La crise du Covid-19 a soudainement plongé une partie de la population en télétravail intensif. Cette situation a accentué une série d’inégalités femmes hommes, sur quatre plans au moins. Par la compilation de statistiques et de témoignages d’enquêtes, nous avons documenté ces tendances, dont voici un aperçu.
L’articulation vie privée-vie professionnelle
Selon l’enquête française « Coconel » , les femmes ont eu moins de possibilités de s’isoler pour se concentrer : 25 % d’entre elles ont disposé d’un espace personnel pour télétravailler contre 39 % des hommes. Installées à la table de la cuisine ou du salon, à proximité des enfants, elles ont été plus souvent interrompues dans leur travail.
Face à l’augmentation des tâches ménagères et de soin due à la présence accrue au sein des foyers, 30 % des femmes belges sondées ont déclaré avoir eu des difficultés à combiner emploi et charges familiales contre 18 % des hommes. Sans surprises, elles sont aussi plus nombreuses (41 %) à indiquer la fatigue comme difficulté rencontrée pendant le confinement, contre 31 % des hommes . Les témoignages postés sur la page Instagram T’as pensé à ?, dédiée à la charge mentale, n’ont pas faibli depuis le début de la pandémie, bien au contraire !
Les équipements
Le télétravail massif en période de Covid-19 a été instauré dans un contexte préexistant de sous- et mal-équipement d’une partie de la population belge. Avoir une connexion internet ne signifie pas pour autant que celle-ci ait le débit suffisant pour supporter des vidéoconférences ou des applications de travail en ligne. Dans certaines zones des provinces de Luxembourg, Namur, Liège ou du Hainaut, la couverture en haut débit (au moins 30 mégabits par seconde) n’est pas accessible pour 50 % des ménages.
Les compétences numériques sont également déterminantes pour pouvoir télétravailler. Selon le baromètre 2020 de l’inclusion numérique, « des tâches opérationnelles de base, comme copier et déplacer des fichiers ou utiliser un traitement de texte, ne sont pas maîtrisées par 6 personnes sur 10 en Belgique. Lorsqu’il s’agit de tâches plus spécifiques, comme l’utilisation de logiciels de présentation (ex. : Powerpoint) ou de traitement de photos et vidéos, seul un tiers des Belges environ sont capables de les utiliser ». Ainsi, la vulnérabilité face à l’utilisation des technologies numériques est bien plus répandue que l’on ne pourrait le croire !
Les cyberviolences à l’égard des travailleuses
Au Royaume-Uni, un cabinet d’avocat·e·s spécialistes en droit du travail a démontré que le sexisme dans la sphère professionnelle n’a pas été freiné par la virtualisation du travail. Plus de 35 % des femmes sondées ont été sollicitées par leur direction pour porter du maquillage ou s’habiller de façon plus sexy pendant les vidéoconférences.
Du fait de l’isolement des télétravailleuses·eurs, les situations de harcèlement moral ou sexuel peuvent être encore plus complexes à détecter et gérer. Sans ressources ni soutien de la part des collègues, de la hiérarchie et/ou des représentant·e·s syndicales·aux, le bien-être et la santé mentale des victimes en seront encore plus affecté·e·s.
L’invisibilisation des femmes
D’après une étude menée au sein du monde universitaire, les employées sont 10 % de plus à déclarer avoir des difficultés à faire entendre leur voix par rapport à leurs collègues masculins. Ces difficultés s’accroissent avec le caractère virtuel des réunions. Cela s’explique par l’impossibilité de pouvoir s’appuyer sur les signes de la communication non-verbale (gestes de la main, regards, etc.) pendant les réunions à distance.
Par ailleurs, dans la presse francophone, des femmes témoignent de leurs craintes quant à l’impact de cette baisse de visibilité/productivité sur leur carrière. Elles craignent de devoir (sur)compenser tôt ou tard le travail non-effectué, d’être l’objet de jugement et moqueries de la part des collègues ou de recevoir moins de projets stimulants.
L’angle thématique de cet article ne doit pas faire oublier la nécessité de se pencher également sur les catégories professionnelles où le télétravail n’est pas possible. Pensons par exemple aux travailleuses·eurs des secteurs du care ou aux travailleuses·eurs du secteur culturel. Les conditions de travail de ces personnes doivent également être prises en compte d’un point de vue politique et militant. C’est l’ensemble du monde du travail qui doit évoluer vers plus de protection, d’équipements, d’inclusion et d’égalité !
Cet article s’inspire de l’analyse FPS de Laudine Lahaye « Analyse 2021 — Femmes et télétravail en période de Covid-19 : quels enseignements tirer pour la mise en place d’un télétravail structurel ? »