En 2020, nous avons connu une période historique et sans précédent de confinement pendant plusieurs semaines. Dans ce contexte, un mouvement d’éducation permanente1 comme le nôtre a dû s’adapter. La fracture numérique est réapparue au grand jour comme une problématique touchant beaucoup de citoyen·ne·s. La lutte contre les inégalités dans l’accès aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) est un des grands enjeux de notre mouvement depuis plusieurs années. Afin de faire le point sur la situation, nous avons posé quelques questions à Julie Marin, animatrice au sein de la régionale FPS de Verviers. En collaboration avec les équipes FPS de Liège, elle a dû s’adapter pour maintenir le lien social avec ses différents publics.
Julie, en tant qu’animatrice, comment as-tu fait face à l’annulation soudaine des activités prévues avec ton public ?
Comme tou·te·s les animatrices·teurs, j’ai trouvé cela très frustrant. En tant que nouvelle travailleuse au sein du mouvement, mes premiers mois d’animation étaient remplis de découvertes : le travail de terrain, les partenaires, les projets… Il a fallu se réinventer alors que tout débutait pour moi. Au sein de l’équipe, on a trouvé de nouvelles ressources pour garder le contact, malgré l’absence de certain·e·s qui étaient soit en récupération, soit en maladie, soit en quarantaine. Dans ce « joyeux foutoir », nous avons eu la grande chance d’avoir une coordinatrice qui a rebondi et qui a pu tirer le meilleur de nous. Nous avons donc dû nous familiariser avec les outils de vidéoconférence et avec le matériel disponible.
Ce passage au « tout numérique » a certainement été un frein pour certaines personnes. Quelles solutions novatrices as-tu réussi à mettre en place pour « garder » ton public habituel ?
Au début, nous avons pris contact avec les comités locaux 2 par mail et par téléphone. Nous avons proposé une première rencontre virtuelle à laquelle une dizaine de membres des comités ont répondu. Au terme de cette rencontre, il a été décidé de lancer les animations virtuelles via des outils de visioconférence. L’objectif premier était, pour les comités locaux, de lutter contre la fracture numérique et l’isolement. Avec l’aide du service communication des FPS de Liège, nous avons créé un groupe sur Facebook afin de diffuser l’information de manière plus large, plus soignée et plus précise. À partir de là, des dizaines d’animations virtuelles ont pu être réalisées avec chaque membre des équipes FPS Liège et Verviers. Ce processus m’a permis de découvrir les animations de mes collègues mais aussi de travailler en partenariat avec le Secrétariat général des FPS sur de multiples projets comme une animation virtuelle sur la charge mentale ou une conférence en ligne intitulée « La santé du cœur, tous égaux ? ».
De nouvelles personnes ont-elles pu être touchées via la communication web ?
Oui, nous avons pu toucher des personnes qui en temps normal ne seraient jamais venues à nos animations. Une majorité d’entre elles ne connaissait pas le mouvement des FPS. Ce nouveau public a découvert nos animations et le concept d’éducation permanente. Des débats avec des personnes ressources et des expert·e·s ont été retransmis en direct sur Facebook, notamment sur la problématique de la 5G ou des violences faites aux femmes et la mobilisation liégeoise…
Comment gérer au mieux les animations virtuelles et les outils numériques en tant qu’animatrice alors que tu as toujours été sur le terrain, proche des gens ?
C’était une demande des militant·e·s des comités locaux afin de lutter contre l’isolement et de garder le contact. Les outils numériques ont été indispensables pour tisser du lien. Nous nous sommes formé·e·s en équipe, en tirant bénéfice des forces et faiblesses de chacun·e. Il est clair que ma préférence va au travail de terrain et au contact humain mais les retours positifs des participant·e·s nous ont aussi beaucoup encouragé·e·s à continuer sur cette voie. Enfin, ces rencontres virtuelles nous ont permis de garder du sens dans notre action, dans des moments très compliqués.
Le décret de l’Éducation permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles valorise actuellement le présentiel. Comment vois-tu l’avenir de ce décret qui va devoir évoluer ? Et comment gérer cette nouvelle forme d’éducation permanente ?
Nous ne savons pas quand nous pourrons retrouver le travail de terrain et de quelle manière il pourra se réaliser. Le virtuel est un outil complémentaire aux animations en présentiel. Ce dispositif offre la possibilité de se faire connaître à d’autres publics et de rassembler des personnes qui ne pourraient se déplacer. Ces nouveaux moyens d’information feront partie de notre pratique quotidienne pour toucher le public, le sensibiliser et l’inviter à se déplacer à nos rencontres. Même si la priorité restera toujours le contact humain, si on veut rester efficace, on ne pourra plus oublier les points positifs de ces nouvelles technologies de l’information.
[1] Les associations d’éducation permanente des adultes travaillent à développer les capacités de citoyenneté active et la pratique de la vie associative. Nombre d’entre elles consacrent une attention particulière aux publics socio-culturellement défavorisés. Actuellement, quelque 280 asbl sont reconnues dans le cadre du décret de 2003, et occupent environ 2 300 travailleuses·eurs équivalent temps plein (Source : http://www.educationpermanente.cfwb.be/)
[2] Il s’agit de groupements locaux composés de militant·e·s de notre mouvement.