En 2021, les FPS de Liège ont décidé d’entamer le mois de décembre en force en proposant au grand public un événement en soirée autour des cyber-violences sexistes [1]. Pour ce faire, elles se sont associées aux Grignoux afin d’organiser un ciné-débat dans le cadre de la diffusion du documentaire #SalePute de Myriam Leroy et Florence Hainaut. Cet événement était également l’occasion pour la Fédération des Centres de Planning Familial des FPS de mettre en avant leur nouveau Guide pratique contre le harcèlement sexiste en ligne [2] .
Lors de cette soirée, les FPS ont eu le plaisir d’accueillir Myriam Leroy, journaliste et réalisatrice du documentaire. Dès ses débuts dans la profession, la journaliste a été confrontée au phénomène des cyber-violences sexistes. Longtemps, elle a banalisé sa propre expérience de la misogynie en ligne ; jusqu’en 2013 où elle reçoit des menaces de mort. Afin de mettre en lumière le phénomène, elle a notamment écrit une autofiction [3] appelée Les yeux rouges et publiée en 2019. Dans sa lancée, Myriam Leroy rencontre Florence Hainaut, journaliste également ciblée par la cyber-haine. Par la réalisation du documentaire, elles décident de dénoncer ensemble un phénomène systémique, mais méconnu et absent de la sphère politique et médiatique.
Dans ce reportage, les deux journalistes interrogent des militantes, autrices, humoristes, journalistes, politiciennes et youtubeuses qui ont vécu et vivent encore quotidiennement le phénomène de la cyber-haine misogyne. Néanmoins, les cyber-violences ne concernent pas uniquement les femmes célèbres et connues. D’après The Economist Intelligence Unit, 85 % des femmes sont affectées par la misogynie en ligne [4]. Parmi elles, certaines sont directement ciblées par cette violence. D’autres subissent les conséquences du climat sexiste en ligne qui réduit leur activité ou prise de parole sur les réseaux sociaux, par crainte des répercussions. Ainsi, le phénomène ne fait qu’alimenter la fracture numérique [5] déjà surreprésentée chez les femmes.
« Il suffit d’exister et d’apparaitre à la connaissance des gens pour attirer la foudre »
La misogynie en ligne vise toutes les femmes simplement parce qu’elles sont femmes, peu importe la nature de leur activité sur le Net. Elle n’est ni plus ni moins que le prolonge – ment sur les réseaux sociaux de la haine des femmes ambiante dans notre société. Elle ne vise qu’à les faire taire et, de cette manière, les supprimer de l’espace public. En effet, les réseaux sociaux sont aujourd’hui des lieux privilégiés de rencontres, d’échanges et d’information. Ils confèrent pouvoir et visibilité aux personnes qui les utilisent. Et ce, d’autant plus en période de pandémie. Empêcher les femmes d’y accéder revient à les invisibiliser, les freiner dans l’exercice de leur citoyenneté, mais aussi dans leur carrière, car les réseaux sociaux sont des outils de travail considérables à l’ère du numérique.
« Cette haine passe les murs de la maison et vient te chercher chez toi dans ce que tu as de plus privé, de plus intime »
Les cyber-violences ont de graves répercussions sur la santé mentale et physique des victimes. Perte de poids, anxiété, stress post-traumatique et dépression en sont quelques-unes. Le phénomène est d’autant plus violent qu’il s’invite dans l’espace intime de la personne. De plus, bien que la violence se déploie dans l’espace numérique, le lieu de l’agression reste le corps et celle-ci perdure même à écrans fermés.
« Ça n’arrive qu’à toi »
De surcroit, les victimes de la haine misogyne en ligne sont régulièrement incomprises, voire même culpabilisées. L’ampleur et les conséquences des cyber-violences à destination des femmes restent méconnues et banalisées. Bien trop souvent, on conseille aux victimes de se taire ou de supprimer leur compte sur les réseaux sociaux. Ainsi, la société patriarcale ne donne voix qu’à ses dominants.
« Quoi que tu fasses, tu perds »
En plus de l’incompréhension générale autour de l’ampleur de la misogynie en ligne, il n’y a pas d’issues concrètes pour s’en extraire. En effet, actuellement, les lois ne permettent pas de protéger suffisamment les victimes des violences misogynes en ligne ou encore de réguler les débats sur les réseaux sociaux. Ce qui freine un changement législatif à ce niveau est entre autres la volonté de certain·e·s politiques de ne pas entraver la liberté d’expression. Mais qu’est-ce que la liberté d’expression si plus de la moitié de la population craint de s’exprimer librement ?
L’éducation aux médias, une piste de solution…
Dans le cadre de la campagne 2020 « Le harcèlement sexiste virtuel, c’est RÉEL ! » de la Fédération des Centres de planning familial des FPS, plusieurs stratégies d’actions pour affronter les cyber-violences sexistes ont été émises, comme bloquer l’agresseur, signaler un con – tenu inacceptable, adopter des stratégies d’autodéfense en ligne, etc. [7] Une manière de prévenir la violence en ligne serait l’éducation aux médias. Elle permet d’armer les citoyen·ne·s afin d’appréhender les médias et leur usage, notamment en développant leur sens critique vis-à-vis de ceux-ci.
[1] Les cyber-violences sexistes consistent à « imposer par le biais des plateformes numé – riques des propos et/ou des comportements à des personnes en raison de leur sexe, de leur genre ou de leur orientation sexuelle ». Il existe différentes formes de cyber-sexisme : tentatives de piratage de comptes ou messageries, diffusion d’informations privées, mes – sages à caractère sexuel non souhaités, culpabilisation, avances déplacées, menaces, etc. (FÉDÉRATION DES CENTRES DE PLANNING FAMILIAL DES FPS, Guide pratique contre le harcèlement sexiste en ligne, Bruxelles, 2020, pp. 6-7 ).
[2] Ibid. pp. 1-35
[3] Une autofiction est une fiction écrite sur base de faits biographiques de l’autrice·teur.
[4] PONCELET Anaïs, Entretien avec Myriam Leroy, 1er décembre 2021
[5] La fracture numérique dénonce l’accès inégalitaire au numérique sur base de différentes formes de discrimination liées au genre, à l’âge, au capital économique et culturel, etc.
[6] Les dominants de notre société patriarcale sont identifiés comme des hommes blancs, cisgenres — « dont l’identité de genre correspond au sexe biologique assigné à la nais – sance » — et hétérosexuels — « entretenant une attirance sexuelle ou relationnelle avec les personnes de sexe opposé ».
[7] FÉDÉRATION DES CENTRES DE PLANNING FAMILIAL DES FPS, Guide pratique… op. cit., pp. 11-14