Depuis toujours, les actions collectives sont une voie essentielle vers le changement social. Comment la marche – qui est à la fois une activité physique, un mode de déplacement et un loisir – peut-elle nous aider à franchir le pas, et à renforcer notre engagement citoyen pour une société plus juste ?
1 – Marcher pour regarder ensemble dans la même direction
Visites guidées dans la ville, marches exploratoires, circuits thématiques sur les sorcières ou encore balades sonores féministes… Toutes ces activités ont un point commun : allier des contenus culturels et militants à une activité physique, la marche. Loin d’être des « parcours santé » en tant que tels, les associations organisatrices (comme Soralia) partagent des informations éclairées et ludiques sur nos manières de « faire société » tout en favorisant des moments de rencontres et de discussions enrichissants.
A titre d’exemple, l’ASBL féministe Noms Peut-être organise des visites guidées à Bruxelles afin de mettre en avant des femmes qui ont marqué la Capitale, mais aussi pour dénoncer leur invisibilité dans l’espace public, l’Art et l’Histoire. Une belle façon de découvrir des femmes belges inspirantes !
2 – Se laisser porter par le vent… des manifs
Il n’y a pas si longtemps en Belgique, les femmes étaient encore majoritairement confinées dans l’espace privé et domestique, sans possibilité légale de participer à la vie citoyenne et politique. Encore aujourd’hui, en fonction de l’heure ou du lieu, se promener dans l’espace public n’est pas une activité si anodine lorsqu’on est une femme. En effet, la majorité d’entre nous a connu du harcèlement dans l’espace public.
Pour lutter contre cet environnement peu accueillant, s’approprier l’espace durant des manifestations massives est une stratégie intéressante. Protester est un droit parfois menacé. Pourtant, marcher, crier, chanter, brandir des panneaux dans les rues, sont des moyens d’affirmer sa présence physique dans l’espace public, d’exprimer un soutien visible aux autres femmes et de démontrer sa volonté de lutter pour ses droits… Tant qu’il le faudra.
3 – Être sur un même pied d’égalité
Les marches citoyennes ne sont pas réservées aux féministes, et tant mieux ! Balades décoloniales, manifestations contre le racisme, pour le climat, évènement « Bougeons pour l’inclusion » pour la journée internationale des personnes en situation de handicap… Ces actions citoyennes nous invitent à « comprendre et interroger notre société et les rapports de domination existants […] permettant la lecture du passé pour comprendre le présent et surtout, construire le futur de notre société » explique le Collectif de Mémoire Coloniale et de Lutte contre les Discriminations.
Dès lors, être solidaire, c’est permettre à tou·te·s de marcher côte à côte sur un même pied d’égalité. Bien que la marche soit un des sports les plus accessibles, il peut être impossible à pratiquer pour certaines personnes. Cela peut s’expliquer par leur âge ou leur état de santé, mais les causes réelles sont un manque d’inclusivité dans l’aménagement urbain (trottoirs étroits, pavés inégaux et surélevés, trous, etc.) et des impensés dans l’organisation des activités (non-partage de l’itinéraire, sa longueur, certains horaires, etc.). Sans nier les challenges à relever, réfléchir à ces aspects concrets renforcera la lutte commune.
4 – Le sport à l’épreuve de la politique
Le sport a longtemps été utilisé pour diffuser des idées politiques. Sous le Troisième Reich, l’Allemagne nazie investissait beaucoup les secteurs de la jeunesse et du sport, surtout la gymnastique, l’équitation, l’escrime puis, l’éducation physique de manière générale. Plus récemment, les « Active Club » ont fait leur apparition aux Etats-Unis en 2020, puis en Europe (France, Danemark, Italie, Finlande). Ces clubs d’art martiaux informels sont des façades qui « réunissent des individus partageant des idées d’extrême-droite et glorifiant une vision masculiniste, viriliste et raciste de la société » explique le journaliste Gaëtan Gras. Les sports de contact sont utilisés pour rester en bonne santé et se préparer au « combat physique contre l’immigration ». L’ASBL Weerbaar (« Résilient ») créé par Dries Van Langenhove, ex-député du Vlaams Belang, en est un exemple. En opposition, les marches citoyennes expriment de manière plus transparente leurs valeurs et leur objectif d’exercer une démocratie participative. Finalement, tant le sport que les sciences ou la santé ne sont pas des secteurs « neutres ». Il faut savoir dans quoi on met les pieds !
5 – Marcher pour – vraiment- prendre soin de soi
Entre une société inégalitaire et un militantisme parfois épuisant, prendre soin de soi parait nécessaire et politique. En effet, le rythme effréné de notre société ne nous permet pas de prendre suffisamment de recul sur nos engagements (notamment militants), sur les organisations qui nous entourent ou encore sur nous-même.
Marcher pourrait être une solution. Sans investir dans le secteur lucratif du développement personnel, la marche aide à ralentir et à revenir dans le moment présent. Thérapies dans la forêt, Shinrin-Yoku (« bain de forêt »), marche digestive dans un parc, moyen de déplacement, randonnée du weekend, promenade solo ou en groupe… toutes les raisons sont bonnes pour profiter des bienfaits incroyables de la marche sur notre santé physique, cognitive et émotionnelle. Et si les associations s’appropriaient ce sport comme un moyen de « prendre soin » au niveau collectif ?
Serait-ce une opportunité pour agir contre le « burn-out militant » ? Il parait que militer vient en marchant… Un pas après l’autre, un jour après l’autre,
le patriar-caca disparaitra !