Apparu en 2017 sur les réseaux sociaux sous la dénomination « #Bodypositive » ou encore « #Bodyposi », ce mouvement de self love a fait se déverser un torrent d’images, de photos et de textes prônant l’amour de soi, de son corps et de ceux du monde entier. Un hashtag à l’onde de choc mondiale qui se veut engagé et libérateur du carcan esthétique de la société. Mais qu’en est-il vraiment ?
Qu’est-ce que le Body Positive ?
Le Body Positive est un mouvement social qui a été créé en 1996 aux USA par Connie Sobczak et Elizabeth Scott. L’initiative leur est venue suite à la mort de la sœur de Connie, victime de troubles alimentaires durant son adolescence. Ce mouvement prône l’acceptation de soi et de tous les types de corps qui nous entourent. Il encourage la diversité et l’estime de soi. Le Body Positive est aussi une mise en lumière du fait que la beauté est une construction sociale qui varie entre les cultures et découle des stéréotypes existants et de l’influence des médias . Le mouvement Body Positive, en tant que mouvement d’acceptation et d’amour de soi, est en lutte directe face au Body Shaming. Ce dernier consiste à se moquer du corps ou d’une particularité physique d’une personne. Le but étant avant tout d’humilier publiquement cette personne sous prétexte qu’elle·il est différent.e. Sur Instagram, avec le #Body-positive, on retrouve de nouvelles influenceuses aux courbes, aux tailles et aux origines diverses qui prônent leurs différences et celles de tous les êtres humains. Certaines sont devenues de véritables égéries du mouvement comme l’américaine @bodyposipanda ou encore la française @gaelleprudencio. Le mouvement Body Positive se veut donc libérateur. Mais cette volonté de vous faire vous aimer ne serait-elle pas un peu culpabilisatrice ?
Une volonté bienveillante qui s’avère problématique
En effet, pousser les femmes (et les hommes mais le mouvement est plutôt féminin) à s’aimer, représente une nouvelle injonction, une nouvelle règle. Même si le mouvement se veut libérateur et positif, le fait de devoir toujours se sentir belle, au top, rayonnante de confiance peu importe le moment, qu’on ait ses règles, qu’on soit enceinte, qu’on vienne de se lever ou qu’on passe une journée de merde, n’est qu’une nouvelle pierre qui s’ajoute à l’édifice de la charge mentale… La rédactrice Marion Bourdaret du blog Mar à Bout, explique qu’après avoir été bercée par l’idée d’un monde où les femmes pouvaient enfin s’accepter comme elles sont, elle a vite déchanté. Elle a écrit sur son blog un « essai anti-body positive » dans lequel elle explique : « Le mot qui me vient en premier à la bouche après avoir écumé ces comptes prônant le body-positivisme c’est : culpabilité […] Car en nous demandant – plus ou moins impérativement – de ne plus culpabiliser, de nous foutre du regard des autres, d’accepter nos défauts, de les exposer, d’aimer notre corps aussi moche et disgracieux soit-il, d’en faire nôtre et j’en passe, ces comptes nous culpabilisent » . Et puis qu’advient-il de celles qui aiment ou veulent changer leurs apparences physiques ? Celles qui aiment faire du sport intensif, veulent maigrir ou se muscler ? Et celles qui ont envie de faire de la chirurgie esthétique à cause d’une cicatrice, d’un accident, d’une malformation ou juste parce qu’elles n’aiment pas leur nez ? Leur signifier qu’il faut qu’elles s’acceptent telles qu’elles sont serait mal venu, car chacune a ses complexes et ses objectifs. Il faut accepter l’opinion que les gens ont sur leurs corps, un point c’est tout, qu’ils veulent changer ou s’accepter, c’est leur choix.
Une nouvelle affaire de marketing
Par ailleurs, la naissance de ce nouveau mouvement est une aubaine pour un capitalisme avide de nouvelles consommatrices. Certaines marques se sont jetées sur « l’acceptation de tous les corps » en sortant des photos non retouchées de leurs mannequins pour montrer à quel point elles “soutiennent” la cause des femmes. Elles vont parfois même jusqu’à montrer des femmes rondes, mais toujours avec la taille marquée. Et évidemment, pour s’aimer soi-même et avoir de l’estime de soi, il est nécessaire de se faire coacher, puisqu’il semblerait qu’accepter SON propre corps est difficile à faire seule. Un grand merci à Body Positive Studio de proposer des cours payants pour balayer d’un revers de carte bancaire les stéréotypes et les injonctions de la société. Même si cela part d’une bonne intention, le Body Positive est encore une affaire sociétale. On pousse une fois de plus les femmes à se regarder dans le miroir et à faire de leur apparence le centre de leur attention, et de celle des autres. Cette objectification du corps des femmes commence dès l’enfance. Les petites filles sont ainsi beaucoup plus valorisées par leur apparence que les garçons et sont sans cesse rappelées à leur corps, comme l’explique Mona Chollet dans son ouvrage sur l’aliénation féminine . Dans une planche de BD intitulée Souffrir pour être belles, l’illustratrice Marine Spaak met en avant une étude qui montre que l’apparence des femmes est au centre de bon nombre d‘interactions qu’elles opèrent dans la société, plutôt que leurs cerveaux. Ainsi, elle illustre que les hommes hétérosexuels ont tendance à rejeter les femmes qui ont l’air plus intelligentes qu’eux.
Et si on laissait une bonne fois pour toutes les femmes tranquilles ?
En mars 2016, l’autrice Cassie Mendoza-Jones, naturopathe, publie son livre You are enough dans lequel elle aborde le nouveau concept de Body Neutrality . Elle explique par la suite dans Elle Australia que : « La neutralité du corps, c’est accepter que, certains jours, on aime son corps et que, d’autres jours, la confiance peut retomber. Il s’agit d’intégrer qu’il y aura des hauts et des bas et que relâcher la pression face à son physique ne peut avoir que des conséquences positives » . Ce nouveau mouvement semble être le juste milieu idéal entre Body Positive et Body Shaming. Il est mis en avant sur les réseaux sociaux par la célèbre Jameela Jamil, représentante n°1 du mouvement sur Instagram, mais aussi en France avec Louise Aubery (@Mybetterself). Le Body Neutrality enlève l’injonction à l’acceptation à tout prix et l’amour inconditionnel de soi. Une bonne alternative me direz-vous, adieu la charge mentale. Mais au lieu de créer un énième mouvement concernant la relation qu’ont les femmes avec leurs corps, ne pouvons-nous tout simplement pas les laisser tranquille ? Ou éventuellement s’intéresser à autre chose que leurs apparence, comme par exemple leurs inventions, leur créativité, leur intelligence. Marion Seclin, YouTubeuse, influenceuse et féministe, explique dans une interview qu’elle en a marre que les femmes soient toujours ramenées à leurs physiques seulement . Elles sont bien plus que ça. Pas besoin d’un hashtag sur les réseaux, mais des droits, de la visibilité et un soutien crédible de la part de médias. Bref, un retour à ce qu’était initialement la bodypositivity.