Qui sont les masculinistes ? Que revendiquent-ils ? Comment agissent-ils ? Développons un petit tour d’horizon non exhaustif du mouvement masculiniste actuel. Les masculinistes peuvent être des individus seuls ou regroupés en différentes mouvances. Malgré une radicalité et des stratégies variables, ils sont mûs par la conviction que les femmes sont devenues égales aux hommes, voire supérieures à ceux-ci. Selon eux, les hommes seraient aujourd’hui dominés, réduits en esclavage par les femmes.
Tout ce qui déstabilise, de près ou de loin, les caractéristiques et représentations du masculin viril et dominateur est méprisé et dénigré par les masculinistes. C’est pourquoi on trouvera quantité de propos misogynes, homophobes, racistes, grossophobes et antiféministes dans leurs discours. Les masculinistes nient ce portrait peu flatteur. Ils préfèrent être vus comme de simples défenseurs des droits des hommes et être nommés par un terme moins péjoratif tel que « homistes » ou « hoministes ».
La masculinité en crise ?
Un de leurs arguments phares se base sur la croyance que la masculinité forte et dominatrice serait en crise et qu’il conviendrait de réinverser la vapeur pour tout faire rentrer dans l’ordre « naturel » des choses (l’homme dominant – la femme dominée). Toutefois, cette notion de crise est récurrente à travers les siècles et n’est donc pas propre à notre époque. Par exemple, durant l’Antiquité, l’homme politique Caton l’Ancien se plaignait déjà que les hommes soient dévirilisés face aux femmes demandant à pouvoir conduire des chars et porter des vêtements colorés . Les chercheuses·eurs spécialistes de la question s’accordent à dire qu’il n’y a pas de crise de la masculinité mais plutôt un discours construit autour de cette idée de crise. En effet, si l’on regarde les chiffres sur les inégalités femmes-hommes dans le sport, les médias ou les tâches ménagères ou que l’on écoute les témoignages des victimes de harcèlement sexiste, la réalité est claire : le « masculin » se porte très bien. Néanmoins, cela n’empêche pas les hommes de souffrir des injonctions à être toujours plus viril, plus performant, plus conquérant. En France, les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à mourir d’alcoolisme car la consommation d’alcool est un symbole de virilité. Pour la même raison, ils ont aussi plus de risques de mourir dans un accident de la route [1].
Plus de peur que de mal ?
En Occident, le mouvement masculiniste contemporain a commencé à s’organiser dans les années ‘80 avec la création de groupes de pères séparés ou divorcés. Ils réclament la résidence alternée, l’autorité parentale partagée et la fin des pensions alimentaires qu’ils considèrent comme une exploitation. Si l’on croit pouvoir se réjouir devant ces pères qui s’investissent avec fougue dans leur rôle (jusqu’à escalader des grues pour faire le buzz), Patric Jean, un réalisateur belge, nous met en garde : « Je reçois parfois des témoignages de pères en difficulté au moment de la séparation. Quand ils sont allés voir une association « de pères », ils sont partis en courant en entendant le discours violemment misogyne qui les a effrayés ». Certains membres de ces associations oublient de mentionner qu’ils ont parfois été condamnés pour violences conjugales, violences sexuelles ou enlèvements d’enfants.
Les réseaux sociaux et plateformes comme Discord, Reddit, 4chan, YouTube offrent aujourd’hui aux masculinistes des lieux de rencontres anonymes, à l’abri des regards et d’une modération efficace. Ainsi, les plus radicaux d’entre eux, les Incels et les MGTOW ont le champ libre pour déverser en toute impunité leur haine des femmes et des féministes [2]. Dans les cas les plus graves, l’idéologie masculiniste engendre des tueries de masse telles qu’à Montréal en 1989, en Pennsylvanie en 2009, à Oslo et sur l’île d’Utoya en 2011, en Californie en 2014 ou encore à Toronto en 2018.
Peut-on parler de terrorisme masculiniste ? Oui car, selon la chercheuse Mélissa Blais : « Un attentat sup[1]pose un acte volontaire et une dimension politique. C’est le propre des attentats terroristes de causer un traumatisme collectif ». Une démonstration morbide, si besoin était, de la définition même du féminicide, le « meurtre d’une femme en raison de son sexe »…
Cet article fait suite à un exposé réalisé dans le cadre des activités organisées par les régionales FPS autour du 8 mars.
[1] Voir l’intéressante et récente analyse de Lucile Peytavin sur les coûts financiers de la virilité.
[2] MGTOW signifie « Men Going Their Own Way » ç.-à.-d « les hommes qui suivent leur propre voie» et Incels signifie « Involuntary Celibates » pour « célibataires involontaires ».