Les médias tels que la pub, la presse, le cinéma, Internet et les réseaux sociaux bousculent nos représentations et notre façon d’interagir avec les autres. La communication y est structurée selon certains codes, certaines règles implicites. Tout-e utilisatrice/eur a donc besoin d’une phase d’apprentissage pour y naviguer à son aise. Celle-ci peut se dérouler dans le cadre de « l’éducation aux médias » mais qui doit dès lors s’en charger ? Les parents, l’école ou des structures extrascolaires ?

Selon le CSEM [1] , l’éducation aux médias a pour objectif de développer l’esprit critique et solidaire des citoyen-ne-s dans leur utilisation des médias. Cela va de la détection des fausses informations à la lutte contre le revenge porn [2] et les propos haineux, en passant par le réglage des paramètres de confidentialité d’un compte. Force est de constater que pour apprendre ces choses-là aujourd’hui, il faut bien souvent se débrouiller seul-e. Pourtant, le décret de 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement prévoyait déjà que « la Communauté française adapte la définition des programmes d’études et leur projet pédagogique à l’importance de l’éducation aux médias ». Actuellement, les établissements scolaires sont organisés et outillés à des degrés divers en matière d’éducation aux médias. Généralement, les tentatives d’adaptation au monde numérique ne sont pas coordonnées à l’échelle de l’établissement scolaire et sont exclusivement le fait d’une minorité d’individus conscientisés. Il est cependant urgent que les écoles se dotent de moyens humains et techniques pour répondre à cette évolution sociétale.

DES ÉCOLES DÉSTABILISÉES DEVANT « LES MÉDIAS »

Les médias n’ont pas fini de brouiller les frontières des écoles. Quelle note attribuer à un élève dont le travail est documenté uniquement à partir d’articles trouvés sur le net  ? En tant qu’éducatrice/eur, comment réagir face à un-e élève en panique parce que ses ami-e-s ont créé un faux profil à son nom sur un site de rencontres ? Que dire à un-e élève en train de filmer en cachette son enseignant-e donnant cours ? Comment inciter les jeunes aux comportements non sexistes quand de nombreuses pubs, séries et films banalisent l’humiliation, la torture et le viol des femmes ?

LUTTER CONTRE LES CYBERVIOLENCES SEXISTES AVANT « L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS »

L’éducation aux médias est un enjeu pour atteindre l’égalité femmes-hommes. Une étude française de 2015 a déterminé que les écolières sont plus nombreuses que les écoliers à avoir subi au moins un épisode de cyberviolence (chantage pour des selfies de nudité, réception de messages porno, insultes sur l’apparence physique, etc.). Lutter contre le sexisme et les violences en ligne, en sensibilisant dès le plus jeune âge, c’est rendre l’espace numérique et médiatique plus sécurisant pour les femmes et les filles. C’est empêcher les discriminations de genre d’envahir ce terrain-là aussi. L’éducation aux médias fait appel à des valeurs telles que le respect, l’empathie, la confiance, la tolérance. En effet, savoir utiliser YouTube ou Wikipédia d’un point de vue technique, c’est une chose. Avoir la sagesse de les utiliser à bon escient, c’en est une autre. Quand les jeunes sont mineur-e-s d’âge, leurs parents sont responsables aux yeux de la loi. Mieux vaut donc s’intéresser au contenu de leurs dissertations ainsi qu’à celui de leurs publications sur les réseaux sociaux. L’idée n’est pas d’interdire aveuglément l’usage des médias auprès des jeunes mais de les aider à en faire une utilisation responsable, critique et respectueuse d’autrui, de les aider à renforcer leurs capacités relationnelles et analytiques liées aux médias. Ces outils feront en effet indéniablement partie de leur futur professionnel et personnel et, bien qu’elles/ils soient baignés dans un environnement où ces technologies sont omniprésentes et même si elles/ils parviennent à se débrouiller plus rapidement que leurs aîné-e-s, la maturité n’est pas toujours au rendez-vous. Il faut parfois les aider à prendre conscience des conséquences de leurs comportements. Certain-e-s ignorent notamment la législation et les répercussions psychologiques de leurs actes. Réfléchissons-y avec elles/eux afin qu’elles/ils sachent qu’à tout moment, il y aura quelqu’un-e pour les écouter, les comprendre et les orienter.

AGIR SOUS TOUS LES TOITS

Dans cette optique, parents et école ont intérêt à agir de concert, dans la mesure où les médias sont transversaux à tous les territoires. Un-e élève victime de cyberharcèlement le sera autant à la maison qu’à l’école, les murs de l’un-e et de l’autre n’assurant plus une protection infranchissable. Pour éduquer correctement les jeunes aux médias, les adultes ont besoin de se former aussi. Combien se font prendre en recevant un mail du style : « Je suis en déplacement en Afrique et suite à un problème, j’aurais besoin de ton aide financière [3]» ? Le cours de philosophie et citoyenneté n’est pas assez étoffé pour commencer l’éducation aux médias dès l’enfance. Le nombre d’heures est trop faible et les profs sont mal outillé-e-s. Mettre un-e référent-e au numérique par école peut être une piste mais cela va-t-il permettre l’implication de tou-te-s les actrices/eurs scolaires dans l’éducation aux médias  ? Et, au-delà, celle des parents et des adultes utilisatrices/eurs de ces mêmes médias  ? L’éducation aux médias ne devrait pas rester l’apanage des écoles et des parents, c’est une question plus large du vivre ensemble et de l’exercice de la démocratie. À quand des ministères de la Cohésion Sociale et de la Santé Publique qui prennent en compte ce besoin dans la mise en place de nouvelles politiques publiques ?

Pour aller plus loin, voir Lahaye, Laudine :

[1] Conseil Supérieur de l’Éducation aux Médias.

[2] Publiées sans consentement par un-e ex-partenaire, ces photos ou vidéos à caractère sexuel ont pour but d’humilier publiquement la personne visible dessus, souvent pour se venger après une rupture.

[3] Le site Safeonweb propose des quiz pédagogiques pour apprendre à détecter les mails frauduleux.

Autrice
AutriceLaudine Lahaye