Dans une étude réalisée en 2017, 98 % des femmes belges interrogées déclarent avoir déjà vécu une situation de sexisme dans l’espace public. Ce chiffre démontre à quel point cette problématique est un enjeu sociétal majeur. Dans la rue, dans les transports en commun, sur un terrain de basket, en terrasse d’un café, le harcèlement a lieu partout, à toute heure de la journée et prend diverses formes. Ce phénomène nous concerne toutes et tous et illustre le système patriarcal au sein duquel nous évoluons. Mais les initiatives de lutte contre cette forme de violence se multiplient aux quatre coins du globe et la parole des femmes se délie… Une véritable prise de conscience se profilerait-elle à l’horizon ?

Vendredi soir, soirée entre ami-e-s, plusieurs s’interrogent  : «  Mais avec tout ça, comment draguer à notre époque !? » L’interpellation est récurrente  ! Et pourtant… Le harcèlement, ce n’est pas de la drague. L’inverse est vrai aussi. La drague est une forme de séduction dont l’objectif est de charmer la personne qui nous intéresse et d’aboutir à un échange mutuel et respectueux si la/le destinataire est interessé-e. Le harcèlement, à contrario, émane d’une situation où la personne exprime un refus (quelle que soit sa forme) mais où l’autre insiste. La personne à l’origine du harcèlement instaure alors un rapport inégal de pouvoir qui se traduit par un climat de peur et de frustration. Par ailleurs, l’imaginaire collectif tend à perpétuer d’autres idées reçues sur le harcèlement dans l’espace public. Les plus répandues concernent le profil «  type  » de l’agresseur et de la victime mais aussi les caractéristiques de la transgression  : le soir, dans la rue, sous forme de commentaires déplacés. Erreur ! Les agresseurs et les victimes sont, en réalité, de tous les âges, de toutes les origines, de toutes les cultures et de tous les milieux sociaux. Notons également que le harcèlement ne se résume pas qu’à des commentaires. Il peut se manifester de mille et une manières différentes  : sifflements, insultes, attouchements, frottements, exhibitionnisme… Quant à l’espace public, le terme recouvre tout lieu de passage et de rassemblement qui est à l’usage de toutes et de tous. Il s’agit tant du parc où nous nous promenons le dimanche après-midi, que de la salle de gym que nous fréquentons une fois par semaine, mais aussi du bus que nous empruntons tous les jours.

DES CONSÉQUENCES MULTIPLES

Ce type de violences n’est pas sans conséquence, surtout pour les femmes. En effet, s’il n’existe aucun profil type, les auteurs de harcèlement dans l’espace public sont majoritairement des hommes… et les victimes principales en sont les femmes. Il s’agit donc d’une forme de sexisme, qui, en Belgique, est punissable par la loi. L’ASBL Garance identifie aussi une série de conséquences qui, à grande échelle, rendent compte d’un espace public cadenassé et insécurisant. Nous citerons, par exemple, les stratégies d’évitement qui consistent à ne pas fréquenter certains lieux à certaines heures mais également à planifier à l’extrême tout déplacement ou à rester chez soi. Ce sentiment d’insécurité tend dès lors à exclure les femmes des espaces de débat et de sociabilité, en les reléguant à l’espace privé. Cette situation crée donc des inégalités basées sur le genre qui nous impactent toutes et tous.

LE SUCCÈS DU PROJET CROCODILES

Dès 2013, l’illustrateur Thomas Mathieu décide de sensibiliser le grand public au harcèlement dans l’espace public en utilisant un médium attractif  : la BD. L’artiste s’inspire de faits réels en y ajoutant une touche d’humour. Les agresseurs sont désormais assignés à la figure du crocodile. En 2014, la Fédération des Centres de Planning Familial des FPS découvre ce projet et entame une collaboration avec ce dessinateur engagé et avec l’ASBL Garance. Depuis lors, Le Petit Guide illustré du respect dans la rue (ou ailleurs) est l’une de ses brochures phares. Cet outil explique ce qu’est le harcèlement et propose des pistes d’actions concrètes aux victimes ainsi qu’aux témoins de cette forme de violence. Parce que la prévention, c’est aussi tous les jours, à toute heure et pour tout le monde !

Retour sur la loi de 2014 contre le sexisme

En 2014, la Belgique se dote d’une loi inédite qui vise à lutter contre le sexisme dans l’espace public. Désormais, « toute personne qui, par son comportement, exprime un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou [la considère] comme inférieure ou comme réduite essentiellement à sa dimension sexuelle [entraînant] une atteinte grave à sa dignité » risque une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et/ou une amende de 50 à 1000 euros. Pour qu’il y ait sanction, soit l’auteur est pris en flagrant délit par la police, soit la victime porte plainte.

Auteur
AuteurJean-Michel Vandergoten
Chargé de communication Soralia Bruxelles