« Mais qu’est-ce qu’il a, le corps des femmes, pour qu’on lui foute jamais la paix ? » Bien plus qu’une simple parole d’un morceau vibrant, cette question est fondamentale : elle énonce la problématique de la pression mise sur les corps des femmes, cadenassés par les injonctions patriarcales. Mais de quels corps et de quelles femmes parle-t-on ? Et pourquoi le rapport des femmes à leur corps est-il féministe et politique ?
Une « ressource » précieuse accaparée
Les inégalités de genre que l’on connaît encore aujourd’hui dans de nombreux domaines reposent sur les privilèges et la domination d’un groupe sur un autre, plus précisément des hommes sur les femmes. En considérant ce qui les entoure comme des ressources à exploiter, historiquement, les hommes se sont notamment appropriés les corps des femmes. Cela en exerçant une forme de possession et de contrôle sur celui-ci. Tantôt considérés comme fragiles ou faibles (chez les femmes bourgeoises), insensibles (chez les ouvrières et les femmes racisées), tantôt pas assez couverts ou pas assez dénudés, les corps des femmes sont encore trop souvent soumis aux normes patriarcales, dictées par les hommes.
Plus qu’une enveloppe charnelle, un messager politique
« Le corps est l’interface qui nous relie à nous-même et à ce qui nous entoure ». C’est à la fois un outil, un instrument qui reflète ce qu’il y a de plus intime en nous, mais c’est aussi « un lieu de résistance, d’engagement et d’émancipation » écrit Héloïse Husquinet dans l’étude Mises en corps. En effet, ce qui a trait à notre corps peut aller au-delà du personnel et de l’individuel. Au point qu’on légifère dessus, rappelle Silvia Federici dans son dernier ouvrage Par-delà les frontières du corps : « les politiques du corps témoignent d’une prise de conscience que nos expériences les plus intimes, censément privées, sont en réalité hautement politiques, intéressant l’État-Nation ». Repensons à ces derniers mois où le droit à l’IVG a servi de honteux marchandage politique pour former un gouvernement fédéral…
Les corps, tous différents et tous légitimes
Les « normes esthétiques, sexuelles, morales » imposées aux corps des femmes pénalisent celles qui s’en éloignent, qui n’ont pas ce « corps légitime (…), qui correspond aux normes et dont ni l’existence ni la place dans la société ne sont remises en question ». C’est oublier qu’il existe autant de corps différents que de femmes : « L’oppression des femmes [et de leur corps] ne connaît aucune frontière ethnique ou raciale, c’est vrai, mais cela ne signifie absolument pas qu’elle est identique au sein de ces différences ». Femme racisée/blanche, trans/cis, valide ou non, âgée/jeune, etc. : la manière de se réapproprier son corps sera propre aux réalités et oppressions que chacune subit. L’émancipation des femmes et de leur corps ne peut se réduire à une vision unique et universelle. Une chose est certaine cependant : les choix d’une femme n’ont pas à être imposés ni par les hommes – ni par d’autres femmes – supposément censé·e·s savoir ce qui est bon pour elle. Et pour que ce message fasse son chemin dans notre société sexiste, il nous faudra lutter encore et en corps.
Animation virtuelle « Sois belle et tais-toi… Ou pas ! »
Pendant le confinement, les FPS de Liège et de Verviers, en collaboration avec des comités locaux, ont proposé des animations virtuelles via la plateforme Zoom. Un des thèmes abordé est cette injonction que vivent les femmes à être belles. Sur les réseaux sociaux, des « blagues » sexistes montrent par exemple une photo de femme avant et après le confinement, celle-ci ayant pris 20 kilos. Les magazines féminins rappellent également aux femmes qu’elles doivent rester à leur avantage en toutes circonstances. Ces diktats esthétiques se sont avérés encore plus choquants dans une période de crise où les métiers de première ligne étaient assurés par une majorité de femmes (infirmières, aides-soignantes, techniciennes de surface…). Cette animation peut être reprogrammée sur demande et la brochure Cause toujours sale pub ! qui déconstruit les diktats, peut également vous être envoyée (contact: alice.croibien@solidaris.be et julie.marin@solidaris.be). Julie Marin – Animatrice FPS Verviers