L’individualisation des droits ? Derrière ce terme complexe et impossible à répéter plus de trois fois d’affilée sans bafouiller se cache une véritable solution pour une Sécurité sociale moins précaire mais aussi plus inclusive, sociale, égalitaire et féministe ! Depuis de nombreuses années, les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS), ainsi que d’autres associations féministes, luttent pour la fin de la familiarisation des droits sociaux. Mais comment rendre ce concept accessible au grand public alors que le sujet reste généralement confiné au cœur des organisations féministes et militantes ? Grâce à un outil pédagogique accessible, drôle et ancré dans le réel.

Individualisation des droits !? Connais pas !

Chaque individu dispose de droits sociaux. C’est-à-dire qu’un jour ou l’autre de sa vie une personne peut par exemple recevoir des allocations de chômage, des allocations d’insertion, la pension, l’assurance invalidité, le revenu d’intégration social. Tous ces droits sont possibles grâce à la Sécurité sociale. Pour financer la Sécu, l’État, les patron·ne·s mais aussi les travailleuses·eurs contribuent. C’est le principe de solidarité. Comme l’explique Eléonore Stultjens, chargée d’études et conceptrice de l’outil pédagogique : « En cotisant, les travailleuses·eurs s’ouvrent des droits propres, pour elles·eux-mêmes, mais aussi des droits dérivés pour leurs enfants et éventuellement pour leur partenaire, si elle ou il est sans revenu professionnel. Les droits dérivés ne se fondent donc pas sur le travail, mais sur une relation de parenté, de mariage ou, dans certains cas, de cohabitation ». Elle ajoute que « si ce modèle de droits dérivés est né, après la seconde Guerre Mondiale, pour protéger les femmes au foyer de la précarité, il est à présent obsolète et pénalise la place des femmes sur le marché du travail. Par ailleurs, depuis les années 80, l’assurance chômage s’est vue modifiée à la suite de l’introduction du statut de cohabitant·e. Une personne au chômage qui cohabite reçoit 2 fois moins qu’une personne au chômage isolée. Ce qui est totalement absurde ! »

Deux poids, deux mesures

Cette situation risque de faire tomber certaines personnes dans des situations de précarité et favorise l’isolement des personnes bénéficiant de différentes allocations. Pour Eléonore, « l’individualisation des droits sociaux, ou IDS, propose de considérer les individus et non plus les ménages pour déterminer le montant des allocations et aides sociales. Cela permettrait d’assurer la neutralité de la Sécurité sociale par rapport aux modes de vie et aux choix individuels ». Si les FPS militent pour la suppression du taux cohabitant·e et des droits dérivés, ces revendications ne sont pourtant pas à l’ordre du jour du calendrier politique… Pourquoi ? Tout simplement parce que ces suppressions présentent un coût important. L’individualisation des droits coûterait en effet 2,5 milliards à l’État (assorti d’un relèvement des allocations sociales au niveau du seuil de pauvreté). Néanmoins, il faut remettre en perspective ce montant face à celui de l’évasion fiscale. Ce dernier représente chaque année 34 milliards d’euros qui s’évaporent des caisses de l’État belge. « Il y a donc vraiment deux poids deux mesures et il est important de rappeler régulièrement qu’il faut se battre pour l’IDS » déplore Eléonore.

Un outil pédagogique pour mieux comprendre les enjeux de l’IDS

Pour permettre au grand public de s’approprier la thématique et prendre part aux débats politiques et citoyens, les FPS ont créé un outil pédagogique disponible gratuitement en ligne. Comme l’explique Elise Voillot, chargée de communication sur le projet : « Pour que les gens s’intéressent à la thématique, on est parties de situations concrètes que peuvent vivre chaque personne face au taux cohabitant·e et à la familiarisation des droits. On a détourné ces situations avec une pincée de dérision et d’ironie pour contraster avec le côté très technique de la thématique. Par exemple, on a Roméo et Juliette qui se lamentent d’être des amants maudits face au taux cohabitant·e ou Blanche-Neige qui hésite à accepter le cadeau empoisonné qu’est le quotient conjugal. Mais au-delà de l’aspect humoristique, les cartes sont surtout là pour favoriser la parole autour de ce sujet. » « À travers ces 10 cartes, réalisées par l’illustratrice Odile Brée, on s’ouvre à l’échange, on s’interpelle et on débat lors d’animations organisées par nos animatrices·teurs FPS ou d’autres professionnel·le·s du secteur socio-culturel souhaitant aborder la question avec leurs publics », ajoute Eléonore. Pour compléter les cartes, présentant les enjeux de l’IDS, un dossier pédagogique est également disponible en ligne. Comme le souligne Eléonore : « Ce dossier est le fruit d’un travail minutieux réalisé grâce aux soutiens d’expert·e·s sur le sujet et de nos équipes d’animation. Il apporte un complément d’informations pour les professionnel·le·s afin de nourrir leurs connaissances et alimenter les animations sur l’IDS. Grâce à ce dossier, on espère vraiment apporter un regard genré sur le sujet et faire enfin bouger les mentalités ! »

Pour en savoir plus sur l’outil et en télécharger ces différentes composantes, rendez-vous sur le site des FPS.