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Depuis le début de l’ère industrielle, la technique est vue comme vecteur de progrès : diminution de la pénibilité de certaines tâches professionnelles et privées, progrès de la médecine, communications à distance, déplacements motorisés, amélioration de l’hygiène, etc. L’engouement pour la technique — terme progressivement délaissé au profit de « technologie » — s’est continuellement accru depuis. En résulte une divinisation de la technologie. La plupart des personnes éprouvent aujourd’hui une véritable foi envers les solutions technologiques. Elles leur prêtent le pouvoir de résoudre tous les problèmes auxquels est confrontée l’humanité. En ce compris les problèmes environnementaux. Dès lors, ses incidences indésirables sont minimisées, niées ; et les personnes qui osent en parler, modernes briseuses de tabou, sont critiquées. Osons cependant !
Sous le tapis
L’arrivée de nouvelles technologies s’accompagne généralement d’effets néfastes, pas toujours suffisamment pris en compte. Si l’arrivée d’une nouvelle machine promettait monts et merveilles aux détenteurs de capitaux au début de la révolution industrielle, il en allait différemment du travailleur ou de la travailleuse qui voyait cette machine lui prendre son boulot. Autre exemple avec l’arrivée du plastique : s’il a permis de fabriquer nombre d’objets porteurs de réelles plus-values pour l’évolution humaine (ex. : les poches à sang qui peuvent être correctement recyclées), cela n’empêche pas des milliards d’emballages plastiques « jetables » inutiles de se retrouver dans les océans.
Une technique est rarement « bonne » ou « mauvaise » en soi. Ce sont la nature et l’échelle de l’utilisation qui en est faite qui déterminent l’importance de ses incidences, positives comme négatives. Des progrès techniques a priori « bons pour l’environnement » peuvent également s’avérer problématiques à d’autres égards. Améliorer l’efficacité d’un processus, par exemple, mène très généralement à un effet rebond important et à une surconsommation de ce même processus. Un exemple frappant vient du monde du numérique : si les progrès ont permis d’avoir des processeurs bien plus performants, notamment au niveau énergétique, cela a conduit à une multiplication des usages et à une empreinte environnementale du secteur qui a explosé. De même pour l’aviation : améliorer l’efficacité des engins a permis d’en réduire les coûts, ce qui a mené à l’ouverture de davantage de lignes et une explosion du nombre de vols. On peut aussi relever d’autres dérives. Par exemple, si l’électrification des usages a permis de réduire fortement l’impact carbone de ceux-ci, elle s’accompagne d’un extractivisme aigu, avec d’énormes besoins en matériaux (le lithium pour les batteries de voiture, par exemple).
Celles et ceux qui succombent au « techno-utopisme », à savoir la croyance selon laquelle la technologie nous permettra de résoudre tous les problèmes, ne voient généralement qu’une seule facette des défis auxquels nous sommes confronté·e·s sans se préoccuper d’autres effets néfastes potentiels comme l’exploitation des travailleuses·eurs et de la planète dans la production et transformation des ressources. La technologie les conforte dans l’idée qu’elles·ils pourront continuer sans trop devoir changer leur mode de fonctionnement, leurs consommations et leurs comportements. Mais peut-on réellement espérer qu’il suffirait de progrès technologiques pour nous sortir de l’impasse environnementale actuelle ?
Accepter la finitude
On le sait pourtant, nous vivons sur une planète finie avec un stock de ressources matérielles limité qu’il faudra protéger et rationner pour les besoins les plus fondamentaux. Accepter cet état de fait, c’est faire le deuil du techno-utopisme. Non, la technologie ne sauvera pas le monde, malgré le discours relatif à une économie plus circulaire ou à davantage d’efficacité technologique. Il sera tout autant utile de revoir notre manière d’habiter la terre, notre manière de consommer et notre manière d’être. Ce qui est, généralement, un message bien plus difficile à porter que le techno-utopisme.
Accepter la finitude de notre planète, c’est faire le pari de la suffisance, c’est-à-dire le fait d’avoir « assez ». Il faudra revoir nos comportements. Choisir la suffisance, ou la sobriété, c’est également choisir de réduire sa consommation, dans le sens marchand du terme, ou ses besoins en mobilité, ce qui aura indéniablement un impact sur la croissance économique qui est, par ailleurs, étroitement liée au progrès technologique. Mais cette dernière, malgré toutes les promesses qu’elle charrie depuis des décennies, n’a pas permis non plus d’apporter des réponses à tous les problèmes auxquels notre société a été confrontée tels que l’empreinte environnementale, les inégalités sociales, le financement de l’état providence [1], etc.
La société en mouvement
Le mirage technologique permet non seulement de ne pas changer de comportements, mais sans doute aussi de se rassurer, de diminuer l’anxiété face à la conscience des enjeux environnementaux, d’évacuer le sentiment d’impuissance que l’on peut éprouver face à ceux-ci. Il nous empêche de voir (ou nous aide à ne pas voir…) d’autres solutions tellement plus simples et directement efficaces relevant de la sobriété ; il nous ancre dans le système sociétal actuel, dans nos schémas de pensée, dans un certain confort intellectuel et éthique. Les résistances face aux tentatives de désacralisation de la technologie sont d’ordre psychologique, culturel et économique.
De nombreuses initiatives citoyennes et associatives cherchent à inverser les choses, comme les repair café, les do it yourself, les mouvements de transition, les concepts slow food et slow city, et bien sûr les low tech, pour ne citer que quelques exemples. Elles visent à diminuer les volumes consommés, à se réapproprier une partie du cycle de la consommation, à privilégier la qualité plutôt que la quantité dans la production, à mieux connaître les produits utilisés. La lenteur, le soin, la qualité se réinvitent doucement dans nos imaginaires pour nous laisser rêver à une société réellement durable et humaine.
[1] L’état providence se définit par notre forme de politique actuel, dans lequel l’intervention de l’état est forte, notamment via la fiscalité, pour financer la sécurité sociale et de nombreux services sociaux. Mais son financement repose fortement sur la croissance économique et est régulièrement mis à mal par des politiques d’austérité.