En 2022, à l’occasion des 100 ans des FPS, chaque numéro de Femmes Plurielles dévoile une tranche de l’histoire du Mouvement dans les pages de ce feuillet détachable.
DANS CE DERNIER VOLET, ON VOUS PARLE DE L’ÉVOLUTION DU FÉMINISME EN BELGIQUE.
Le XXIe siècle marque le début de la troisième grande vague féministe [1] . Un militantisme tenant de plus en plus compte des différentes inégalités et discriminations gagne du terrain.
Jusqu’alors, le sexe biologique (organes génitaux et autres caractéristiques corporelles) servait à expliquer et justifier les inégalités, entre hommes et femmes. La notion de genre émerge alors et permet d’expliquer qu’on ne naît pas femmes-hommes, mais qu’on le devient à travers ce qu’on appelle des constructions sociales et culturelles plus ou moins conscientes. Cette réflexion sur le genre et les relations de domination amène les FPS à repenser leur approche. Plutôt que de se concentrer sur les femmes pour essayer de résoudre leurs « problèmes », elles souhaitent désormais utiliser l’outil qu’est le gender mainstreaming [2] pour analyser et changer la société en profondeur.
Dans les années consécutives à ce repositionnement idéologique et pratique, les FPS renforcent leurs engagements en se qualifiant pour la première fois de « mouvement féministe ».
Une institutionnalisation politique
Cette période marque également le début de l’institutionnalisation des droits des femmes. En 2002, l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrite dans la Constitution belge. Différents leviers sont mis en place pour assurer sa mise en application. Citons notamment la loi de 2002 relative à la parité en politique qui impose la présence à parts égales de femmes et d’hommes sur les listes électorales.
Notons également en 2002 la création de l’institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes (IEFH), organisme public fédéral qui promeut l’égalité. Enfin, depuis 2007, l’application du gender mainstreaming permet, théoriquement, d’assurer une prise en compte du genre dans la mise en place de politiques publiques de façon transversale.
Pour certaines militantes et théoriciennes, les années 2010 sont synonymes de la naissance d’une 4e vague du féminisme, caractérisée par une lutte contre les violences et le sexisme « ordinaire » et l’émergence de modes de luttes inédits. En Belgique, au-delà de cette réactualisation des combats féministes dans les sphères militantes, l’institutionnalisation continue.
C’est en 2014 que le premier ministère « Droits des femmes » est créé, en Fédération Wallonie-Bruxelles. À sa tête, Isabelle Simonis, ancienne Secrétaire générale des Femmes Prévoyantes Socialistes. Tout en dégageant des budgets pour remplir ses missions, la ministre conçoit une assemblée participative de mouvements de femmes nommée Alter Égales dont les Femmes Prévoyantes Socialistes assurent, dans un premier temps, le copilotage. Les associations féministes s’y rencontrent, échangent, formulent leurs revendications et bénéficient d’appels à projets. La même année, en Région wallonne, aux attributions du ministre des Travaux publics, de la Santé, de l’Action sociale et du Patrimoine s’ajoutent les Droits des femmes. Au niveau fédéral, il faut attendre le gouvernement De Croo, en 2020, pour qu’un poste de secrétaire d’État consacré à l’Égalité des genres, à l’Égalité des chances et à la Diversité soit mis en place, exercé par Sarah Schlitz. Cette période de législature est également l’occasion pour les ministres en charge des Droits des femmes en Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles, Christie Morreale, Bénédicte Linard, ainsi que la secrétaire d’État bruxelloise à l’Égalité des chances, Nawal Ben Hamou, de lancer la création d’une conférence interministérielle (CIM) « Droits des femmes ». Ce lieu de collaboration et de coordination entre les différents niveaux de pouvoir est accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par les associations féministes qui réclament davantage de transversalité dans le traitement des dossiers depuis de nombreuses années.
Cette institutionnalisation progressive va permettre une prise en compte plus assidue de la dimension de genre dans divers dossiers. Compétence à part entière, les droits des femmes ne sont plus dilués, de manière tout à fait aléatoire, dans la masse des préoccupations gouvernementales. Cet élan positif donne lieu à certaines avancées, bien que leur aboutissement manque parfois d’ambition et que le chemin demeure encore long pour atteindre l’égalité.
[1] La première est née au début du XXe siècle avec la mise en place du droit de vote, la seconde a émergée dans les années 60 notamment pour la défense du droit à la contraception et à l’IVG.
[2] Le gender mainstreaming est une stratégie qui intègre systématiquement des réflexions sur les conséquences positives et négatives des politiques publiques pour les femmes et les hommes.