S’il y a bien une chose face à laquelle les citoyen·n·e·s ne sont pas égales·aux, c’est bien la santé ! Selon une étude Solidaris réalisée en 2019, cela s’explique en grande partie par l’origine sociale – liée au revenu, au niveau d’éducation, etc. – qui offre aux personnes en haut de la pyramide sociale une assurance tous risques contre les aléas de la vie. Tandis que tous les indicateurs de santé sont dans le rouge pour les personnes situées en bas de l’échelle sociale.

L’argent ne fait pas le bonheur… mais il aide à rester en bonne santé !

Par manque de ressources financières, 1 personne sur 2 a déjà renoncé au moins une fois à un soin médical en Wallonie et à Bruxelles et elles sont 6 sur 10 parmi les familles monoparentales [1]. Ces milliers de personnes ne sont plus en mesure de pouvoir se soigner correctement et reportent leur accès à des soins de qualité. Le recours aux soins préventifs est aussi très marqué par le clivage social avec moins de dépistage du cancer et jusqu’à 7,5 fois plus de grossesses parmi les adolescentes. Cela constitue à son tour un facteur de risque de précarisation pour ces jeunes mères et un facteur de risque de reproduction des inégalités sociales. En outre, les personnes précarisées ont moins de moyens pour vivre sainement et sont généralement confrontées à plus de stress. Cela entraîne des conséquences physiques et psychologiques importantes. On constate donc qu’elles ont un moins bon état de santé général avec 3 fois plus de personnes en situation de handicap et 2 fois plus de personnes souffrant de diabète. Leur santé mentale est également nettement plus dégradée.

Il est important de préciser que les inégalités sociales de santé ne se résument pas à un clivage entre les plus pauvres et les plus riches mais touchent tout le monde. L’origine, le genre et bien d’autres facteurs nous prouvent que ces inégalités sont aussi le fruit de constructions sociales.

Les femmes, premières victimes de la précarité et du report de soin

Si les femmes affrontent encore de nombreux stéréotypes et inégalités au quotidien, elles sont également les premières touchées par la précarité. « Les femmes et les familles monoparentales, sont [donc] les premières impactées par le renoncement ou le report de soins de santé et de médicaments prescrits, suite à des difficultés financières

En 2018, les femmes sont légèrement surreprésentées dans les bénéficiaires du RIS (Revenu d’Intégration Sociale) . Parmi elles, on retrouve en majorité des mères monoparentales. Il est d’ailleurs important de noter qu’en Belgique près de 80% des foyers monoparentaux sont gérés par des femmes. Être parent solo augmente fortement le risque de tomber dans la pauvreté. La difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle, la perte d’un revenu au sein du ménage ou encore le manque de flexibilité et d’accessibilité de structures d’accueil pour les enfants sont autant d’obstacles qui aggravent une posture déjà complexe.

Au-delà de la situation familiale, d’autres marqueurs de précarité existent. Au niveau professionnel par exemple, à compétences égales et malgré un niveau d’éducation globalement plus élevé, les femmes gagnent généralement moins que les hommes. La dévalorisation financière des secteurs dits « féminins » (secteur du « soin », de l’éducation, de l’aide-ménagère, etc. ), la présence importante des femmes dans les emplois à temps partiels, choisis ou non [2], les difficultés voire l’impossibilité pour les femmes d’accéder à des promotions hiérarchiques [3] expliquent entre autres des salaires moins élevés. Ces inégalités provoquent à la pension un effet « boule de neige » en renforçant la précarité chez les femmes de plus de 65 ans [4].

Si les conséquences du report de soins peuvent être désastreuses, elles pourraient être évitables. Comme l’explique Jean-Pascal Labille, Secrétaire Général de Solidaris, les reports de soin sont le fruit d’un système politique qui favorise la marchandisation de la santé et ce, au détriment de l’individu. Plus que jamais, nous devons défendre un état social fort mais aussi inclusif et égalitaire afin que personne ne soit laissé·e sur le carreau.

[1] À noter que des études récentes montrent qu’en temps de crise sanitaire, la situation a fortement empiré.

[2] En Belgique, 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel, contre 11,8 % des hommes. Les principales raisons du temps partiel sont la « garde des enfants ou de personnes dépendantes » (25 %), les « autres motifs d’ordre personnel ou familial » (20,2 %) et « l’emploi souhaité n’est proposé qu’à temps partiel » (17,8 %). Les stéréotypes persistants dans notre société autour de l’importance de la mère dans la gestion du ménage peuvent expliquer le taux important de femmes qui prennent un temps partiel.

[3] C’est ce qu’on appelle le « plafond de verre ».

[4] En Belgique en moyenne, la pension des femmes s’élève à 882 euros, contre 1181 euros pour les hommes, ce qui constitue un écart de pension moyen entre hommes et femmes de 26%.

Leila MaronAutrice
Jérôme VranckenAuteur
Autrice
AutriceElise Voillot