Carte blanche collective – 8 mars 2024
Le 8 mars est une journée de lutte. Une lutte pour les droits des femmes, où qu’elles soient dans le monde.
Comme chaque année, de nombreuses manifestations seront menées pour réclamer plus d’égalité, pour exiger plus de respect, pour que cessent les violences et pour mettre en lumière celles qu’on invisibilise encore trop souvent.
Cette année, les actions que nous mènerons auront un écho particulier…
Car à l’heure d’écrire ces lignes, cela fait près de deux cents jours que l’État d’Israël mène une offensive dans la bande de Gaza. Deux cents jours au cours desquels on dénombre plus de 28.000 personnes tuées et plus de 71.000 autres blessées[1]. Parmi ces victimes, plus de 70% sont des femmes et des enfants[2]. Et le bilan s’alourdit dramatiquement chaque jour. Ces femmes et ces enfants se retrouvent aujourd’hui dans des camps de fortune, dans des conditions d’hygiène déplorables avec un accès très difficile, voire impossible, à la nourriture, à l’eau potable ainsi qu’aux soins médicaux.
De nombreuses études sociologiques l’ont démontré, en temps de crise ou de guerre, les femmes sont toujours en première ligne. Leurs conditions de vie sont les premières à se détériorer, elles sont davantage exposées aux violences, elles ont moins accès aux services de secours et d’assistance. Sans oublier le stress physique et mental extrême.
Au moment de l’attaque du 7 octobre, de nombreux hommes gazaouis se trouvaient en Cisjordanie pour travailler. La fermeture des frontières les a empêchés de rentrer chez eux. L’invasion israélienne qui a suivi est venue renforcer l’isolement de leurs compagnes restées à Gaza. Ces femmes, souvent mères, sont désormais seules à porter la totalité de la charge de la survie de la famille dans une zone inhabitable, sous attaque constante, où la pénurie de vivres et la situation de famine qu’elle engendre sont devenues la norme.
90% des hôpitaux de Gaza ont été ciblés et détruits intentionnellement. Or, depuis le début du conflit, plus de 20.000 bébés sont nés à Gaza[3]. À l’hôpital de Rafah, qui accueille la majorité des femmes sur le point d’accoucher, plus d’une soixantaine de femmes, malnutries et déshydratées, accouchent chaque jour. Peu ont été suivies médicalement, faute d’accès aux soins. Leurs grossesses n’ayant pas été surveillées, les risques n’ont pas pu être évalués, ce qui rend toute prise en charge particulièrement périlleuse, avec des conséquences parfois tragiques pour la mère ou le·la nouveau·elle né·e. Les équipes médicales sur place déplorent une augmentation des risques d’infection ainsi qu’un nombre croissant de naissances prématurées.
Le personnel humanitaire note également un nombre accru de fausses couches, dont les causes peuvent être multiples : manque de soins, stress et anxiété, eau non potable, manque de nourriture, air vicié à cause des bombardements, etc. L’agence des Nations Unies affirme que des césariennes ont dû être pratiquées sans anesthésie. En outre, le manque de places pousse les jeunes mères à sortir deux à trois heures après leur accouchement, pour se retrouver à nouveau dans la rue et sans le matériel adéquat pour accueillir un·e nouveau·elle né·e.
Que dire également de l’accès rendu impossible à des conditions d’hygiène décentes ?[4] Dans la bande de Gaza, les produits d’hygiène sont devenus un luxe, en particulier les produits menstruels. L’absence de sanitaires et de serviettes hygiéniques amène les femmes à prendre des risques pour leur santé. Prise de pilule avec des effets secondaires néfastes pour éviter d’avoir leurs règles, superposition de sous-vêtements emballés dans du papier ou des chiffons, manque d’eau pour se laver,… Les infections urinaires sont par conséquent légion, sans pour autant que les femmes aient accès à un traitement adapté. Pour les femmes en post-partum, qui sont donc exposées à des saignements abondants, la problématique s’amplifie. De même, il est impossible de trouver des couches pour les nourrissons.
Face à cette réalité dramatique, nous souhaitons, en cette journée du 8 mars, réaffirmer notre soutien avec les femmes de Gaza qui subissent l’oppression.
Nous réclamons un cessez-le-feu immédiat, l’autorisation de l’acheminement de l’aide humanitaire, la protection de tous·tes les civil·es, la fin du siège de Gaza ainsi que l’ouverture d’une enquête internationale impliquant que la communauté internationale s’intéresse et s’attaque aux racines du conflit. Nous affirmons notre soutien avec les femmes de Gaza, contre l’oppresseur, aux côtés de nos sœurs.
Nous appelons la Belgique et l’Union européenne à :
- S’assurer que les produits d’hygiène et les médicaments spécifiques aux besoins des femmes et des enfants soient acheminés de manière prioritaire grâce à l’aide humanitaire ;
- Prendre l’initiative pour imposer un embargo militaire international complet, et dans le contexte européen, d’activer l’article numéro 2 relatif au respect des droits humains dans l’accord d’association UE-Israël en vue d’imposer des sanctions économiques et diplomatiques à l’égard de l’État d’Israël ;
- Soutenir pleinement les enquêtes menées actuellement par la Cour Pénale Internationale (CPI) et encourager son procureur à faire de la poursuite des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crime d’apartheid, une priorité absolue ;
- Soutenir pleinement la plainte contre Israël introduite par l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) afin de mettre un terme au génocide et au nettoyage ethnique du peuple palestinien par Israël et qu’elle se conforme pleinement à toutes les mesures conservatoires décidées par la Cour ;
- Mettre fin, conformément au droit international, à toute complicité avec l’apartheid imposé au peuple palestinien, en commençant par renforcer son appui politique et budgétaire au bon fonctionnement et à l’actualisation de la base de données de l’ONU relative aux entreprises impliquées dans la colonisation et en interdisant tout commerce avec les colonies israéliennes en territoire palestinien occupé.
- Maintenir et augmenter la contribution de la Belgique à l’UNRWA et inviter les autres États membres à faire de même. Au niveau européen, nous appelons la Commission européenne à débourser les fonds dus pour la fin du mois de février, sans lesquels l’UNRWA risque un effondrement qui serait dramatique pour les civils à Gaza.
[1] Selon les chiffres communiqués par l’OCHA – Bureau de la coordination des affaires humanitaires pour les Nations Unies dans le territoire palestinien : https://www.ochaopt.org/.
[2] Selon les chiffres de l’UNICEF publiées le 1er mars : https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre/
[3] Selon les chiffres de l’UNICEF au 19 janvier 2024.
[4] https://www.middleeasteye.net/fr/actu-et-enquetes/guerre-gaza-les-femmes-palestiniennes-peinent-trouver-des-produits-dhygiene#:~:text=%C2%AB%20Certaines%20femmes%20prennent%20des%20pilules,pour%20se%20laver%20est%20inexistante.%20%C2%BB