La banane est le fruit le plus commercialisé au monde et le troisième le plus consommé en Europe. La Belgique, principal pays de destination des exportations de bananes colombiennes, a tiré profit de ce modèle, sans jamais interroger sa responsabilité sur les violations massives et répétées des droits humains sur place.

La banane, fruit d’un travail indécent

Dans les plantations de bananes en Colombie, la journée de travail moyenne est de 10 heures. Kennis Manuel Corcho, travailleur de l’Agricola Sara Palma, membre du syndicat Sintracol nous raconte : « Il s’agit d’un travail à forte sollicitation physique, avec un effort soutenu du dos, de la taille et des jambes […] On tient le rythme, mais jeudi est difficile, et vendredi on n’en peut plus. Parfois, en période de production intense, on travaille aussi le samedi ». En moyenne, un·e travailleuses∙eur ne gagne que 9% de la valeur totale de la banane, alors que les revendeuses∙eurs réussissent à capter entre 30 et 43% de celle-ci.

Au cœur d’un conflit armé

La région bananière d’Urabá en Colombie occupe une place particulière dans l’histoire du conflit armé colombien. Le territoire fut le laboratoire des paramilitaires : groupes armés illégaux, liés aux forces militaires, à la classe politique, au monde des affaires et au narcotrafic. Ils contribuèrent à imposer un modèle économique basé sur l’accaparement des terres, l’exploitation des travailleuses∙eurs et l’exportation.

Les entreprises bananières ont soutenu et financé les paramilitaires, en payant trois centimes de dollars par caisse de bananes exportée. Le cas le plus exemplaire est celui de Chiquita, qui, entre 1997 et 2004, a versé 1,5 million d’euros aux paramilitaires. La multinationale nord-américaine a néanmoins réussi à échapper à des poursuites pénales, en concluant un accord avec la justice des États-Unis.

Une catastrophe sanitaire et écologique

Malgré l’accord de paix signé en Colombie en 2016, les paramilitaires continuent de faire régner la peur en Urabá, tentant de réduire au silence les travailleuses·eurs des plantations et les paysan·ne∙s de la région. À cela s’ajoute la catastrophe sanitaire et écologique due notamment à l’usage intensif de pesticides. L’État colombien, absent pour protéger les droits humains et sociaux, pour contrôler les normes environnementales, n’a de cesse de se manifester dans son soutien aux entreprises bananières au mépris des communautés locales.

Manuel Montaño vit en Urabá depuis trente-cinq ans. Le dé[1]placement forcé de sa famille par les paramilitaires, le 2 novembre 1992, le mène à travailler dans les plantations bananières. Il y sera victime d’exploitation et d’un grave accident. Il nous raconte : « c’était le matin du 23 novembre 2016, je travaillais avec d’autres dans la plantation quand l’avion est passé. On ne nous avait pas prévenus qu’il y allait avoir une fumigation. Certaines entreprises ne respectent pas les normes ni les délais d’attente avant de retourner travailler après une fumigation… L’avion est passé, et je me suis mis sous une feuille. Quand l’avion est parti, je suis sorti pour continuer mon travail. Mais, une goutte est tombée d’une feuille dans mon œil… Cela fait presque cinq ans. J’ai perdu mon œil. Je n’ai aucune aide ni de l’entreprise ni de la sécurité sociale. Je me sens abandonné. C’est ma femme qui travaille, et grâce à Dieu et à elle nous survivons ».

Une piste de solution : le devoir de vigilance

Le devoir de vigilance est l’obligation pour les entreprises d’adopter une conduite responsable dans toutes leurs activités, de prévenir les risques sociétaux et environnementaux et donc de respecter la norme de diligence raisonnable. Celle-ci implique de mettre en place des mécanismes de prévention, d’atténuation, d’arrêt des violations. Le devoir de vigilance prévoit aussi un devoir de réparation. Dans le cas d’un dommage, si les entreprises n’ont pas pris assez de précautions, elles doivent indemniser les victimes et réparer les dommages.

Solsoc, avec deux autres organisations de solidarité internationale FOS et IFSI, aux côtés de leurs partenaires colombiens, plaident pour responsabiliser les entreprises en matière de respect des droits humains et de l’environnement. Les droits humains n’ont pas de prix ! Si vous aussi vous en êtes convaincu∙e, ou que vous voulez en savoir plus, participez à notre campagne pour le devoir de vigilance : https:// www.devoirdevigilance.be/ – une campagne commune coordonnée par le CNCD-11.11.11 et 11.11.11.

Cet article est issu d’une étude réalisée sur le devoir de vigilance vu par les organisations partenaires colombiennes de FOS, IFSI et Solsoc. Étude réalisée par le CETRI en février 2022 et disponible dans son intégralité sur le site internet de Solsoc .

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