Au fil du temps et encore aujourd’hui, ce sont majoritairement les femmes qui investissent – et s’investissent – le plus dans la maison. Non pas parce qu’on leur reconnait un quelconque mérite ou génie, mais bien parce qu’on les considère comme étant naturellement plus disposées que les hommes à réaliser les tâches domestiques et à s’occuper des enfants.
« Leur place est à la cuisine ! » … et puis quoi encore ?!
Avant que les femmes n’accèdent de manière plus généralisée au travail dans les usines et les manufactures en tant que salariées, le logis était surtout considéré comme le lieu de « la reproduction et l’entretien de la force de travail ». C’était l’espace où l’homme pouvait se reposer et se restaurer après sa journée de labeur, et recevoir tous les soins dont il avait besoin pour recouvrer les conditions physiques et morales nécessaires pour la journée de travail suivante. En ce qui concerne la femme, son rôle était de tenir la maison au mieux (et gratuitement) pour le bien-être de son mari et celui des enfants. Ceci explique, par exemple, pourquoi certaines pièces leur sont attitrées, comme la cuisine ou la buanderie, ou encore pourquoi le mobilier et les aménagements de ces espaces sont systématiquement réfléchis selon leur morphologie (la hauteur des placards ou des éviers par exemple).
Le modèle de la famille nucléaire, c’est fini !
Néanmoins, ce logement standardisé et conçu pour être parfaitement adapté, tant au seul modèle familial voulu à l’époque, qu’aux rôles sociaux et à la division sexuée du travail, ne l’est plus aujourd’hui.
Tout d’abord parce que les configurations et modèles familiaux ont changé : familles recomposées, parents solo, cohabitations, personnes vivant seules, etc. ; la famille nucléaire n’est clairement plus la norme.
Ensuite parce que les femmes ne veulent plus de cette image de la bonne « petite fée du logis ». Elles aussi gagnent un salaire, les hommes ne sont plus les seuls pourvoyeurs financiers. Elles réclament donc qu’ils fassent leur juste part du travail domestique et assurent la prise en charge des enfants.
Mais aussi parce que le logement, tel qu’il est pensé aujourd’hui, concourt à invisibiliser l’insécurité et la violence que certaines femmes subissent. La configuration des espaces dans la maison, l’appartement, l’immeuble ou les abords, empêchent tout simplement que cette réalité, touchant principalement les femmes, devienne une question politique à laquelle les pouvoirs publics doivent s’attaquer.
Ou encore, comme l’ont bien démontré la pandémie et les confinements, de nombreuses personnes souffrent de la solitude ou d’un manque d’aide et de soin au quotidien. Des besoins qui malheureusement augmenteront sans aucun doute vu la pénurie de personnes dans les métiers de soin, le vieillissement de la population et l’augmentation des demandes de soins.
Des logements qui tiennent compte des inégalités et des réalités de vie des femmes
Ces arguments, ajoutés au manque de logements abordables et aux discriminations au logement subies par certaines femmes, suffisent à démontrer
l’enjeu majeur que représente la question du logement. Il est donc urgent de s’y pencher si nous voulons qu’il puisse offrir les conditions nécessaires au bien-être et à la protection de toutes et tous.
La thématique du logement fait d’ailleurs partie des objectifs poursuivi par le plan bruxellois de Gender mainstreaming et d’égalité entre les femmes et les hommes. Celui-ci s’inscrit lui-même dans le Plan stratégique européen à l’horizon 2020-2025. Toutes les actions concrètes que le Gouvernement bruxellois projette d’entreprendre sur son territoire pour réduire les inégalités de genre sont donc reprises dans ce plan.
En ce qui concerne le logement, une des actions visait notamment à « développer des outils pour intégrer le genre dans l’architecture des logements publics ». C’est dans ce but qu’en 2023, un guide à destination des administrations et des institutions publiques a été réalisé. L’objectif est de les conscientiser, les former et les accompagner dans la prise en compte du genre lors de la réflexion, la construction, la restauration et l’aménagement de logements sociaux. Ce guide de l’« habitat féministe » s’inspire du projet novateur – La Borda – testé à Barcelone, dont le défi a été de transformer un bâtiment traditionnel en logement inclusif et solidaire. L’aménagement d’espaces collectifs a permis aux femmes de sortir de leur cloisonnement, mais aussi de s’investir dans une communauté où toutes peuvent s’entraider et se protéger.
À Bruxelles, le collectif Angela .D, très engagé dans la lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes précarisées en terme de logement, a également réalisé son propre guide. Grâce à son expérience en la matière, et surtout celui des femmes qui le compose, ce collectif a pu mettre ses idées à profit en co-créant le projet CALICO avec deux autres ASBL ainsi que l’aide des pouvoirs publics. Il s’agit d’un quartier vivant, rassemblant 34 appartements locatifs, privés ou sociaux mais surtout de qualité et à un prix abordable profitant à des personnes de tout âge et situation sociale. Les plus-values du projet résident certainement dans la proximité, l’entraide et le soutien qu’il crée quotidiennement entre les habitant·e·s mais aussi les associations qui les accompagnent dans différents moments de la vie.
Bref, un vrai projet communautaire et solidaire dont il faut absolument s’inspirer.