifting, qui est aussi le nom du projet.
[3] C’est-à-dire que les taux d’imposition seront calculés au niveau de chaque multinationale et non de chaque filiale considérée jusqu’ici comme des entités juridiques distinctes.