« Individualisation des droits sociaux » : que signifie ce concept à rallonge impossible à prononcer correctement dix fois d’affilée et pour lequel nous militons? Décomposons–le !
Nos droits sociaux
Il s’agit des allocations de chômage (sur base du travail), des allocations d’insertion (sur base des études), de la pension, de l’assurance invalidité, du revenu d’intégration sociale ou encore de la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA).
Les droits sociaux toujours pas individualisés À ne pas confondre avec la notion d’individualisme (ou « attitude favorisant l’initiative individuelle, l’indépendance et l’autonomie de la personne au regard de la société ») ! Actuellement, en Belgique, les droits sociaux ne sont pas individualisés. Cela signifie qu’ils sont, pour l’instant, conditionnés par la situation familiale de l’individu. En cotisant, les travailleuses·eurs s’ouvrent des droits propres, pour elles·eux-mêmes, mais aussi des droits dérivés pour leurs enfants et éventuellement pour leur partenaire, si elle ou il est sans revenu professionnel. Les droits dérivés ne se fondent donc pas sur le travail, mais sur une relation de parenté, de mariage ou, dans certains cas, de cohabitation.
Pourquoi voulons-nous des droits sociaux individualisés ?
- POUR QUE LA PROTECTION SOCIALE… NE PLONGE PAS LES INDIVIDUS DANS LA PAUVRETÉ
Depuis 1980, l’assurance chômage s’est vue modifiée à la suite de l’introduction du statut de cohabitant·e. Une personne au chômage qui cohabite reçoit 2 fois moins qu’une personne au chômage isolée. Les faibles montants fixés pour les cohabitant·e·s sont un facteur important de précarité qui mène également à l’éclatement des solidarités familiales et à l’isolement des individus. Par exemple, deux partenaires devenant allocataires du chômage vont très probablement songer à se domicilier à deux adresses différentes ou à se séparer pour ne pas voir leur allocation respective diminuer de moitié.
- POUR QUE LA PROTECTION SOCIALE… NE CRÉE PAS D’INÉGALITÉ ENTRE LES CITOYEN·NE·S
Actuellement, deux personnes qui travaillent le même nombre d’années, qui gagnent le même salaire et qui cotisent donc de la même façon ne sont pas traitées de manière égale en fonction de leur situation familiale. Par exemple, si elles se retrouvent au chômage, elles recevront des allocations différentes si l’une est isolée et l’autre cohabitante.
- POUR QUE LA PROTECTION SOCIALE… NE MAINTIENNE PAS LES FEMMES DANS LA DÉPENDANCE DE LEUR ÉPOUX
Les droits dérivés ont été conçus, à l’époque de la création de notre Sécurité sociale, pour protéger l’épouse et les enfants du mari travailleur, afin qu’elles·ils bénéficient également d’une protection sociale. Il s’agit d’un système basé sur une vision traditionnelle de la famille, où le mari ramène de l’argent, et où l’épouse reste à la maison ; une conception familialiste de la protection sociale qui n’est plus actuelle. Par exemple, la pension au taux ménage repose sur la dépendance des femmes à l’égard de leur mari. Ces droits individualisés sont donc défavorables au travail des femmes et à leur autonomie.
Militer pour l’individualisation des droits sociaux, c’est essentiel !
Il s’agit donc de considérer les individus et non plus les ménages dans l’attribution des droits sociaux. C’est en cotisant que l’on devrait se créer un droit, et tou·te·s les cotisant·e·s devraient avoir les mêmes droits. Cela permettrait d’assurer la neutralité de la Sécurité sociale par rapport aux modes de vie et aux choix individuels. En pratique, cela signifie la suppression du statut de cohabitant·e et la suppression des droits dérivés. Cela doit se faire de manière progressive et ne pas toucher aux revenus des personnes qui bénéficient déjà de droits dérivés. Nous revendiquons donc la fin des droits dérivés pour les nouvelles générations.
Pour aller plus loin…
GILLET Julie, « Individualisation des droits : Quoi ? Comment ? Pourquoi ? », Analyse FPS, 2016.
STULTJENS Eléonore, « Le taux cohabitant-e : quand protection sociale rime avec pauvreté », Analyse FPS, 2019.
STULTJENS Eléonore, « Du chômage au CPAS : récits de femmes », Étude FPS, 2019.