De plus en plus d’études le démontrent : la question environnementale est indéniablement une question de genre. Pourquoi? Parce qu’en raison de leur vulnérabilité économique, sociale et culturelle, les femmes sont plus touchées que les hommes par les conséquences de la crise écologique [1] que nous traversons actuellement. C’est pourquoi la prise en compte du genre dans les politiques environnementales [2] est indispensable.
Toutes les femmes sont concernées
Le premier constat à poser est que les conséquences de cette crise écologique sur les femmes sont perceptibles dans toutes les sphères de leur vie quotidienne, et ce, partout dans le monde. Par exemple, dans les pays en développement, ce sont majoritairement les femmes qui sont en charge de l’approvisionnement en eau, en nourriture et en combustibles. Or, en cas d’inondations ou de sécheresses, celles-ci doivent parcourir des distances plus longues et, très souvent, demander à leurs aînées de les aider, ce qui les amène à quitter l’école. Cela empêche donc les femmes de dégager du temps pour leur éducation et/ou l’occupation d’un emploi rémunéré. Cet accès limité à des ressources essentielles se traduit aussi par une insécurité constante, des tensions au sein des foyers, un risque plus élevé de violences intrafamiliales et une précarité croissante.
D’autant plus qu’en cas de catastrophe naturelle, les femmes seront davantage exposées aux violences tout en ayant moins accès aux services de secours et d’assistance, ce qui compromet leur rétablissement et renforce leur vulnérabilité. Pourtant, en tant que dispensatrices de soins, ce sont majoritairement elles qui devront continuer à assumer les obligations familiales, ce qui augmentera leur niveau de stress.
Par ailleurs, l’élévation du niveau de la mer, la désertification ou encore les vagues de chaleur à répétition entrainent des parcours migratoires de plus en plus nombreux. Ces exils sont particulièrement dangereux pour les femmes parce qu’elles y sont la cible des réseaux de traite des êtres humains. Elles y subissent des violences sexuelles de tous types, tant de la part des passeurs que des autorités ou encore des autres migrants.
Ces dérèglements écologiques ont aussi de multiples impacts spécifiques sur leur santé. Citons par exemple l’augmentation des perturbateurs endocriniens dans notre environnement, qui touchent davantage les femmes, car elles ont plus de variations hormonales et de glandes endocrines. Leurs droits sexuels et reproductifs sont également compromis : par exemple, en cas de dégradation des infrastructures, leur accès aux services de soins de santé nécessaires sera drastiquement réduit, ce qui entraine, notamment, une augmentation de la mortalité maternelle.
Les femmes, à la tête d’initiatives pour plus de justice environnementale
Un second constat s’impose : ce sont les femmes qui s’investissent le plus dans la lutte contre la crise écologique. Deux raisons majeures les poussent à être porteuses d’initiatives dans ce combat. La première est en lien avec les conséquences que nous venons d’exposer : celles-ci ont conscience, dans leur vie de tous les jours, qu’elles sont directement impactées et qu’il est nécessaire d’agir.
La seconde raison relève davantage des rôles genrés au sein de notre société. En effet, ce combat étant fortement lié au bien-être du foyer, et donc à ce qu’on appelle le care [3], ce sont toujours les femmes qui prennent majoritairement en charge ces tâches domestiques. Réduction des déchets ménagers (communauté « zéro déchet »), Do It Yourself [4], création de potagers particuliers ou collectifs, etc. Toutes ces démarches requièrent du temps et de l’énergie et s’ajoutent à la longue liste des activités assumées par les femmes pour assurer le bon fonctionnement de la société.
Quelles pistes pour améliorer leurs situations ?
Malgré cet état des lieux sans appel, la dimension de genre est encore très peu prise en compte dans les politiques publiques dites environnementales. De plus, les femmes étant sous-représentées dans les fonctions les plus élevées des hiérarchies professionnelles [5], ces politiques sont élaborées par des panels majoritairement masculins. Ce qui ne permet pas d’entendre et de prendre en compte leurs voix, leurs réalités et leurs expertises. Il est donc essentiel à la fois de leur donner accès à ces hauts lieux de décision, mais aussi d’appliquer ce qu’on appelle le gender mainstreaming [6] à l’ensemble des politiques en la matière. Cela implique d’adopter une lecture genrée à toutes les étapes des processus politiques, de leur élaboration à leur évaluation, afin de veiller à davantage d’égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, si nous souhaitons améliorer le quotidien des femmes, mais plus largement, celui de l’ensemble des publics les plus vulnérables [7], l’abolition du capitalisme doit aujourd’hui être notre premier cheval de bataille.
[1] : Une crise écologique se produit lorsque le milieu de vie d’une espèce ou d’une population évolue de façon défavorable
à sa survie. La crise que nous traversons actuellement est globale et provoquée par l’impact des activités humaines. Elle comprend
tant le dérèglement climatique que la destruction de la biodiversité, la pollution de l’air, la pollution de l’eau ou encore la pollution des sols.
[2] La politique environnementale est l’engagement d’une organisation ou d’un gouvernement envers les lois, règlements et autres mécanismes politiques concernant les questions environnementales.
[3] C’est-à-dire à la sensbilité aux besoins des autres et à leur prise en charge.
[4] Parfois abrégé en angle « DIY », signifiant en français, « faites-le vous-mêmes ». Ces activités se centrent sur la création ou la réparation d’objets comme alternative à la consommation de masse.
[5] C’est ce qu’on appelle la ségrégation verticale du marché du travail ou le « plafond de verre ».
[6] En Belgique, le Gender mainstreaming (ou intégraation du genre en français) est défini par l’institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH) comme étant « une stratégie [transversale] qui a pour ambition de renforcer l’égalité des femmes et des hommes dans la société, en veillant à ce que toutes les étapes des processus politiques – élaboration, mise en oeuvre, suivi et évaluation- tiennent compte de la dimension de genre, c’est-à-dire des différences socio-économiques qui existent entre les hommes et les femmes ».
[7] Cela comprend les personnes précarisées, les personnes en situation de handicap, les personnes LGBTQI+, les personnes âgées, etc